Aujourd'hui, qui tente de produire des «idées progressistes» sur la tribune politique face à l'hégémonie des «courants rétrogrades» dans notre pays? Quelle pensée fait-on véhiculer, à travers les forums de culture, les supports de l'information et les enceintes de l'université? Le débat public sur les grandes questions qui émaillent la vie sociétale et les défis à relever, en dehors du souci technique au quotidien, se fait pratiquement rare. L'élite se recroqueville sur son propre statut, sans trop se préoccuper du reste. L'intelligentsia «se la coule douce», bien emmitouflée dans son fauteuil duveteux et perchée sur sa tour d'ivoire, quasiment en rupture avec son entourage. La télévision, elle, à bien des égards, fait débarquer la population dans les dédales de la platitude, par le biais de menus creux et obsolètes. Le gouvernement censé s'atteler à la floraison du niveau de la conscience collective, par le canal de la mobilisation des institutions médiatrices, en direction de l'essor et l'épanouissement du citoyen, est carrément aphone et atone, à l'image de son chef auquel l'élocution et le postulat font défaut. Sur cette ambiance générale plutôt amorphe, foisonnent l'envie individualiste et le péril obscurantiste, au préjudice des valeurs de la société qui tendant à s'effriter, au fil des ans. Notre pays a besoin du discours moderniste, en parfaite conformité avec les mutations qui s'opèrent à des cadences accélérées parmi les générations montantes. Un énoncé aux sons fluides qui permet l'éclosion de la jeunesse et sécrète les idéaux de justice et de démocratie. Il est bien vrai que l'effondrement de cet idéal prolifère actuellement, un peu partout dans le monde depuis que les courants extrémistes et xénophobes prennent le dessus sur les vertus de la gauche mondiale. D'autant que la vague néolibérale prospère à tout rompre et assène la dispersion et la disparité dans les contrées de la planète. Mais, il faut bien dire que cette mainmise n'est pas une fatalité encore moins un sortilège à perpétuité, quoique les conditions de la délivrance paraissent inaccessibles, en ces temps de désunion des forces progressistes et démocratiques. Il n'en demeure guère moins vrai que le camp des adeptes de la paix et du progrès, finirait par réapparaître, fort et uni, de par le rapport de force. L'exemple du Chili en est une belle illustration, par la remontée de l'unicité de la gauche plurielle, conduite par le jeune Gabriel Boric, après des années de joug et de sujétion. Au Maroc comme ailleurs, le triomphe du rang humaniste ne peut se produire qu'à travers la diffusion des valeurs que les forces de modernité avait pu incruster au sein de la société. Il n'y a donc pas d'autre issue pour les partisans de la démocratie et du progrès dans notre pays, que de s'unir, malgré les conflits d'appréciation qui les diffèrent, car le rival stratégique est identique et ne saurait se transformer en ennemi secondaire.