Très dépendante de la Russie pour son approvisionnement en hydrocarbures, l'Allemagne risque fort, l'hiver prochain, de ne pas avoir suffisamment de gaz « pour chauffer toutes les maisons et faire tourner toutes les industries (...) si les livraisons en provenance de la Russie venaient à être coupées ». C'est ce qui ressort de l'entretien qu'avait accordé, à la radio « Deutschlandfunk », le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck et qui justifierait amplement le soutien jugé trop hésitant apporté à l'Ukraine par l'Allemagne car qu'elle soit volontaire ou subie, une rupture de l'approvisionnement de l'Allemagne en gaz russe, aurait des conséquences industrielles et macroéconomiques majeures. Ainsi, à Ludwigshafen, dans le land de Rhénanie-Palatinat, sur le site BASF qui est le plus grand complexe chimique au monde où sont fabriqués plus de 200.000 produits – à savoir, composés de base pour la pharmacie, agents de lavage pour les produits d'entretien et les cosmétiques, plastiques, colles, lubrifiants, peinture pour les carrosseries de voitures ou encore ammoniaque pour les engrais – toutes les installations sont connectées entre elles pour utiliser au mieux l'énergie et ce, par le biais de cette véritable forêt métallique formée par un gigantesque réseau de tuyaux gris, coudés, étroitement imbriqués et portés par des kilomètres d'échafaudages. En ajoutant à cela le fait qu'étant donné que l'industrie européenne est très imbriquée, presque toutes les branches – automobile, agroalimentaire ou même cosmétiques – reçoivent directement ou indirectement des produits fabriqués à Ludwigshafen via un processus qui nécessite de très grandes quantités de chaleur, produite à partir du gaz qui, en chimie est à la fois, une énergie et une matière première, on comprend aisément les hésitations de l'Allemagne. Aussi, en s'opposant à un embargo immédiat sur les hydrocarbures russes préconisé par Washington et ses alliés afin d'assécher les flux financiers vers Moscou suite à son offensive sur l'Ukraine car il déstabiliserait fortement l'économie et la société allemande par la hausse des prix de l'énergie et les risques de pénurie auxquelles il pourrait donner lieu, Berlin a été sévèrement critiqué par ses alliés européens. Mais, après avoir été mise sous pression, l'Allemagne s'est trouvée contrainte de changer son fusil d'épaule et d'accepter de mettre fin, à court terme, à sa dépendance énergétique aux hydrocarbures russes. C'est à ce titre, d'ailleurs, que, lors du déplacement qu'elle a effectué, mercredi dernier, à Riga, la capitale de la Lettonie, pour y rencontrer ses homologues des Etats baltes, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a promis que l'Allemagne « en aura fini avec le pétrole russe » d'ici la fin de l'année. Reconnaissant, par ailleurs, « les grosses erreurs » politiques commises, ces dernières années, par l'Allemagne vis-à-vis de Moscou et notamment cette « erreur fatale » que fut le gazoduc de la mer Baltique « Nord Stream 2 », la ministre allemande a, officiellement, déclaré que son pays prévoit de réduire de moitié ses importations de pétrole russe d'ici l'été et d'y mettre un terme à la fin de l'année. Ainsi, bien que cette échéance ait déjà été évoquée, le 25 mars dernier, par le ministre allemand de l'Economie, la cheffe de la diplomatie allemande, consciente du fait que les atermoiements du gouvernement de Berlin avaient laissé planer un doute sur la volonté de l'Allemagne d'intensifier la pression sur Moscou, a jugé hautement nécessaire de confirmer cette date-butoir. S'agissant, par ailleurs, de l'embargo qui porterait sur les importations de gaz russe, la ministre allemande des Affaires étrangères a tenu à signaler que celui-ci allait suivre, mais cette fois-ci, dans le cadre « d'une feuille de route européenne commune » sans, toutefois, donner plus de précisions quant à l'échéance puisque le ministre allemand de l'Economie avait déjà évoqué une sortie complète « du gaz russe » d'ici à l'été 2024. L'Allemagne va-t-elle pouvoir tenir ses promesses et se passer du pétrole russe dès la fin de cette année et du gaz russe à la fin de l'année 2024 ? Attendons pour voir...