Nabil El Bousaadi La réélection jugée frauduleuse, le 9 Août dernier, du président biélorusse Alexandre Loukachenko, 66 ans, n'a vraiment pas été du goût de ses compatriotes. Aussi, en dépit de l'important déploiement des forces de l'ordre, ces derniers n'ont pas cessé de descendre dans les rues des principales villes du pays pour la dénoncer et réclamer le départ d'un président placé par le Kremlin à la tête du pays en 1994. C'est, d'ailleurs, parce qu'il est fort de l'appui de Moscou, que Loukachenko s'est contenté d'annoncer de vagues réformes constitutionnelles au lieu de se dessaisir définitivement du pouvoir au profit de Svetlana Tsikhanovskaïa, son adversaire à l'élection présidentielle, qui, pour fuir la répression, fut contrainte à l'exil. Nasha Niva, un site d'information proche de l'opposition affirme que ce dimanche, Minsk, la capitale et ses environs ont été le théâtre d'une centaine de rassemblements. Obligées d'user de canons à eau pour disperser les manifestants, les forces anti-émeute ont procédé à l'arrestation de plusieurs dizaines de protestataires qui avaient défilé dans les faubourgs de la capitale en brandissant des drapeaux – blanc et rouge – aux couleurs de l'opposition. De son exil lituanien, Svetlana Tsikhanovskaïa, qui reste convaincue que « le peuple biélorusse veut vivre dans un pays démocratique et libre » a salué le courage des manifestants qui « ont bravé la répression, la violence et le froid ». Dénonçant, par ailleurs, le fait qu'en s'appuyant sur des raisons sanitaires liées à ce nouveau Covid-19 qui, d'après le ministère de la Santé, aurait contaminé 154.392 personnes et tué 1238, les autorités de Minsk aient décidé d'interdire « provisoirement », à compter du 20 décembre prochain, aux citoyens biélorusses de quitter le pays par voie terrestre, l'opposante au vieux président estime que c'est pour « cacher ses crimes (que) le régime (qui) a imposé un rideau de fer fait tout pour transformer [la Biélorussie] en un nouveau goulag ». Mais si, d'un autre côté, certains observateurs évoquent le chiffre de 30.000 arrestations, depuis le déclenchement du mouvement de révolte alors que les principales figures de l'opposition ont toutes fui vers la Lituanie et la Pologne notamment, il est important de souligner que malgré l'importance de la manifestation de cette fin de semaine, les stations de métro du centre de la capitale sont restées ouvertes et le réseau de téléphonie mobile et d'Internet n'a pas été coupé comme durant les week-ends précédents. Cette mobilisation populaire, exceptionnelle, par son ampleur, dans cette ancienne république soviétique enclavée de l'Europe de l'Est où les élections avaient coutume d'exister « pour la forme », confirme que les biélorusses ont soif de changement après vingt-six années d'un règne sans partage d'Alexandre Loukachenko, surnommé « Batka » (petit-père en biélorusse), toujours déterminé à ne pas céder sa place en dépit des critiques que lui a valu sa gestion controversée de la pandémie du Covid-19 et les irrégularités ayant entaché le dernier scrutin présidentiel. Que dire pour terminer sinon que, depuis quatre mois, c'est le bras-de-fer entre un président déterminé à ne point quitter le fauteuil qu'il occupe depuis plus d'un quart de siècle et une opposition dont la détermination n'est pas moindre qui rythme le quotidien d'une population avide de changement. Jusqu'à quand cela va-t-il durer ? Attendons pour voir...