«Si l'émotion d'être investi candidat à la présidentielle est toujours forte, celle que je ressens aujourd'hui a une portée plus grandiose (...) Permettez-moi, mes frères et mes sœurs, de vous dire que c'est après une mûre et profonde introspection que j'ai décidé de répondre favorablement à cet appel». C'est ce qu'a déclaré, ce samedi, le président tchadien Idriss Déby Itno après que les membres de son parti l'aient désigné, par acclamation, candidat pour la présidentielle du 11 Avril prochain pendant que les seize partis de l'opposition s'interrogeaient encore sur l'éventualité de n'avoir qu'un seul représentant et que le dernier délai pour le dépôt des candidatures a été fixé au 26 février. Mais si, pour cette élection présidentielle, les responsables de douze partis politiques de l'opposition ont scellé mardi dernier une «alliance électorale» qui va leur permettre de présenter un candidat unique, leur manifeste ne donne pas encore de détails sur l'identité du candidat qui sera choisi alors qu'à l'heure qu'il est, les autres formations politiques opposées au pouvoir n'ont pas encore rejoint cette alliance qui n'est ni une fusion, ni un regroupement, ni une coalition de partis mais un simple «regroupement électoral» dénommé «Alliance Victoire». Considérant que le flou qui règne encore du côté de l'opposition est une aubaine pour le président sortant, Beral Mbaïkoubou, un député du Mouvement des Patriotes Tchadiens pour la République (MPTR, opposition), estime que « le principe d'une candidature unique est une obligation pour l'opposition»; faute de quoi, la porte sera ouverte à toutes sortes de magouilles et de tripatouillages. Il sera, en effet, très facile au président sortant d'être « plébiscité » puisque les moyens financiers dont dispose chacun des candidats de l'opposition pris individuellement sont très limités alors qu'avec les moyens de l'Etat, Idriss Déby Itno va pouvoir très aisément quadriller le pays et, ainsi, être partout et à tout moment. Agé de 68 ans, l'homme qui dirige le Tchad d'une main de fer depuis 30 ans et qui avait été élevé, l'année dernière au rang de maréchal, va donc concourir, cette année, pour un sixième mandat présidentiel sans que cela n'ait l'air de déranger personne. La raison est toute simple. Après être arrivé au pouvoir en 1990 grâce au soutien de la France qui l'avait aidé à renverser Hissène Habré, Idriss Déby qui avait recueilli 69% des suffrages à l'issue du deuxième tour de la première élection pluraliste qu'avait connu le pays en 1996 a, depuis cette date, toujours été réélu au premier tour. Aussi, en fournissant, aujourd'hui, aux Casques Bleus de l'ONU un contingent qui passe pour être le plus aguerri des participants à la force conjointe du G5 Sahel, Idriss Déby Itno dispose, désormais, du soutien de la communauté internationale qui voit en lui un allié essentiel dans la lutte contre les jihadistes et un élément stabilisateur dans une région qui compte des pays aussi vulnérables que la Libye, la République Centrafricaine ou encore le Soudan. Raison pour laquelle lors de son allocution d'investiture de samedi dernier, le président tchadien – un président sortant qui n'a aucune réelle intention de sortir – a tenu à signaler son entière disposition à continuer son combat pour «endiguer le terrorisme et l'insécurité (et) permettre au pays de poursuivre sa marche sur la voie de l'émergence». Le président Idriss Déby Itno va-t-il réussir à décrocher ce sixième mandat qu'il appelle de tous ses vœux en ce moment où l'opposition semble réellement disposée à s'unir pour le faire tomber ? Difficile d'envisager le contraire mais attendons pour voir... Nabil El Bousaadi