L'ancien président Alan Garcia a remporté l'élection présidentielle face à son rival populiste Ollanta Humala. Le soutien du Président vénézuélien l'a desservi. C'est un conseiller d'Alan Garcia qui le constate amèrement: «La carte électorale coïncide presque totalement avec la carte de la pauvreté: nous avons devant nous un énorme travail d'insertion sociale.» Dimanche, le leader «social-démocrate» péruvien a emporté l'élection présidentielle, avec environ 55 pc des voix, selon les derniers résultats partiels. Son rival, le nationaliste de gauche «anti-impérialiste» Ollanta Humala, ex-militaire putschiste, l'emporte pourtant dans la majorité des départements de province et notamment dans le Pérou le plus pauvre. Alan Garcia a gagné uniquement parce que Lima, la capitale, qui a voté pour lui à plus de 60 pc, pèse un tiers de l'électorat du pays. Géographiquement, le Pérou est divisé en trois «pays»: l'étroite plaine Pacifique -où se trouve Lima-, les «sierras» andines et l'immense mais peu peuplée région amazonienne. Dans les Andes, un monde reculé, à la fois rural et minier, la pauvreté frappe les deux tiers de la population. Et Ollanta Humala a balayé Alan Garcia justement dans les «sierras» centrale et méridionale et dans l'Altiplano, le haut plateau andin qui jouxte, au sud, la Bolivie d'Evo Morales. Le nouveau président bolivien avait été élu en décembre sur un discours de lutte contre la pauvreté des «peuples» indiens, aymara et quechua. A Puno, «capitale» péruvienne de l'Altiplano, Ollanta Humala tourne autour de 70 pc. Tout en reconnaissant les résultats, Ollanta Humala a donc eu beau jeu de saluer sa propre victoire «sociale et politique» sur la majorité du territoire péruvien. Malgré une économie euphorique (6,7 pc de croissance en 2005) le Pérou n'est pas parvenu à réduire les taux de pauvreté. Dans les Andes, l'Etat reste parfois inexistant en matière de santé, d'éducation, de programmes sociaux, d'infrastructures de base comme l'accès à l'eau. L'essentiel du débat électoral a porté sur cette question. Alan Garcia a proposé un Etat plus redistributeur et plus interventionniste en matière de justice sociale. Plus à gauche, Ollanta Humala penchait pour les recettes du Bolivien Evo Morales de la «nationalisation des ressources naturelles» -gazières en Bolivie, minières au Pérou. Dimanche soir, Alan Garcia a assuré avoir entendu le message «des zones andines», des «dépossédés». Lors des précédentes élections, le vote des «exclus» s'était également porté vers des candidats «anti-système» pourfendeurs de la classe politique traditionnelle: Alberto Fujimori en 1990 -tombé pour corruption- puis en 2001 l'économiste Alejandro Toledo qui se revendiquait comme «cholo», métis pauvre. Si le Pérou andin s'est tourné cette fois vers Ollanta Humala, c'est en partie à cause du succès électoral d'Evo Morales en Bolivie. A Caracas, le président vénézuélien Hugo Chavez, chantre de «l'anti-impérialisme» et allié d'Evo Morales, attendait en embuscade en soutenant Ollanta Humala. Si ouvertement que ses incessantes interventions contre Alan Garcia ont provoqué le rappel des ambassadeurs entre les deux pays. Pour Hugo Chavez, Alan Garcia -qui promet de faire ratifier un traité de libre-échange avec Washington- n'est qu'un «truand», un «corrompu», «subordonné à l'Empire». Paradoxalement, le tonitruant président vénézuélien a sans doute desservi son allié Ollanta Humala et ses propres rêves «bolivariens» d'axe sud-américain anti-Washington. Dimanche soir, dans son meeting de victoire, Alan Garcia se délectait contre un Chavez «qui, comme dans une sorte de chevauchée andine, a voulu dominer notre patrie: les petits chefs qui veulent étendre leur domination et leur dictature nous fatiguent».