Propos recueillis par Aya Lankaoui Entre l'abstention civique et l'expression politique, le vote blanc est considéré comme un acte de refus en rapport avec un choix parmi les offres politiques. Quelles sont donc les différences avec un vote nul ? Comment les votes blancs sont-ils comptabilisés ? Ces derniers peuvent-ils modifier le résultat d'une élection ? Pr. Oumama Ech-cherif El Kettani, professeure de l'enseignement supérieur à l'Université Mohammed V de Rabat et experte en communication politique, stratégique, et institutionnelle, nous explique les détails. La nouvelle réforme électorale tente de booster le taux de participation par des mesures d'encouragement. Elle porte des modifications profondes dans le mode d'élection des députés, des Conseillers, des membres des collectivités territoriales et des Conseils provinciaux, avec de nouvelles règles. C'est une réforme qui vise à harmoniser les règles d'élection des membres de la Chambre des Représentants et celle des Conseillers. Le dernier rapport de l'Institut marocain d'analyse des politiques (Moroccan Institute for Policy Analysis) sur l'indice de confiance, qui indique que les deux tiers des Marocains n'envisagent pas de se rendre aux urnes le jour des prochaines élections. Une détermination abstentionniste alimentée par un manque de confiance envers les partis et les assemblées élues. Al Bayane : De prime abord, qu'est-ce que le vote blanc ? Pr. Oumama ECH-CHERIF EL KETTANI : Nous sommes face à deux cas : voter blanc peut marquer une indécision : «je ne sais pas pour quel parti / programme /candidat, je vais voter» ; voter blanc est une décision de l'électeur. Il s'agit d'un acte citoyen ; le citoyen s'est déplacé jusqu'au bureau de vote avec la volonté de participer au débat démocratique, mais il fait le choix d'exprimer son refus des choix proposés : «je ne suis convaincu d'aucun programme politique / candidat présentés». Le Vote Blanc consiste pour un électeur à déposer dans l'urne un bulletin blanc dépourvu de tout nom de parti politique / candidat. Quelles sont les différences avec un vote nul ? Le Vote Nul est souvent le résultat soit, d'une ignorance du code électoral (bulletin de vote annoté , plusieurs choix sur un même bulletin); d'une erreur de manipulation ( bulletin de vote raturé ) ; d'un choix délibéré (Bulletin de vote déchiré).Il arrive que l'électeur dépose volontairement un bulletin de vote nul pour manifester son opposition aux différents choix présentés. Il rejoint ainsi, dans l'intention, l'expression d'un vote blanc. Comment les votes blancs sont-ils comptabilisés ? Pour ma part, j'estime que le vote blanc doit être retenu, parce qu'il s'agit d'une expression politique. La prise en compte du vote blanc serait en mesure de hausser le niveau de participation. Comptabiliser le Vote blanc est une chose, l'intégrer dans les suffrages exprimés en est une autre. Imaginons par exemple les candidats X et Y et 100 électeurs : 30 électeurs votent pour le candidat X et 40 pour le candidat Y, 20 votent blanc et 10 abstentionnistes qui ne vont pas voter. Observons les résultats avec et sans vote blanc intégré aux suffrages exprimés : Votes Blancs NON comptabilisés comme Suffrages Exprimés : Candidat X: 30 votes sur 70 = 42,9% Candidat Y : 40 votes sur 70 = 57,1 % Vote Blanc comptabilisés comme Suffrages Exprimés Candidat X: 30 votes sur 90 = 33,3% Candidat Y : 40 votes sur 90 = 44,4 % Vote Blanc : 20 votes sur 90 = 22,2 % Bien sûr, dans les 2 cas, le candidat Y est le vainqueur de l'élection. Mais sa légitimité est bien plus faible lorsqu'on inclut les votes blancs au calcul des résultats. Le vote blanc joue un rôle d'indicateur de satisfaction sur la qualité de l'offre politique. Le vote blanc est-il considéré comme abstention ? Là nous sommes en présence de 3 éventualités pour une seule et même action : le citoyen ne vote pas. L'abstention exprime un désintérêt pour la vie politique. L'abstention peut représenter un acte politique qui consiste à exprimer son désaccord : c'est le vote sanction ou l'abstentionnisme militant. Cependant, un problème réel se pose lorsqu'il s'agit des citoyens qui ne votent pas, et qui sont portant considérés comme abstentionnistes, alors qu'ils ont eu simplement un empêchement (problème de santé ...) ou qui sont mal inscrits sur les listes électorales (question de changement d'adresse ou autre…). On ne dispose d'aucun moyen permettant de distinguer l'abstentionniste militant de l'électeur qui aura été empêché accidentellement. Mais c'est le même geste électoral, le même silence, la même abstention, qui sera comptabilisée dans la catégorie dite des «abstentionnistes». Un autre inconvénient majeur de l'abstention est qu'elle est toujours interprétée par le pouvoir politique comme une simple non-participation, et n'a donc aucun effet sur les résultats. Un vote blanc massif n'aurait pas plus d'influence sur les résultats, mais il adresserait un message unifié et clair. Les votes blancs peuvent-ils modifier le résultat d'une élection ? Si les votes blancs ne sont pas pris en compte dans les suffrages exprimés, leur nombre n'est pas pris en compte dans le résultat de l'élection. Cependant, un nombre important de bulletins de votes blancs peut représenter un message politique clair : «nous rejetons une offre politique qui ne convient pas à nos besoins et à nos aspirations».