Rétrospective de l'année 2021 Mohamed Nait Youssef Les artistes ne meurent jamais. Au contraire, leurs œuvres, souvenirs, créations et traces restent à jamais dans les esprits et surtout dans l'histoire. L'année de 2021 qui s'achève dans quelques jours a été marquée par le départ définitif de certaines figures emblématiques des mondes du cinéma, du théâtre, de la littérature, de la télévision et de la musique. Des noms dont certains ont été emportés soit par la maladie ou plutôt le maudit virus de la Covid-19. 2021 était une année du deuil et des pertes immenses pour le paysage artistique national. La vie est ainsi faite ; des étoiles s'éteintes et des lumières surgissent. Hommage à ceux qui nous ont quittés. Hammadi Ammor : un pionnier du théâtre radiophonique L'acteur et comédien marocain, Hammadi Ammor a rendu l'âme, le 15 mai, des suites d'une longue maladie. Il avait 90 ans. Un visage familier. Le défunt a voué une grande partie de sa vie au théâtre, à la télévision, à la radio et au cinéma. Artiste prolifique, sympathique, modeste et surtout originel, le regretté a fait ses premiers pas sur les planches du théâtre amateur dès 1948. Mais, c'est à partir de 1951 que le comédien s'est consacré exclusivement à sa première passion en créant la troupe de théâtre baptisée « Al Manar », à la ville de Casablanca. Il fut également l'un des pionniers et personnages importants ayant contribué à la création du théâtre radiophonique au Maroc aux côtés du maître Abdallah Chakroun ayant enrichi le paysage artistique national en signant des œuvres théâtrales réalisées avec une belle brochette de voix et de visages connus du public marocain, en l'occurrence Habiba Al Medkouri, Larbi Doghmi, Amina Rachid Mohamed Ahmed Basri, Mohammed Hammadi Al Azrak, Abderrazak Hakam,Hassan Al Joundi et d'autres noms. Fatima Regragui : le visage familier Fatima Regragui, comédienne et actrice marocaine, a tiré sa révérence lundi 2 août des suites d'une longue maladie, à l'âge de 80 ans. L'artiste était l'une des pionnières et premières femmes artistes ayant accédé au domaine artistique réservé exclusivement aux hommes à l'époque. Visage familier du public marocain, l'icône de la radio et de la télévision a partagé sa carrière professionnelle entre les planches, le petit et le grand écran. Elle a joué dans plusieurs films, dont le long métrage « Mirage » de Ahmed Bouanani, « Adieu mères »(2007) réalisé par Mohamed Ismaïl, « Derrière la porte » de Liliana Cavani. Plus d'un demi-siècle de carrière dédié aux planches. Elle a incarné des rôles aux côtés des ténors du père des arts nationaux au sien de la fameuse troupe Al Maâmora. Hammadi Al Tunsi : une vie partagée entre le théâtre et la chanson Il est à la fois parolier, dramaturge, comédien et acteur, Hammadi Tounsi, a tiré sa révérence, dimanche 11 octobre à Rabat. Il avait 86 ans. Figure emblématique de la scène artistique marocaine, le défunt était l'un des pionniers de la chanson marocaine moderne pendant des décennies. Il a en effet, enrichi le répertoire musical national avec des titres tels que la fameuse chanson «Ya lghadi ftomobil», une des chansons à succès de Abdelwahab Doukkali, ainsi que «El Madad ya Rassoul Allah» chantée par Abdelkader Rachidi, «Mahla Arrabie ou Layalih» chantée par Abdelouahab Agoumi, «Barie, Barie» (innocent) chantée par Mohamed Benabdeslam. Rbati de souche, Hammadi Tounsi a entamé sa carrière d'acteur en 1954 en faisant ses premiers pas dans la Troupe de la RTM (Radio Télévision Marocaine de l'époque). En 1959, il intégra la mythique troupe de théâtre Maâmora aux côtés des grands noms de la scène théâtrale nationale. Le défunt compte à son actif plus 152 chansons qu'il avait écrites et chantées par les belles voix de l'époque. Zhour Maamri : la comédienne aux multiples talents Elle a trop souffert dans sa peau ces dernières années. Sa lutte contre la maladie remontait à l'année 2011. Celle qui avait le sourire jovial et le regard lumineux a passé l'arme à gauche après avoir mené une guerre sans merci contre la maladie. Zhour Maamri, l'une des talentueuses comédiennes et actrices marocaines, a rendu l'âme mardi 26 janvier 2021, à Rabat. Elle avait 78 ans. Native de la ville impériale de Meknès, en 1942, la regrettée a fait ses premiers pas sur les planches en intrigant, en 1961, la troupe