Mais qu'ont-ils donc tous à s'accrocher au pouvoir? Ce 10 avril, Idriss Déby Itno, Président du Tchad, 63 ans, sera candidat à un cinquième mandat à la tête de son pays. Il s'y était installé en décembre 1990 par la force en renversant Hissène Habre, son ex allié devenu un dictateur sanguinaire. En 2004, le Président tchadien avait obtenu d'un parlement aux ordres qu'il modifie la constitution qui limitait à deux le nombre des mandats présidentiels de cinq ans chacun. Ce même 10 avril, Ismaël Omar Guelleh, 68 ans, briguera un quatrième mandat. Il dirige d'une main de fer un minuscule pays caillouteux en bordure de la Mer Rouge. Cet ancien ministre de l'Intérieur devenu Président de Djibouti en 1999 n'a pas eu, lui, à tripatouiller la constitution. Celle-ci n'a jamais prévu de limiter le nombre des mandats présidentiels. Mais pourquoi le président djiboutien jurait-il, la main sur le cœur, depuis 2011 et son élection à un troisième mandat de cinq ans, que ce serait le dernier ? Y croyait-il vraiment ? D'autres chefs d'Etat ne se donnent pas la peine d'hésiter. Le pouvoir est leur chose et ils sont près à risquer de mettre le feu à leur pays pour y rester. Ainsi, au Burundi, Pierre Nkurunziza, 52 ans, en contravention avec les accords d'Arusha, s'est présenté pour un troisième mandat en juin 2015. Depuis, la répression contre les opposants a fait plusieurs centaines de morts et 150.000 Burundais ont fui à l'étranger. Denis Sassou N'Guesso, 72 ans, le Congolais (Brazzaville) ne se soucie guère plus que son homologue burundais de préserver la paix dans son pays. Il dirige pourtant le Congo depuis 1979 à l'exception des années 1992-1997 où une sanglante guerre civile lui a permis de revenir au pouvoir. Ces trente-deux ans de pouvoir n'empêcheront pas Sassou N'Guesso de modifier la constitution congolaise pour se présenter, le 20 mars, à une élection contestée et gagnée. Le 3 avril, des tirs ont opposé, au sud de Brazzaville, l'armée à des groupes d'opposants. Le Congo pourrait-il renouer avec la guerre civile ? Dans quelques mois, ce sera probablement Joseph Kabila, le président de la RDC qui tentera à son tour de modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat. L'opposition s'y refuse. On est loin de ce 20 juin 1990 lorsqu'à La Baule, François Mitterrand incitait ses pairs africains à mettre en place la démocratie s'ils voulaient continuer à bénéficier de l'aide française. De mauvaise grâce, la plupart des chefs d'Etat s'y étaient alors résolus. Tous ne sont pas revenus en arrière. Le Bénin et le Mali, la Côte d'Ivoire, le Gabon et le Sénégal, entre autres, se sont, cahin-caha, engagés sur la voie de l'alternance politique. En fait, la France n'a guère donné l'exemple en ne coupant pas avec les premiers de ses alliés qui ont trébuché. Le Président tchadien, comme certains autres chefs d'Etat, compte sur l'aide militaire qu'il apporte aux Occidentaux dans leur lutte contre le terrorisme (au Mali et en Centrafrique), pour faire oublier ses turpitudes. Seuls les Burkinabè, peuple rebelle depuis toujours, ont su empêcher leur Président de jouer avec la constitution. On pensait que Ouagadougou ferait école. L'Afrique n'y est pas encore. Article paru dans L'Observateur du Maroc et d'Afrique, n° 349, du 08 au 14 avril 2016.