Nabil EL BOUSAADI Pour épargner, au pays, une réédition des violentes manifestations qui avaient eu lieu, quatre années auparavant, à l'occasion des élections générales, c'est au milieu d'un important dispositif militaire et policier et dans un climat de méfiance que près de 5,2 millions de honduriens ont été appelés, ce dimanche, à élire celui qui remplacera le président sortant Juan Orlando Hernandez, au pouvoir depuis 2010, 128 députés, 596 maires et maires-adjoints, des conseillers municipaux et une vingtaine de députés au Parlement. « Nous garantissons (...) que demain les mesures de sécurité seront (déployées) sur tout le territoire national (...) Nous nous sommes déployés depuis plusieurs jours pour garantir, au peuple du Honduras, sécurité et paix », avait annoncé, à la veille du scrutin, le chef des Forces Armées du Honduras, le général Tito Livio Moreno. Mais, en étant gangréné par une corruption endémique et en proie à la violence exercée à l'encontre de la population par de puissants gangs de trafiquants de drogue qui ont investi les plus hautes sphères de l'Etat depuis que le coup d'Etat de 2009, avait chassé du pouvoir le président de gauche Manuel Zelaya et confié les rênes du pays au Parti National (PN, droite), le Honduras est qualifié par la justice américaine, de « narco-Etat ». D'ailleurs, durant cette dernière campagne électorale, au moins 28 acteurs politiques y ont été assassinés. Le président sortant ayant été cité par un tribunal new-yorkais comme étant un « allié puissant » et un « complice » de son frère Tony Hernandez, condamné en mars à la prison à perpétuité pour « trafic de drogue » mais qui ne cesse, néanmoins, de clamer son innocence en attribuant ces accusations à une vengeance de narco-trafiquants extradés, par le Honduras, vers les Etats-Unis, Xiomara Castro, qui dirige le parti de gauche «LIBRE » et qui est l'épouse de l'ex-président Manuel Zelaya, a été donnée favorite par plusieurs sondages. Mais en considérant qu' « après une douzaine d'années de pouvoir du Parti National marquée par la corruption généralisée et la violence criminelle (...) la machine du PN ne doit pas être sous-estimée » car elle reste prête à tout mettre en œuvre pour empêcher la leader du parti de gauche de « prendre les rênes du pouvoir », Michael Shifter, le président du « Dialogue interaméricain » estime que «la majorité des Honduriens en ont assez et semblent vouloir un changement ». Raison pour laquelle, dès qu'il a senti le vent tourner, le Parti National, prêt à recourir à la fraude pour « remporter » l'élection, a durci le ton de sa campagne en taxant de « communiste » la leader du parti de gauche et en vilipendant ses propositions ayant trait à la légalisation de l'avortement et au mariage homosexuel ; des thèmes qu'il est, certes, très difficile de faire passer dans un petit pays catholique éminemment conservateur. Les craintes de violences post-électorales sont donc grandes et, comme l'a souligné Tiziano Breda, analyste au centre de réflexion International Crisis Group qui n'écarte pas une réédition du scénario de 2017, « un climat de méfiance envers les résultats est alimenté par tous les candidats et, en cas de résultats trop serrés, la population pourrait être tentée de sortir dans la rue ». Au vu de tout cela, une réédition des manifestations post-électorales de 2017 qui s'étaient soldées par la mort de 23 personnes n'est pas à exclure mais attendons pour voir...