Bien que les péruviens aient voté, le 6 juin dernier, dans un climat empreint d'une relative sérénité, pour le candidat de leur choix et que le comptage final des suffrages ait octroyé au représentant de la gauche Pedro Castillo, 51 ans, une avance de 44.000 voix sur sa rivale de droite, Keiko Fujimori, 46 ans, le résultat de cette élection fait toujours l'objet de contestation trois semaines après les faits. C'est donc dans un contexte de grande incertitude quant à l'issue de cette élection que, ce samedi, des milliers de péruviens des deux bords, fortement encadrés par d'importants contingents des forces de l'ordre, ont manifesté dans les rues de la capitale ; chaque groupe revendiquant la victoire. Ainsi, si les milliers de manifestants, soutenant Keiko Fujimori, ont pris la direction de la place Francisco-Bolognesi, où un podium avait été installé pour l'occasion, en brandissant des drapeaux péruviens et des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Non à la fraude », les partisans du candidat de gauche se sont regroupés, quant à eux, quelques rues plus loin, dans le centre de Lima avant de prendre la direction de la place Saint-Martin située non loin du siège du Jury National Electoral en brandissant des bannières et des photos de leur candidat et en réclamant que sa victoire soit confirmée. Mais qui sont donc ces deux personnalités péruviennes qui, toutes deux, revendiquent la victoire ? Keiko Fujimori est la fille de l'ancien président péruvien Alberto Fujimori (1990-2000) et la présidente-fondatrice du parti libéral-conservateur « Force populaire ». Défaite, de justesse, au second tour des élections présidentielles de 2011 après avoir recueilli 48,6% des suffrages face à Olianta Humala puis, en 2016, en obtenant 49,9% des voix face à Pedro Pablo Kuczynski, elle se verra, par la suite, impliquée dans le fameux scandale Odebreicht après avoir été accusée d'avoir reçu des pots-de-vin de la part de la société de BTP brésilienne pendant ses deux campagnes électorales (2011 & 2016). Or, bien que rejetant ces accusations, l'intéressée sera placée en détention provisoire pendant plus d'une année. Libérée de prison en mai 2020 du fait de la pandémie du Covid-19, Keiko Fujimori a pu se présenter à l'élection présidentielle du 6 juin 2021 avec, toutefois, une interdiction formelle de voyager hors du Pérou ou de communiquer avec des coaccusés ou des témoins dans l'affaire pour laquelle elle est poursuivie. Quasi-inconnu d'une grande partie de ses compatriotes, il y a quelques mois à peine, son rival, Pedro Castillo, arrivé en tête à l'issue du scrutin présidentiel du 6 juin malgré la grande campagne de « sabotage » entreprise aussi bien par les médias de droite que par le secteur économique du pays à l'effet de le discréditer au motif qu'il entendrait instaurer « un gouvernement communiste », est un syndicaliste et un ancien instituteur de campagne qui exerçait au nord du Pérou. Ainsi, à l'issue de sa troisième participation à une élection présidentielle, Keiko Fujimori aurait donc été battue, une nouvelle fois, puisqu'elle n'aurait recueilli que 49,9% des voix face au candidat de la gauche radicale Pedro Castillo. Mais en multipliant les accusations de fraude contre son adversaire en dépit du fait que la mission d'observation électorale de l'Organisation des Etats Américains (OEA) ait jugé le scrutin « positif » et sans « graves irrégularités » et que les Etats-Unis aient qualifié cette élection de « libre » et « équitable », la fille de l'ancien président du Pérou – qui, lui-même, purge encore une peine de vingt-cinq ans de prison pour corruption et crimes contre les droits humains – et qui, en cas de défaite, pourrait se voir, de nouveau incarcérée pour « blanchiment d'argent », a demandé l'invalidation par le Jury National Electoral (JNE) de dizaines de milliers de suffrages. La candidate Keiko Fujimori parviendra-t-elle à échapper à la justice de son pays en occupant ce fauteuil présidentiel qu'elle convoite tant ou va-t-elle se résigner à rejoindre son père en prison ?