Les pluies dévoilent la crise de gouvernance à Casablanca La pluie le grand révélateur. En effet, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le pays durant ces derniers jours ont mis à nu les défaillances des infrastructures de Casablanca et dévoilé la crise de gouvernance dans la métropole. Alors que la ville était inondée, des maisons effondrées, d'autres dévastées par les eaux, d'autres encore menacent ruine à tout moment, la circulation perturbée et plusieurs sites paralysés, le maire s'est montré presque indifférent en affichant de la fenêtre de la deuxième chaine de télévision 2M, un «sourire» aux sinistrés. Son message laissait entendre qu'il n'était pas responsable et que les sinistrés devaient estimer leurs dégâts et s'adresser au délégataire ayant la charge de la gestion de l'assainissement dans la ville. Ainsi, l'autorité délégante, qui est la mairie de Casablanca, a renvoyé la balle dans le camp de l'entreprise délégataire. Par ce jeu politicien, le maire aurait oublié que c'est l'autorité délégante qui a la charge du suivi, la responsabilité du contrôle et du respect du cahier des charges liant les deux parties. Car, selon le cahier des charges liant l'entreprise délégataire à la mairie de la ville de Casablanca, les travaux d'entretien du réseau d'assainissement devraient être réalisés de manière périodique. C'est dire que si la mairie avait contrôlé cette clause, il n'y aurait pas de dégâts de cette ampleur quelle que soit le volume de pluviométrie dans la région. Ceci, en plus de la responsabilité politique et morale de la mairie, à bien des égards, en tant qu'instance-élue. A Derb Moulay Cherif dans la préfecture des arrondissements de Hay Mohammedi-Aîn Sebaâ, circonscription électorale du maire, des maisons ont été transformées en ruine, des personnes ont trouvé la mort sous les décombres, d'autres blessées, d'autres encore traumatisées, des familles sont restées sans abris et le quartier pris de panique. Ce bilan catastrophique, dont les images ont fait le tour du monde, n'a pas poussé le maire à se rendre sur les lieux en vue de consoler les familles des victimes et de trouver des solutions immédiates afin de limiter les dégâts. Et pourtant, il connait parfaitement les lieux pour y avoir mené compagne électorale et sillonner les ruelles du quartier promettant aux uns et aux autres que ce problème des maisons menaçant ruine serait réglé bien avant la fin du mandat. Son silence aujourd'hui laisse entendre aux habitants de cette zone que les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Le constat est le même dans la préfecture des arrondissements d'Al Fida Mers Sultan où des habitants de Derb Bouchentouf et d'autres zones ont été sommés de quitter leurs habitations menaçant ruine sans aucune solution alternative. Dans les deux préfectures, on demande aux sinistrés de rejoindre leurs proches dans la métropole ou ailleurs. Dans la zone de Lahraouiyine, un établissement scolaire a été exploité pour abriter les familles des victimes dans des conditions lamentables. Cette improvisation montre que la mairie de Casablanca n'avait aucune visibilité et n'avait prévu aucun plan d'anticipation dans la gestion de ce fichier qui a toujours été exploité à des fins électorale. Et pourtant, SM le roi Mohammed VI avait tiré en 2013 la sonnette d'alarme, rappelant aux élus leur mission. «C'est aux Conseils communaux qu'il revient d'assurer la gestion des services de base dont le citoyen a besoin chaque jour», avait souligné le roi en octobre 2013, à l'occasion de l'ouverture de la première session de la troisième année législative de la 9ème législature. Et le souverain de s'interroger sur les causes des défaillances à Casablanca. «Mais pourquoi cette ville, qui compte parmi les plus riches du Maroc, ne connaît-elle pas concrètement l'essor auquel aspirent les casablancaises et les casablancais, à l'instar de beaucoup d'autres villes ? Est-il raisonnable qu'elle reste à ce point un espace des grandes contradictions, jusqu'à devenir l'un des modèles les plus faibles en matière de gestion territoriale ?». Enfin, le roi a formulé qu'«En un mot, le problème dont souffre la capitale économique tient essentiellement à un déficit de gouvernance». Plus de sept ans plus tard, le constat dressé par le souverain demeure presque le même. Autant dire que les élus de la ville sont aux abonnés-absents. Cependant, depuis lors, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, plusieurs politiques ont été mises en place et plusieurs budgets sont partis en fumée. Ainsi, les sociétés de développement local (SDL) mises en place pour mettre en œuvre les projets structurants pour la ville se sont révélées inefficientes rimant à la rente et échappant au contrôle et à la reddition des comptes. En fait, une multitude de SDL ont été créées dans les domaines du transport, des travaux publics, du patrimoine, de la stratégie d'attractivité, de la collecte des déchets, du stationnement. Il s'agit, rappelle-t-on, de Casablanca Events & Animation, Casablanca Patrimoine, Casa Transport, Casa Aménagement, Casa Ressources, Casa Marchés et Abattoirs ou encore Casa Environnement. A la tête de chaque SDL est nommé un directeur général, en plus d'un staff de collaborateurs. Ces nominations ne cadrent d'ailleurs pas avec l'article 92 de la Constitution, alors qu'il s'agit bien de «hautes fonctions». Les résultats sont aujourd'hui là. C'est dire que cette stratégie verse toujours dans le «déficit de gouvernance». Il va falloir donc agir pour rectifier le tir et mettre le train de la gouvernance dans la plus grande ville du royaume sur de bons rails.