Maria Mouatadid – MAP Pour minimiser le risque d'être acteur d'une pratique anticoncurrentielle, les entreprises s'orientent de plus en plus vers des programmes de conformité aux règles de concurrence, lesquels se veulent des dispositifs d'anticipation pratique et efficace pour la gestion du risque concurrentiel. Compte tenu des évolutions réglementaires qui s'opèrent au niveau national et international et de l'urgence de s'y adapter, l'entreprise devient plus que jamais consciente de ce que ces évolutions impliquent à même d'être compétitive dans des scénarios incertains, mais surtout soucieuse de s'assurer de sa conformité au droit de la concurrence. Relevant de la « soft law », les programmes de conformité sont ainsi déployés en amont de façon volontaire par les entreprises pour éviter la commission de toutes infractions aux règles du droit de la concurrence. Ils s'inscrivent alors dans une stratégie de régulation volontariste de prévention et de gestion des risques concurrentiels. Concrètement, il s'agit d'un dispositif pratique de responsabilisation permettant de détecter des éventuelles infractions au droit de la concurrence, mais aussi d'informer le personnel de l'entreprise aux risques concurrentiels. Dans cette approche, un guide de conformité concurrentielle a vu le jour récemment pour les entreprises marocaines dans la finalité de favoriser la création d'un marché libre et novateur en faveur de la concurrence et la compétitivité des firmes mais également du bien-être du consommateur. Elaboré par le Conseil de la concurrence, ce guide a pour objet d'orienter les entreprises et les organisations professionnelles pour se doter d'un programme de conformité au droit de la concurrence, que ce soit sur une base autonome ou en l'intégrant à une politique plus globale de conformité aux règles et normes en vigueur (corruption, financement d'activité illicites, blanchiment d'argent, protection des données personnelles...). « Les programmes de conformité permettent aux entreprises et aux organisations professionnelles de jouer un rôle proactif dans la régulation concurrentielle des marchés. Ils incarnent une approche d'autorégulation du marché par les acteurs eux-mêmes qui, en détectant et prévenant les risques d'atteintes à la concurrence liés à leurs actions, promeuvent le fonctionnement concurrentiel des marchés au lieu d'être source de dysfonctionnement de celui-ci », relève-t-on du guide. Autrement dit, les programmes de conformité en concurrence permettent aux entreprises et aux organisations professionnels non seulement de se protéger juridiquement en minimisant considérablement le risque d'être acteur d'une pratique anticoncurrentielle avec toutes les conséquences juridiques et les coûts qui y sont rattachés (amendes pécuniaires, mauvaise réputation, dévalorisation, peine privative de liberté pour les dirigeants, etc.), mais également de faire partie de la solution et non du problème en améliorant, par leurs comportements, le fonctionnement concurrentiel du marché . Par ailleurs, un programme de conformité est une affaire de réputation et de bonne gouvernance. La mise en place effective d'un programme de conformité permet de protéger et consolider le capital image et la réputation de l'entreprise (ou de l'organisation professionnelle) dans sa relation vis-à-vis de ses partenaires, de ses collaborateurs et même de ses actionnaires, souligne le guide. Le document élaboré par le Conseil n'a pas pour prétention de proposer un programme de conformité en matière de concurrence qui serait universel et applicable à toutes les entreprises, souligne le guide, rappelant que le programme de conformité doit être conçu par et pour l'entreprise, adapté et fait sur mesure, en fonction des marchés, des produits, de l'organisation, de la taille, de la culture et des circuits décisionnels de l'entreprise en question. Le guide vise par conséquent à proposer aux entreprises et aux organisations professionnelles, un cadre référentiel générique de conformité aux règles du droit de la concurrence. Il met, à cet effet, à leur disposition une « boîte à outils » pratique à partir de laquelle elles peuvent confectionner et personnaliser leurs propres programmes de conformité. Cet outil propose ainsi aux entreprises et aux organisations professionnelles les bonnes pratiques organisationnelles et managériales à mettre en œuvre pour la mise en place d'un tel programme ainsi que les bons réflexes que l'entreprise doit développer pour être respectueuse des règles du droit de la concurrence, à travers une identification des risques avérés ou potentiels relatifs à son activité. Nécessitant uniquement la mise en place d'un manuel de bonnes pratiques et une formation des salariés de l'entreprise, la mise en place d'un programme de conformité spécifiques aux règles et valeurs du droit de la concurrence s'inscrit aussi dans une approche de responsabilité éthique de l'entreprise vis-à-vis de l'écosystème social, économique et son environnement concurrentiel dans lequel elle évolue.