Nabil EL BOUSAADI Sans l'innocenter sur le fond, la Cour Suprême du Brésil avait annulé, le 8 mars 2020, l'ensemble des charges qui pesaient, depuis 2015, sur l'ancien président Luis Inacio Lula da Silva dans le cadre de l'affaire dite « Lava Jato » et aux titre desquelles il avait passé 580 jours derrière les barreaux entre 2018 et 2019. Toutes les procédures qui étaient engagées contre le fondateur du « Parti des Travailleurs » (PT) ayant donc été levées, celui qui avait présidé aux destinées du Brésil de 2003 à 2010, a donc retrouvé tous ses droits civiques est se trouve, désormais, éligible pour l'élection présidentielle d'Octobre 2022, voire même, très bien placé pour battre l'actuel président, Jair Bolsonaro, si les deux hommes venaient à s'affronter lors desdites élections car les sondages sont unanimes. En effet, en étant porté par le souvenir des années prospères de sa présidence, l'ancien président brésilien et chef historique du PT a recueilli 48% des intentions de vote dépassant de très loin l'actuel président qui n'en a obtenu que 22%. D'ailleurs, à en croire, le politologue Joao Peschanski, Lula aurait même toutes les chances de remporter le scrutin présidentiel dès le premier tour si l'alliance qu'il serait en train de négocier avec Geraldo Alckmin, l'ex-gouverneur de droite de Sao Paulo et candidat pressenti à la vice-présidence, venait à se concrétiser car il aura ainsi l'occasion de réunir ce front républicain seul à même de faire barrage à l'extrême-droite dès lors qu' « il y a une nouvelle compréhension du rôle que Lula peut jouer pour sortir le Brésil de cette ère des ténèbres dans laquelle Bolsonaro l'a plongé » et que « la clé du scrutin reste l'économie » dans la mesure où « le pays est traumatisé par la pandémie du coronavirus qui laisse, outre un bilan humain très lourd (618.000 décès), une crise socio-économique dévastatrice ». Si donc le probable duel de la prochaine présidentielle brésilienne s'avère inédit entre deux ennemis-jurés, il sera aussi tellement tendu qu'en cas de victoire de Lula, l'image même qui montrerait Jair Bolsonaro lui remettant l'écharpe présidentielle semble, dès à présent, inconcevable dès lors que le leader de l'extrême-droite brésilienne ne fait pas mystère de son intention de contester son éventuelle défaite à l'élection présidentielle d'Octobre. Autant dire que cette année 2022 s'annonce très tendue dans ce plus grand pays d'Amérique latine qui se prépare à un duel inédit entre un président sortant que certains surnomment le « Trump des tropiques » et celui qui, pour ses partisans, restera toujours le « père des pauvres » et qui entend bien retrouver le fauteuil présidentiel après avoir recouvré son éligibilité. Mais les sondages n'étant rien d'autre que des prévisions, la victoire de Lula, attendue par de nombreux brésiliens mais aussi par plusieurs dirigeants d'Europe et d'Amérique latine, n'est pas acquise dès lors que bien qu'il ait été blanchi des accusations pour lesquelles il avait été poursuivi, son nom restera, à jamais et pour une bonne partie de l'opinion publique brésilienne, synonyme de la corruption des élites politiques Et si, d'un autre côté, Jair Bolsonaro doit, en grande partie, son élection au rejet violent que le Parti des Travailleurs qui avait gouverné le pays sans interruption de 2003 à 2016 – avec Lula puis Dilma Roussef – a suscité chez les brésiliens de la bourgeoisie, des classes populaires et dans la presse, force est de reconnaître, comme l'a dit Armelle Anders, qu'« actuellement (il) fait profil bas car il a été menacé de destitution quand il avait tenté d'organiser un coup d'Etat en septembre » dernier. Au vu de tout cela, bien des incertitudes planent sur la jeune démocratie brésilienne et bien des interrogations demeurent. Bolsonaro tentera-t-il un coup de force s'il ne parvient pas à remonter dans les sondages ? Et que va faire l'armée brésilienne, politisée depuis que le dirigeant d'extrême-droite a pris les commandes de l'Etat, si la gauche revenait au pouvoir ? Attendons pour voir...