Joe Biden espérait réaffirmer l'influence des Etats-Unis au Moyen-Orient lors de sa première tournée dans la région en tant que président, mais sa visite s'est, sans surprise, conclue avec très peu d'avancées notables, estiment des analystes. Après une première étape mercredi et jeudi en Israël et dans les Territoires occupés, le président américain a passé les dernières 24 heures de sa tournée en Arabie saoudite, où il n'a réalisé aucune percée diplomatique majeure, ni sur les prix du pétrole, ni sur les droits humains, ni sur le rôle d'Israël dans la région. L'Arabie saoudite était l'étape la plus délicate du voyage, la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine ayant contraint Joe Biden à courtiser le royaume, qu'il avait pourtant promis de traiter en « paria » après l'assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Washington espérait un coup de pouce de la part du premier exportateur mondial de brut pour faire baisser le prix élevé du pétrole, qui plombe les chances des démocrates aux élections législatives de novembre. « Je fais tout ce que je peux » pour augmenter l'offre de pétrole, a déclaré M. Biden après des réunions bilatérales avec les dirigeants saoudiens vendredi, ajoutant que les résultats ne seraient pas visibles « avant deux semaines ». Son conseiller en sécurité nationale, Jake Sullivan, a toutefois tempéré les attentes, affirmant aux journalistes que toute action « sera menée dans le cadre de l'OPEP+ », l'alliance des principaux pays exportateurs qui comprend notamment la Russie. Samedi, lors d'un sommet réunissant les six membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Oman, Koweït, Bahreïn), ainsi que l'Egypte, la Jordanie et l'Irak, le pétrole « n'était pas vraiment au menu », a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane, lors d'une conférence de presse. La promesse du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane d'augmenter la capacité de production à 13 millions de barils par jour avait déjà été faite en mai, et ne devrait pas devenir réalité avant 2027. Au niveau des relations avec Israël, le royaume n'a jamais adhéré aux Accords d'Abraham négociés par les Etats-Unis en 2020, qui ont permis à l'Etat hébreu de normaliser ses relations avec le Bahreïn et les Emirats arabes unis, assurant qu'il ne reconnaitra Israël que dans le cadre d'un accord de paix avec les Palestiniens. Ryad a toutefois semblé faire un geste quelques heures avant l'arrivée de M. Biden en annonçant l'ouverture de son espace aérien à « tous les transporteurs », y compris israéliens. Mais les espoirs de Washington ont rapidement été douchés, le royaume ayant minimisé sa décision, l'une des rares annonces concrètes de ce voyage. Ce n'est « en aucun cas un prélude à une quelconque étape » vers la normalisation, a tempéré le chef de la diplomatie saoudienne, à peine l'avion présidentiel décollé de Jeddah. Par ailleurs, les déplacements du président américain en Israël et dans les Territoires palestiniens, n'ont marqué aucun progrès au niveau des négociations de paix qui sont au point mort depuis 2014. M. Biden s'est contenté de rencontrer des dirigeants des deux côtés, annonçant des aides financières aux Palestiniens et un projet pour déployer la 4G en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le président américain et le Premier ministre israélien Yaïr Lapid ont par ailleurs signé un pacte de sécurité engageant les Etats-Unis à ne jamais permettre à l'Iran, bête noire d'Israël, d'acquérir l'arme nucléaire. Les deux hommes ont toutefois affiché leurs divergences sur l'approche à adopter dans ce dossier, M. Biden privilégiant la voie diplomatique et M. Lapid n'excluant pas le recours à la force contre la République islamique. Le moment le plus controversé de la visite de M.Biden a été sa rencontre avec le prince héritier et dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (MBS), désigné par les services de renseignements américains comme le commanditaire de l'assassinat en 2018 du journaliste critique saoudien Jamal Khashoggi. Le « fist bump », salut poing contre poing entre les deux hommes, a fait la Une du Washington Post, journal pour lequel écrivait M. Khashoggi, et a été qualifié de « honteux » par le directeur du quotidien. « La salutation entre le président Biden et MBS est douloureuse en tant que représentation visuelle de notre incapacité à demander des comptes », affirme Kristin Diwan du Arab Gulf States Institute à Washington. Pour le saoudien Abdullah Alaoudh, qui vit aux Etats Unis et dont le père –un éminent religieux– est détenu au royaume depuis 2017, c'est « un énorme revers ». Il était néanmoins peu probable que les Saoudiens fassent des concessions majeurs sur les droits humains, et pour certains experts cela ne fait pas forcément du voyage un échec. « La visite en elle-même est un succès, surtout pour les Saoudiens, en particulier Mohamed ben Salmane », affirme l'analyste Hussein Ibish. Pour Biden, l'objectif était d'améliorer les relations personnelles et politiques entre son administration et le royaume. « Cela semble avoir été accompli » ajoute-t-il.