Inondations: Pedro Sánchez remercie le Maroc pour son soutien aux efforts de secours à Valence    Four Seasons Rabat : Quand l'histoire et le luxe redéfinissent l'hospitalité    Averses de pluies avec chutes de neige et fortes rafales de vent vendredi et samedi dans plusieurs provinces    Absentéisme au Parlement : Les noms des députés manquants lus publiquement    La chambre des représentants adopte à la majorité la première partie du PLF 2025    COP29 : Le Maroc et l'AIE renforcent leur coopération pour 2024-2026    Hicham Bennani : "Il y aura de belles surprises dès 2025"    M Tower. Le nouveau projet de Mfadel Group et Red Med    Pays-Bas : après une séance ministérielle houleuse, une secrétaire d'Etat d'origine marocaine démissionne    OCDE : nouveaux records des flux migratoires et de l'emploi des immigrés en 2023    Energie : la croissance de la demande de pétrole marque "un ralentissement important" pour 2024 et 2025    Paris condamne la démolition d'un centre financé à Jérusalem-Est    Gabon-Maroc: Harkas confirmé, Diaz et Bounou de retour    CAN Maroc 24: 16 nations qualifiées !    Lions de l'Atlas: la FRMF lance sa boutique en ligne officielle [Vidéo]    Commémoration du 69e anniversaire du retour de feu SM Mohammed V d'exil    Covid-19: trois nouveau cas au Maroc    SPE Capital injects 450 million MAD into Dislog Group    Lausanne : Aquatis célèbre la coopération avec le Maroc pour la réintroduction du crocodile sacré en milieu naturel    Moroccan man expelled from Italy after violent outburst in Bolzano    Moroccan-born Dutch Minister Nora Achahbar quits cabinet over «colleagues' racist remarks»    Hommage : Quincy Jones et le Maroc    Arts plastiques : pluie de jeunes talents à la Villa des Arts    « Camping Jogger » : une journée d'activités autour du Dacia Jogger à Casablanca    Rabat : Première Fashion Week au Mall du Carrousel    La Fondation Al Mada lance l'Académie des Arts Régionale en partenariat avec le Ministère de l'Education Nationale du Préscolaire et des Sports    OCP Nutricrops et QatarEnergy signent un partenariat d'approvisionnement en soufre    L'Office des Changes et la CGEM s'allient pour la mise en place d'un cadre formalisé d'échange et de coopération    Le diabète, une urgence sanitaire et économique au Maroc    Le Sénégal renforce ses infrastructures sportives    Liquidité bancaire : le déficit se creuse de 6,63% du 7 au 13 novembre    Inondations en Espagne : Le Maroc mobilise un dispositif logistique significatif    Trump désigne Doug Burgum ministre de l'Intérieur    L'ex SG adjoint de l'ONU, Julian Harston à propos du Sahara marocain : «La souveraineté du Maroc est légitime et incontestable»    Le festival Visa For Music revient pour une 11ème édition à Rabat    Oscars 2025 : "Everybody Loves Touda" de Nabil Ayouch éligible à toutes les catégories    Rabat-Salé-Kénitra : Le CRI commande une étude sur les chaines de valeur de cinq secteurs    La visite d'un responsable iranien au Maroc : Est-ce un pas vers l'ouverture des négociations pour la réconciliation des relations entre les deux pays ?    644 cyberattaques signalées au Maroc en 2024, déclare Abdellatif Loudiyi    Le Franco-marocain Abdelatif Benazzi rate de justesse la présidence de World Rugby    Football. Gabon-Maroc / Jour de match : Horaire ? Chaîne ?    Gabon-Maroc : à quelle heure et sur quelle chaîne suivre le match ?    Mike Tyson vs Jake Paul : à quelle heure et sur quelle chaîne voir le combat en direct ?    FIFM : Tim Burton, Sean Penn... casting de choc pour les 'Conversations'    Le Conseil de gouvernement adopte un projet de loi relatif au code du médicament et de la pharmacie    Le Polisario a commémoré, en catimini, sa «guerre» contre les FAR    Russie : Une île de l'Arctique rayée de la carte à cause du changement climatique    Morocco : Tax breaks for military industry development    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le corps suspect, entre corps-machine et sujet
Publié dans Albayane le 05 - 11 - 2020

«Le corps du migrant face à l'institution médicale» de Jalil Bennani aux éditions : la croisée des chemins
Par Abdelmajid Baroudi
De quel corps s'agit-t-il ? Poser cette question nous permet de définir et délimiter le champ de réflexion que Jalil Bennani (2) a menée tout au long de son ouvrage. D'autant plus qu'elle nous aide à accompagner le parcours et le cheminement d'un sujet dont l'histoire est faite de clivages entre un passé qui émerge mais des fois non pris en compte pour remédier à une souffrance, et un présent institutionnel qui n'intègre pas une approche globale et se contente du technique au détriment de l'anthropologique. Il s'agit d'un corps migrant.