du dramaturge et comédien Mohamed Hassan Al Joundi à Rabat. Un an plus tard, elle rejoignait à l'époque, la troupe nationale du ministère de la Jeunesse et des Sports où elle avait incarné plusieurs rôles dans les pièces de théâtre dont « Marid Al Wahm ». Bachir Skiredj C'est à l'âge de 80 ans que l'acteur et homme des planches marocaines, Bachir Skiredj est décédé, jeudi 28 janvier à Orlando, aux Etats-Unis, des suites de la Covid-19. Issu de la ville du Detroit, Tanger, le comédien a partagé sa carrière artistique entre le cinéma et la télévision. Le défunt a incarné plusieurs rôles avec brio dont le fameux rôle personnage du bijoutier polygame dans le film «à la recherche du mari de ma femme », réalisé par Mohamed Tazi ou encore son rôle Haj Mokhtar Soldi dans le long métrage «Les amours de Haj Mokhtar Soldi» du réalisateur Mustapha Derkaoui. Aziz El Fadili: «Monsieur météo» L'acteur et comédien marocain Aziz El Fadili a passé l'arme à gauche, vendredi 19 novembre dans un hôpital aux Pays-Bas, des suites de la Covid-19. Il avait 78 ans. Le défunt qui n'est autre que le père de l'humoriste Hanane El Fadili, et du réalisateur Adil El Fadili. Le maudit virus a mis fin à la vie du célèbre «Monsieur météo» de la première chaîne de télévision nationale dans les années 80. Connu certes, comme l'un des présentateurs de la météo les plus connus du public, Aziz El Fadili, dont le parcours artistique est riche, a laissé son empreinte dans les mondes de la télévision, du cinéma et du théâtre, en jouant des rôles dans les séries telles que «La Brigade» diffusée sur Al Aoula, «Al Baraka Frassek » (2009), «Chib W Shbab», réalisées par son fils Adil El Fadili. Mohamed Ismaïl : le cinéma, la grande passion Mohamed Ismaïl a lutté jusqu'au dernier souffle, mais le cœur a lâché. Il a rendu l'âme samedi 20 mars. Il avait 70 ans. Né le 1er septembre 1951 à la Colombe Blanche, Tétouan, le défunt a consacré sa vie à son premier et grand amour ; le cinéma. Producteur, réalisateur et scénariste, Mohamed Ismail a réalisé plusieurs films ayant enrichi la filmographie nationale dont les téléfilms «Pourquoi pas» réalisés en 2005, «Allal al Kald» (Allal le féroce) (2003), «Amwajo el barr» (Les Vagues du rivage) (2004), «Ici et là» en 2001 ou encore «Awlad lablad» (2009), «Adieu mères» (2007), «Et après...» (2000), «Aouchtam» (1996). Chakib Benomar : de la télévision avant toute chose Le réalisateur de télévision Chakib Benomar a tiré sa révérence jeudi 17 juin. Le défunt a intégré la télévision à un âge assez jeune. Après des études universitaires au Maroc et en France, il a travaillé en 1969 aux côtés du réalisateur Mohamed Bounja. La même année, il avait entamé une nouvelle aventure à la radio nationale. Il était réalisateur de l'émission culturelle «le magazine culturel » présentée par le journaliste Mostapha Al Kabaj, « le magazine artistique » présenté par Al Arbi Benterka, « Samar» présenté par Mohamed Ben Abdesalam. Il a réalisé également la fameuse émission « Mawahib ». Sans oublier le rendez-vous phare «Mozaique» consacré à la diaspora marocaine. Il compte à son actif également la série «Yamna» ainsi que des séries telles que «Aziza». Hajja Hamdaouia : la diva de l'Aïta Une grande perte. Hajja Hamdaouia, l'icône de la chanson Al aytta, est décédée, le 5 avril à l'hôpital Cheikh Zayed de Rabat. Elle avait 91 ans. Une artiste hors pair et inclassable, la défunte a dédié toute sa vie à l'art de la aïta traditionnelle et moderne, au châabi, au chant et à la musique. Une vraie battante ! Le parcours certes de la diva à la voix puissante et suave est long, avec parfois des hauts et des bas, mais elle a tenu jusqu'au bout. Elle a vécu tantôt la fortune et la pauvreté, la réussite et l'indifférence. Elle fut une grande dame des scènes, la défunte a fait le tour des festivals d'ici et d'ailleurs. Elle a en outre célébré les mariages, les noces et les fêtes dans la joie et les rythmes. Ahmed Bizmawn : l'icône de l'art des rwayes Ahmed Bizmawn, poète et figure de proue de l'art des rwayes, a passé l'arme à gauche, vendredi 17 décembre, après une longue lutte contre la maladie. Prolifique, le regretté était poète, parolier et chanteur ayant contribué à la modernisation de la chanson et de la musique amazighes. Il avait sa phrase musicale et sa touche de Raïs distinguant