La Cour Suprême des Etats-Unis a enterré, le 24 Juin dernier, l'arrêt «Roe vs Wade» qui, en faisant de l'Interruption Volontaire de Grossesse, un droit protégé par la Constitution, garantissait, depuis le 22 Janvier 1973, le droit des américaines à avorter donc à disposer librement de leur corps ; ce qui constituait, incontestablement, en ces temps-là, une avancée notable en matière de libertés individuelles. Mais, en ayant révoqué le droit constitutionnel à l'avortement et laissé, à chaque Etat, le soin de légiférer dans le sens qui lui convient, la Cour Suprême américaine a effectué un virage à 180 degrés qui a « coupé » le pays en deux en un moment où le nombre des avortements allait crescendo avec une progression de 8%; ce qui a mis les démocrates au-devant de la nécessité de chercher à contrecarrer cette décision en essayant de faire passer des lois fédérales qui garantiraient le droit à l'Interruption Volontaire de Grossesse. Le premier à dénoncer cette « erreur tragique » et ce « retour en arrière » est, bien entendu, le président démocrate Joe Biden qui a, immédiatement, fustigé une décision «scandaleuse» qui, à ses yeux, non seulement nuit à la santé des femmes, mais constitue une atteinte tellement flagrante au droit à la vie privée que plusieurs organisations de défense des droits reproductifs lui ont demandé de proclamer un état d'urgence sanitaire de manière à pouvoir offrir aux femmes, indépendamment de leur lieu de résidence, la possibilité de recourir à l'avortement dès lors qu'elles en manifestent le désir et de leur faciliter l'accès aux pilules abortives. Mais si, comme il l'a affirmé dans une conférence de presse donnée à l'issue du sommet de l'OTAN à Madrid, le chef de la Maison Blanche entend abolir la règle de la super-majorité qui requiert la majorité des deux-tiers des sénateurs – soit 60 voix pour faire passer une loi – et propose de faire adopter la règle de la majorité simple qui n'a besoin que de 51 voix pour pouvoir inscrire, dans la loi, le droit à l'Interruption Volontaire de Grossesse, force est de reconnaître que cette option n'a que très peu de chances d'aboutir car, bien que l'intention soit claire, les moyens de la traduire en acte restent difficiles à mettre en œuvre du moment que les démocrates ne détiennent que 50 sièges sur 100 au Sénat même si la voix de la vice-présidente Kamala Harris reste prédominante. Aussi, par crainte que le raisonnement de la Cour, basé sur une lecture littérale de la Constitution, ne puisse s'appliquer à d'autres droits individuels acquis récemment comme le mariage homosexuel, le chef de la Maison Blanche estime qu'il serait nécessaire de «codifier Roe vs Wade dans la loi», «que le Congrès vote en ce sens» et que, pour éviter de se heurter au «filibuster» c'est-à-dire à une obstruction parlementaire, il va falloir «s'assurer d'une exception». Autant dire que, pour surmonter tout éventuel blocage, aucun député démocrate ne devra manquer à l'appel ; ce qui reste incertain dès lors qu'à deux reprises Joe Manchin et Kyrsten Sinema, respectivement élus démocrates de la Virginie-Occidentale et de l'Arizona, étaient sortis des rangs et partis « jouer une partition dissonante » si bien qu'ils étaient même parvenus, en Novembre dernier, à empêcher l'adoption du plan «Build Back Better» (Reconstruire mieux) revitalisant l'Etat-providence et qu'ils restent fermement opposés à l'abolition du principe de la super-majorité si chère au Président américain. Or, faute de pouvoir agir par décret, le chef de l'Etat a appelé les américains à voter en masse aux législatives de Novembre prochain pour essayer d'élargir la majorité démocrate au Congrès et à protéger plus largement le «droit à la vie privée» fondé jusqu'ici sur la jurisprudence. Le président Joe Biden qui a longtemps répugné à changer la règle de la super-majorité censée encourager le compromis entre les deux grands partis américains, Démocrate et Républicain, a-t-il des chances de faire passer en force la règle de la majorité simple ? Attendons pour voir...