Avant d'élucider le statut de ce corps migrant, il me semble qu'il est important de contextualiser le statut de ce corps pour ne pas le confondre avec le corps migrant que les régimes politiques en Syrie et dans d'autres pays ont activé. Dans tous les cas, le mot exil assigne à ce corps migrant «le désir de se faire reconnaître par l'autre, désir d'être accueilli, de découvrir, de s'épanouir, désir qui conduit un certain nombre à braver de multiples dangers au risque d'y laisser leur vie» (3) Sauf que le corps suspect est construit dans une souffrance institutionnelle, légalisée par un contrat de travail.
Il se trouve que le désir ou le rêve d'un monde meilleur a, en quelque sorte, transformé ce corps migrant en un corps -machine dans lequel le sujet subit une double aliénation : l'une due aux conditions inhumaines du travail dans lesquelles ce corps s'est retrouvé aliéné à cause d'un système qui identifie la personne à la machine, pour reprendre Karl Marx, l'autre est subjective car elle assimile la souffrance corporelle à la machine. «Docteur, il y un marteau qui frappe dans ma tête toute la journée».
«J'ai comme de l'électricité dans les membres». «Docteur, je saigne du nez, c'est comme un boulon qui s'est ouvert». (4) Force est de constater que Jalil Bennani se sert de son expérience, en tant que psychiatre pour nous exposer sa vision de ce corps migrant qui est cantonné dans un statut de travailleur immigré et que les papiers aussi véridiques soient-ils, ne peuvent apporter toutes les réponses à la souffrance de ce sujet qui n'est autre que l'immigré Maghrébin.
Le corps suspect est à mon humble avis une contribution qui questionne les outils de travail du psychiatre et appelle une refonte de l'analyse psychiatrique qui doit écouter et réfléchir sur les limites de l'institution médicale en s'ouvrant sur d'autres pistes fertilisant cette écoute par d'autres dimensions culturelles qui ont forgé ce corps suspect du Maghrébin. Autrement dit, quels sont les facteurs culturels qui ont produit ce corps suspect ? Cette question nous renvoie au mode d'éducation patriarcal qui a forgé ce corps «sinistrosé» durant son enfance et sa jeunesse.
L'apport anthropologique du sujet facilite non seulement l'écoute, mais il favorise une approche participative en vue d'un rétablissement souhaité par le psychiatre et le sujet, loin d'un recours précipité aux techniques purement thérapeutiques. Il faut tout simplement s'ouvrir sur l'histoire d'un enfant dont le corps est toujours collé à la mère jusqu'à l'annonce d'une coupure charnelle de cet attachement affectif exprimé par le sang que le corps puéril subit en quête d'un nouveau titre : celui de l'homme.
«Ainsi, la circoncision, est un signe distinctif qui ne permet plus à un enfant d'accompagner sa mère au bains maures. » (5) Ce passage du corps de l'enfance à la puberté qui s'effectue dans la souffrance ne doit pas être perçu comme une rupture radicale avec la mer.