son style. Parmi ses titres, qui sont nombreux d'ailleurs, nous pourrons citer, entre autres, « Ourili maysen », « Manzak », « Ahyawa Artalat Ama Tjra », « Dounit Ataromit ». Abdelmounaim El Jamaï : la voix incontournable de la chanson moderne Natif de la ville de Sali, le chanteur, Abdelmounaim El Jamaï a quitté le monde des vivants, dimanche 27 juin à Rabat, des suites d'une longue maladie. Le défunt était l'une des voix incontournables de la chanson marocaine moderne. Celui d'ailleurs qui était l'auteur des célèbres chansons : « Ja Fi al Miaad », « Machi Dak Zine », « Chafiya Bi Ayoun Kbar », « Nadit Alik », « Ya Alam Chouf ». Mohamed Belkhayat : le compositeur chevronné Mohamed Belkhayat, l'un des compositeurs importants de la chanson marocaine contemporaine, a tiré sa révérence, mardi à Rabat, à l'âge de 70 ans, des suites d'une maladie. Le défunt était également enseignant de la musique au Conservatoire national de musique et d'art chorégraphique de Rabat pendant plus de 40 ans. Ses collaborations sont multiples, notamment avec les voix telles que Naïma Samih, El Bahcir Abdou, Imad Abdelkbir, Fatima Makdadi et d'autres. Il était aussi compositeur auprès de la radio nationale et de l'orchestre symphonique royal. Mohamed Sabila : le penseur éclairé L'ennemi invisible a emporté l'une des étoiles lumineuses de notre paysage culturel et intellectuel. Mohamed Sabila qui était à la fois écrivain, traducteur, penseur, philosophe a passé l'arme à gauche un soir du lundi 19 juillet à Rabat, à l'âge de 79 ans. Une plume éclairée et habitée par le questionnement mais aussi et surtout par les questions ardentes de la modernité et du modernisme qui ont été au cœur de son projet intellectuel. Lui qui avait considéré la modernité comme «fatalité universelle» a mis le doigt dans ses réflexions sur plusieurs thématiques et thèmes ayant hanté l'âme de ses écrits, à savoir l'homme des temps modernes, l'angoisse, la médiocrité, le déchirement, la crise, le nihilisme ou encore le monde où nous vivons. Prolifique et prolixe, le défunt avait en outre, un cheminement de pensée et une démarche philosophique basés sur la critique et la déconstruction des paradigmes, de la doxa afin de s'ouvrir sur les horizons les plus vastes de la modernité. Par ailleurs, le philosophe a fait de la modernité, concept complexe, son cheval de bataille pour battre l'obscurantisme et les idées rétrogrades. Bachir Kamari : le critique averti Bachir Kamari, critique littéraire et dramaturge marocain, s'est éteint, un jeudi, des suites d'une longue maladie. Il avait 70 ans. Issu de la ville de Nador, le défunt a eu son doctorat en 1987. Il fallait alors attendre l'année de 1972 pour que les lecteurs et lectrices puissent découvrir cette plume, ayant apporté sa pierre à l'édifice de la culture nationale, sur les colonnes des journaux Al Alam, Al Moharir, Al Bayane, Anoual... C'est en 1976 que l'auteur avait intégré l'Union des écrivains du Maroc où il était membre du bureau central de cette institution culturelle pendant les années de 1996 – 1998, 1998 – 2001 et 2001 – 2004. Ses écrits sont partagés entre la littérature, la traduction, la critique, le théâtre et le cinéma. « La poétique du texte romanesque », un ouvrage de 234 pages, grand format, est l'une des publications importantes de l'écrivain où il fait un travail minutieux et considérable sur la langue, l'écriture romanesque, le temps ontologique dans le roman arabe contemporain, la narration et bien d'autres thématiques. On doit également à cette voix littéraire singulière, ce souffle critique moderne puisé dans les grandes références littéraires et de la critique des lumières qui ont influencé ses recherches et analyses. Lucien Amiel : le doyen des galeristes marocains Lucien Amiel, doyen des galeristes marocains et figure de proue de l'art, a rendu l'âme mercredi 4 août. Dénicheur de talents et agitateur culturel, Amiel a occupé pendant plusieurs années, le poste de directeur de la galerie « Venise Cadre » à Casablanca. Dans l'enceinte de sa prestigieuse galerie, qui existait depuis plus de 60 ans, les grandes signatures de la peinture orientaliste et figurative, dont Henry Pontoy, Jacques Majorelle, Edouard Edy Legrand ont été exposées pour le grand bonheur des amoureux des couleurs et des palettes colorées et douées.