Abdelkrim Chebaki: «la présence d'institutions spécialisées dans l'enseignement de l'art reste encore timide» Propos recueillis par: Abdellatif Abilkassim (MAP) L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) commémore du 25 au 31 mai courant la Semaine internationale de l'éducation artistique. A cette occasion, la MAP a contacté Abdelkrim Chebaki, coordinateur du Master Education Esthétique et Gestion des Métiers d'Art et de Culture à la Faculté des Sciences de l'Education relevant de l'Université Mohammed V de Rabat pour plus de détails. L'expert revient en cinq questions sur le rôle des arts dans la formation de la personnalité, les moyens de faire progresser l'enseignement de cette discipline au Maroc et la contribution de l'université à la recherche dans le domaine de l'éducation artistique. Le Monde célèbre ce mois-ci la semaine internationale de l'éducation artistique. Dans quelle mesure l'éducation artistique contribue-t-elle au façonnement de la personnalité et à la promotion des valeurs de respect d'autrui et de diversité culturelle? La célébration de la Semaine internationale de l'éducation artistique émane de la conviction en la contribution de l'éducation artistique au façonnement d'une personnalité équilibrée empreinte des valeurs de bonté, de paix et de coexistence. L'éducation artistique découle principalement de la philosophie du façonnement d'une personne créative et pensante à travers l'art, et ce, pour consolider ses composantes culturelles et l'enrichir de relations esthétiques. L'art permet de mieux comprendre les civilisations et la diversité d'autres peuples et nations. Comment évaluez-vous l'enseignement des arts au niveau des établissements d'enseignement et leur programmation dans les activités parallèles (théâtre, cinéma clubs, littérature, etc.)? L'on peut dire qu'à l'exception de quelques établissements comptés sur le bout des doigts comme l'Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, l'Institut Supérieur d'Art Théâtral et d'Activation Culturelle de Rabat, l'Institut Supérieur des Métiers de l'Audiovisuel et du Cinéma de Rabat et l'Institut national de musique de Rabat, la présence d'institutions spécialisées dans l'enseignement de l'art reste encore timide. L'éducation artistique dans les établissements d'enseignement a un besoin urgent d'adopter une stratégie d'action et d'activer des lois et des décrets pour être au niveau souhaité. A l'heure actuelle, l'enseignement de l'art dans les établissements d'enseignement reste limité aux cours secondaires et à des activités occasionnelles. Le ministère de tutelle est conscient de l'importance de l'éducation artistique. Dans ce contexte, nous attendons avec impatience que la Faculté des Arts et des Sports voit le jour dans les prochaines années. Nous pensons que ce sera un établissement unique relevant de l'Université Mohammed V de Rabat et que ce sera aussi le début réel de la consécration de la culture de l'art dans le domaine de l'éducation et de son institutionnalisation. Quelles sont vos propositions pour promouvoir l'enseignement et l'intégration des arts et de l'éducation esthétique au sein des établissements d'enseignement? Il faut souligner qu'il faut davantage d'instituts et collèges techniques au niveau des différentes régions du Royaume. Aussi, il faut mettre à disposition un plus grand nombre d'institutions spécialisées en formation et qualification des enseignants dans le domaine de l'éducation artistique. Nous avons également un besoin urgent de cours et de programmes académiques qui capitalisent sur les nouveaux développements dans le domaine de l'éducation à travers l'ouverture aux expériences internationales pionnières. Il ne faut pas négliger non plus la nécessité de signer des accords et des partenariats permettant aux artistes de s'ouvrir sur les écoles et les universités. Vous supervisez actuellement le Master en éducation esthétique et en gestion des métiers de l'art et de la culture au Collège des sciences de l'éducation. Quels sont les principaux objectifs de cette filière? Le Master en éducation esthétique et gestion des métiers de l'art et de la culture vise à promouvoir la culture de l'éducation à l'art et la créativité en termes de production, de gestion et d'encadrement au service de la construction d'une personnalité distincte et créative et d'une pensée et de comportements productifs. Sur le plan scientifique, cette filière vise à former des étudiants spécialisés dans le système éducatif, artistique et culturel à même de mener des recherches scientifiques doctorales. En ce qui concerne le volet professionnel, la finalité est de préparer des cadres qualifiés en matière d'encadrement des salles de classe, de préparation des programmes et de gestion des activités culturelles et artistiques, d'enseignement et de recherche scientifique dans les universités, instituts spécialisés et institutions apparentées, outre l'enseignement de l'art dans les établissements d'enseignement des secteurs public et privé. Dans quelle mesure l'Université marocaine peut-elle contribuer à la promotion de la recherche dans le domaine de l'éducation artistique? En toute honnêteté, les instituts spécialisés en formation dans le domaine des arts au Maroc jouent un rôle de pionnier en la matière à travers la formation des professionnels et des experts spécialisés et en menant des recherches scientifiques précises. Par ailleurs, les thèses de certains professeurs et étudiants des Facultés des Lettres et des Sciences Humaines des différentes régions du Royaume touchent à des sujets et des questions artistiques pressantes. Grâce aux efforts de l'équipe de recherche agréée en éducation, art et culture et au Master Master Education Esthétique et Gestion des Métiers d'Art et de Culture, la Faculté des sciences de l'éducation a accumulé un nombre de recherches scientifiques et de thèses équilibrées, lesquelles doivent voir le jour et avoir un rayonnement plutôt que de rester cantonnées aux bibliothèques et aux tiroirs. Les médias ont également une part de responsabilité et doivent faire le nécessaire pour éclairer l'opinion publique.