L'affection de la mère envers son enfant se distancie par l'apprentissage de la langue et des us que ce dernier doit acquérir pour devenir un patriarche, capable de reproduire l'uniformité d'un père qui va être symboliquement assassiné à cause du fait qu'il a transgressé le pacte libidinal qui liait ce corps à sa mère . On voit donc que ce corps suspect porte depuis son enfance les cicatrices d'une endurance qu'il va transporter dans une autre culture où le corps est devenu synonyme de liberté.
Du coup, la blessure est beaucoup plus profonde que ce que le diagnostic d'un médecin a révélé, lequel médecin ne soucie que des apparences sans prêter attention à l'invisible d'une sédimentation qui s'est accumulée depuis l'enfance sur un corps dont l'histoire renonce à s'écrire facilement. Par ailleurs, son statut d'immigré engendre davantage de souffrance et montre son incapacité de gérer une crise identitaire dans laquelle la confrontation du sujet à la différence et l'altérité est déséquilibrée. C'est le cas du jeune étudiant Tunisien résidant en France qui vient voir son psychiatre qui n'est autre que Jalil Bennani.
Ce jeune étudiant est angoissé par l'idée qu'il serait accusé d'avoir violé une jeune fille de dix huit ans qu'elle lui a demandé de l'héberger chez lui une nuit ,sans qu'il y ait de relation sexuelle entre eux.(6) Force est de constater que le corps suspect, de par son approche anthropologique qui inclut la dimension culturelle , représente un ajout pour l'analyse psychiatrique dans le but de renforcer le dialogue entre le soignant et le soigné pour remédier à des situations sans recourir hâtivement à des solutions purement techniques.
Si ces facteurs culturels qui constituent des données dont la distanciation doit être objective, contribuent à élargir le sens de l'écoute avec ce corps suspect, qu'en est –il de la subjectivité ? Et quel rapport entre le corps -machine et la subjectivité ? Il me semble que ce rapport est tellement complexe qu'il est difficile de borner les limites entre le subjectif est l'objectif dans un champ corporel où cohabitent les contradictions. Il parait qu'il est normal que la subjectivité sous -tend nécessairement l'existence de tout individu. La prendre en considération constitue selon Jalil Bennani le premier pas vers la compréhension, l'écoute et la reconnaissance de la demande de tout sujet. Seulement voilà, ce sujet se trouve parfois prisonnier d'une aliénation de corps- machine qui entrave sa compréhension et ne demande qu'une solution technique enquête d'une guérison. Chez ce malade, la fusion entre le sujet et la machine apparaît de façon extrême.
Et son discours tend à n'être qu'objectif. Néanmoins, sa subjectivité transparaît à travers l'ironie et l'amertume de certains propos. L'impuissance n'est pas parlée en termes affectifs mais en termes mécaniques : «Mon sexe est mou». Il ne bande pas assez». «J'ai peu de liquide». (7) C'est ce moment d'altérité par rapport à notre corps qui marque l'articulation du corps- sujet avec le corps- objet que la maladie a causée. (8) Et c'est là aussi que réside la complexité du rapport entre un sujet -savant et un corps- sujet car le sens pragmatique du corps sujet complique la relation soignant- soigné et met le sujet savant face à un discours d'un corps suspect dont la tonalité cache les dessous d'une souffrance d'ordre symbolique et en même temps physique .D'où la nécessité d'une remise en question du lexique clinique qui peut être relativement compatible avec des cas, mais difficile à appliquer sur un corps immigré dont le contexte culturel invite d'autres approches.
Notes :
(2) Jalil Bennani, psychiatre et psychanalyste à Rabat, est directeur de recherche au CRPMS de l'université Paris Diderot-Paris7, ainsi que chargé de cours à l'université Nice Sophia Antipolis. Parmi ses publications on retrouve : Psychanalyse en terre d'islam. Un psy dans la cité. Comment les jeunes changent nos vies ? Il a reçu, en 2002, le prix Sigmund Freud de la ville de Vienne.
(3) Le corps suspect
Page : 148
(4) Ibid. Page : 30
(5) Ibid. Page : 41
(6) Ibid. Page : 108
(7) Ibid. Page : 33
(8)Penser le corps
Michela Marzano


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.