Après plusieurs mois de fermeture dictée par les mesures restrictives liées à l'épidémie du Covid-19, l'Institut du Monde Arabe (IMA) rouvre enfin ses portes au public, dans le respect bien sûr des gestes barrières, avec une grande exposition-évènement dédiée aux divas du monde arabe. Ce mercredi à 13h00 (HL), le coup d'envoi sera donné, au siège de l'IMA à Paris, à l'exposition « Divas, d'Oum Kalthoum à Dalida » qui se veut un voyage à travers l'âge d'or du cinéma et de la chanson arabes, et une découverte en musique et en images du destin de ces femmes de légende des années 20 aux années 70. A travers cet évènement de grande facture qui s'étalera jusqu'au 26 septembre, l'Institut du monde arabe rend « un hommage unique » aux plus grandes artistes femmes de la musique et du cinéma arabes du XXe siècle, souligne-t-on auprès de l'IMA. « Divas, d'Oum Kalthoum à Dalida » dresse les portraits épiques et étonnants des divas de l' »âge d'or » de la chanson et du cinéma arabes, à travers un parcours abondamment nourri de photographies d'époque, souvent inédites, d'extraits de films ou de concerts mythiques, d'affiches cinématographiques au graphisme glamour, de magnifiques robes de scène, d'objets personnels et d'interviews rares, détaille l'Institut du Monde Arabe dans une note de présentation. D'Oum Kalthoum à Warda al-Djazaïria, d'Asmahan à Fayrouz, de Laila Mourad à Samia Gamal, en passant par Souad Hosni, Sabah sans oublier la toute jeune Dalida, l'exposition se veut un fabuleux voyage au cœur des vies et de l'art de ces chanteuses et actrices de légende, mais également une exploration des changements profonds qu'elles ont portés. Icônes intemporelles, femmes puissantes, symboles adulés dans les sociétés arabes d'après-guerre, ces divas aux carrières exceptionnelles s'imposent du Caire à Beyrouth, du Maghreb à Paris, incarnant une période d'effervescence artistique et intellectuelle, une nouvelle image de la femme, ainsi que le renouveau politique national qui s'exprime du début des années 1920, notamment en Egypte, jusqu'aux années 1970. « La féérie de ces figures de l'âge d'or de la musique et du cinéma arabe est célébrée à l'IMA. Pour restituer fidèlement cette atmosphère mystique, l'exposition ouvre ainsi le passage vers la vie, l'histoire et l'art de ces musiciennes d'exception. Leur lyrisme suscite une douce et profonde émotion, invitant à découvrir de véritables trésors culturels », écrit Jack Lang, Président de l'IMA, dans un éditorial. Et « c'est aux admirateurs, aux mélomanes, aux curieux, épris de cet univers fabuleux, transcendant, désireux d'être plongés dans cette lumière, que cette exposition est dédiée », affirme-t-il. L'exposition met ainsi en lumière, à travers ces divas, l'histoire sociale des femmes arabes et la naissance du féminisme au sein de ces sociétés patriarcales, leur participation au panarabisme et aux luttes d'indépendance dans les contextes de la colonisation et de la décolonisation, et – avant tout- leur rôle central dans les différents domaines artistiques qu'elles ont contribué à révolutionner. « Ces rossignols sont des combattantes, des pionnières. Sur pellicule, les regards de Faten Hamama ou les danses endiablées d'Hind Rostom, de Samia Gamal et de Tahiyya Carioca n'auraient pu être possibles sans des luttes revendiquant une place et un statut. Elles ont clamé leurs hymnes à la liberté! », souligne le président de l'IMA pour qui les questions de liberté de la femme dans le monde arabe font souvent l'objet de « raccourcis » et d' »amalgames ». Cette exposition lui est alors apparue comme nécessaire et primordiale pour laisser les artistes, chercheurs et intellectuels s'exprimer et mettre des mots et des concepts sur le sujet. Sur une superficie de 1.000 mètres carrés, l'exposition se déploie en quatre grands moments. Le visiteur rencontrera successivement les femmes pionnières et avant-gardistes féministes dans Le Caire cosmopolite des années 1920 ; les divas aux voix d'or que furent Oum Kalthoum, Warda, Fayrouz et Asmahan durant la période 1940-1970 ; les productions cinématographiques de « Nilwood » et le succès des comédies musicales égyptiennes qui consacrent les divas actrices telles que Laila Mourad, Samia Gamal, Sabah, Tahiyya Carioca, Hind Rostom ou Dalida. La dernière partie de l'exposition met en valeur les regards d'artistes d'aujourd'hui sur ces divas, dont l'héritage est une profonde source d'inspiration pour toute une nouvelle génération. Autour de l'exposition, enfin, une riche programmation culturelle fera la part belle aux femmes en interrogeant leur place au sein des sociétés arabes actuelles au travers de concerts, de conférences, de projections de films et d'événements exceptionnels. Dans ce cadre-là, une rencontre sur l'art et la manière de la Aïta, se tiendra le jeudi 10 juin, avec un hommage à Bouchaïib El Bidaoui. Organisée dans le cadre des Jeudi de l'IMA, la rencontre sera animée par Hassan Najmi, poète, écrivain et chercheur, auteur de plus d'une vingtaine de textes (essais, romans et poésie), dont le chant de la Aïta, la poésie orale et la musique traditionnelle au Maroc, et Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), avec la participation de Khalid Bouaazzaoui, artiste musicien et pilier de la troupe Ouled Bouaazzaoui, considéré comme le digne héritier de Bouchaïb El Bidaoui. Suivie de la projection du film documentaire Le Blues des cheikhates de Ali Essafi, la rencontre sera l'occasion d'un retour sur le patrimoine musical de la Aïta. Cet art a été porté par des cheikhates au verbe haut. Des femmes à la fois les plus aimées et les plus marginalisées, et ce pour une seule et unique raison : leur liberté ! Liberté de mœurs et de ton qui leur permettent, et à elles seules, de chanter l'injustice et le sort fait à la femme. Art populaire marocain, la Aïta fut un temps méprisé et frappé d'interdit. Aujourd'hui, il se trouve réhabilité par le travail de sauvegarde, d'interprétation et d'archivage de chercheurs, musiciens et musicologues.