Malgré la brièveté de leur carrière en tant que groupe, les Beatles sont les inventeurs de la «pop music», les pionniers qui ouvrirent la voie à toutes les recherches musicales des années 1970. Avant eux, la musique populaire était cloisonnée en genres distincts (rock, folk, jazz, blues). Après eux, on parlera de pop music comme d'un langage musical complexe, influencé par le rock, le folk, la musique classique et même, dans le cas des Beatles, par la musique indienne. Ils sont en outre, avec Bob Dylan et les Rolling Stones, les seuls musiciens pop ayant atteint de leur vivant la dimension d'un mythe. Comme eux, mais d'une manière plus subtile, ils ont incarné la révolte de la jeunesse des années 1960 contre la bonne conscience et le conformisme d'une société de consommation naissante. Ils sont également, avec Dylan, les premiers compositeurs pop à avoir accordé autant d'importance aux textes de leurs chansons. Nés dans le prolétariat de Liverpool, les Beatles débutent dans des boîtes de nuit mal famées où leur manager, Brian Epstein, les découvre. Ils enregistrent en 1962 leur premier album «Please Please Me», mêlant de vieux succès du rock à des compositions originales de Lennon et McCartney. Le succès ne se fait pas attendre; le groupe a un charisme exceptionnel, qui tient à la forte personnalité de chacun de ses membres: John Lennon (1940-1980) : guitariste, est l'intellectuel du groupe, à l'esprit caustique; Paul McCartney (né en 1942) : le bassiste, en est le musicien le plus doué; George Harrison (1943-2001) : excellent guitariste solo, est un «mystique» qui initiera ses amis aux religions orientales Richard Starkey, dit Ringo Starr (né en 1940) : le batteur, apporte au groupe sa drôlerie et sa bonne humeur. Les Beatles sont les rois du monde Dans les années 1963-1965, albums et tournées triomphales se succèdent: «With the Beatles» (1963); «A Hard Day's Night» (1964); «Beatles for Sale» (1964); «Help» (1965); l'originalité des Beatles éclate déjà dans ces premiers disques: ce sont des chansons d'amour, au romantisme teinté d'humour, sans vulgarité ni mièvrerie. La diversité des mélodies et des rythmes, l'interprétation de Lennon et McCartney, les accords plaintifs de la guitare de Harrison, tout cela concourt à un succès sans précédent: chaque apparition publique du groupe provoque des émeutes 1965 et 1966 sont des années charnières, celles de deux albums complexes: «Rubber Soul» (1965) et «Revolver» (1966), dont la qualité sonore est plus sophistiquée que celle des précédents, qui se contentaient de reproduire le son des concerts. Des instruments rares sont utilisés (flûte, clavecin, cithare). Harrison tire de sa guitare électrique une expressivité jamais atteinte jusqu'alors. Avec ces deux disques, les Beatles créent véritablement la pop music. Les paroles de leurs chansons deviennent mystérieuses et graves; Lennon donne libre cours à une vocation poétique surréalisante La fin d'une épopée En 1970, les Beatles se séparent, les personnalités musicales de chacun étant devenues trop divergentes. Lennon se lance dans la chanson engagée et donnera encore des albums phares des années 1970 («Plastic Ono Band» en 1970; «Imagine» en 1971) avant d'être assassiné à New York en 1980; McCartney continue à fignoler des mélodies enchanteresses et fonde le groupe Wings («Band on the Run» en 1973; «Tug of War» en 1982); Harrison s'adonne aux religions hindoues et introduit en Europe la secte de Krishna; ses disques font toujours montre d'éclatants dons de guitariste («All Things Must Pass» en 1970; «Extra Texture» en 1975); tandis que Ringo Starr enregistre des albums de variétés qui ont parfois le mérite de réunir les autres Beatles («Ringo» en 1973). Tous les quatre ensemble, les Beatles avaient du génie: séparément ils sont - Lennon mis à part, le plus authentique poète des quatre - moins originaux. Mais leur œuvre collective reste toujours aussi neuve et riche: elle a ouvert la voie à tous les groupes des années 1970 (Pink Floyd, Genesis, Yes) ou 1980 (Police, Pretenders) et symbolise plus que jamais l'insouciance et la créativité des «sixties»