Nabil El Bousaadi « Je suis assise là à attendre qu'ils viennent. Il n'y a personne pour m'aider ou aider ma famille. Je suis juste assise avec eux et mon mari. Et ils vont venir pour des gens comme moi et me tuer. Je ne peux pas quitter ma famille. Et, de toute façon, où irai-je ? ». Mais qui est donc la personne qui s'exprimait de la sorte, ce dimanche, avec le média britannique « inews » et qui sont ceux qui seraient prêts à la tuer ? Elle, c'est Zarifa Ghafari, 29 ans, maire depuis 2018, de Maidan Shar, une ville de 50.000 habitants, située dans le Wardak, à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul et eux, ce sont bien entendu, les Talibans qui, vingt années après leur départ d'Afghanistan, y sont revenus en héros. Nommée, en Juillet 2018, par le président Ashraf Ghani à la tête de la mairie de Maidan Shar après avoir obtenu les meilleures notes lors d'un concours où elle était la seule femme, l'intéressée est, dès cet instant, devenue la cible de menaces de mort et de tentatives d'assassinat. D'ailleurs au moment où elle était venue pour prendre ses fonctions, elle avait trouvé son bureau occupé par des hommes agressifs brandissant des bâtons et des pierres si bien qu'elle n'a pu prendre ses fonctions que 8 mois plus tard, en mars 2019, grâce à l'intervention d'officiers paramilitaires envoyés par la Direction nationale de la Sécurité, le service du renseignements afghan. Après qu'elle ait obtenu en mars 2020, à Washington, le « prix international de la femme courage », son père sera assassiné en novembre de la même année devant son domicile à Kaboul et elle déclarera, en février dernier, aux journalistes de « Ouest-France »: « Je sais que je peux mourir à tout moment. Ma mission importe plus que tout. Je veux ouvrir la voie aux femmes de ce pays. Leur montrer ce qu'elles peuvent accomplir ». Mais, si Zarifa Ghafari s'était fixé comme objectif d'aider ses compatriotes afghanes à récupérer tous les droits dont elles avaient été dépouillées sous le régime des Talibans (1996-2001) lorsqu'elles ne pouvaient ni travailler ni étudier, qu'elles étaient obligées de porter la burqa, qu'elles ne pouvaient quitter leur domicile qu'en étant accompagnées d'un « mahram », un chaperon masculin de leur famille et que les flagellations et les exécutions – y compris les lapidations pour adultère – étaient pratiquées sur les places publiques et dans les stades, force est de reconnaître que, désormais, ce ne sera pas chose aisée avec le retour de ces derniers aux commandes de l'Etat quand bien même Suhail Shaheen, l'un de leurs porte-paroles, a déclaré, à la BBC, que les droits des femmes seront préservés puisqu'elles pourront « avoir accès à l'éducation et à l'emploi » même si elles seront tenues « de porter le hijab ». Or, ces propos n'ont pas convaincu Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations-Unies « horrifié » par les informations portant sur les violations des droits des femmes en Afghanistan. Regrettant, par ailleurs, « de voir que les droits durement acquis par les filles et les femmes afghanes sont en train de leur être enlevés, le secrétaire général de l'ONU s'est dit « profondément préoccupé par les premières informations selon lesquelles les talibans imposent de sévères restrictions aux droits humains dans les zones qu'ils contrôlent ». Mais en dénonçant une réaction aussi tardive de la part de l'ONU, Zarifa Ghafari écrira, sur son compte Twitter : « Enfin ! Merci Monsieur Antonio Guterres, mais le fait que vous le sachiez ne résoudra pas le problème. Nous sommes choqués que vous l'appreniez si tard alors que vous pouvez entendre la voix de n'importe qui d'autre dans le monde plus rapidement que nous ». Est-il bien vrai que, comme ils l'ont assuré, à plusieurs reprises, à différents médias, les Talibans d'aujourd'hui ne sont pas les Talibans d'hier car entre-temps ils auraient mis de l'eau dans leur vin pour amadouer la communauté internationale ? Rien ne pourrait le confirmer à l'heure qu'il est mais attendons pour voir...