La presse internationale relaient les révélations d'El Mahdaoui sur le «scandale CNP »    Conférence internationale sur le droit à l'information : Appel à une mobilisation renforcée face à la montée des phénomènes de désinformation (Déclaration de Salé)    Sahara : Une délégation de l'ambassade des Etats-Unis en visite à Dakhla    Tan-Tan : convention pour la création d'une usine de polysilicium de 8 milliards DH    Casablanca-Settat: Plus de 90 % des jeunes considèrent la culture comme indispensable au développement    Pour la première fois : la question kabyle s'invite au Parlement britannique    TV5 : à 30 jours de la CAN, le Maroc s'impose comme une locomotive du football africain    LdC CAF : belle entame pour la RSB qui a écrasé Power Dynamos (3-0)    Accouchement dans un tramway : Mise au point du ministère de la Santé    Diaspo #416: Mustapha Esadik dedica un libro a África vista a través del fútbol    90% des jeunes de la région Casablanca-Settat considèrent la culture comme un levier clé de développement    huile d'olive : le recours à l'extraction artisanale en hausse    Immobilier : hausse de l'indice des prix au 3ème trimestre 2025    Ouarzazate: l'ONEE renforce l'alimentation en eau potable du centre d'Ait Zineb et des douars avoisinants    Interpol à Marrakech : le JDD souligne le rôle central du Maroc dans la sécurité mondiale    COP30 : les négociations prolongées, le blocage persiste sur les énergies fossiles    ONU : Le Maroc réussit sa présidence de la Conférence pour une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient    France : Les députés rejettent la partie recettes du projet de loi de finances 2026    Bentalha : « Bach qtalti bach tmout »    El Jadida: Le gouverneur de la province met le cap sur les communes rurales    Coopération parlementaire : Le Maroc signe trois accords avec la Guinée équatoriale, l'Eswatini et les Comores    SM le Roi adresse un message de félicitations aux membres du club des FAR de football féminin    6es Jeux de la Solidarité Islamique : Le Maroc termine 9e    CCAF. Phase de groupes / J1 : L'OCS et le Wydad entrent en lice dimanche    LdC CAF : entrée en lice ratée pour l'AS FAR    LDC féminine de la CAF : l'AS FAR sacrée champion pour la deuxième fois après sa victoire face à l 'ASEC Mimosas (2-1)    Abdelaziz Kerkache prend les rênes du Mouloudia d'Oujda    Suspensions et révocations d'élus : que se passe-t-il dans les communes ?    ADD : Une nouvelle feuille de route à l'horizon 2030    Forum Africain du Parlement de l'Enfant : SAR la Princesse Lalla Meryem préside la cérémonie de clôture    L'UE et l'UEMF consolident leur coopération lors de la visite de l'ambassadeur de l'UE au Maroc    Températures prévues pour dimanche 23 novembre 2025    Sécurité routière : Célébration d'une nouvelle génération d'ambassadeurs    La comptabilité, outil de pilotage du développement durable    African parliamentarians adopt Laayoune declaration for development evaluation    Hamid El Mahdaoui's video release prompts PJD call for urgent investigation    Diaspo #416 : Mustapha Esadik dédie un livre à l'Afrique vue par le football    Budget en baisse de 17%, le CICR contraint de supprimer 2.900 postes    Le 1er Joumada II de l'an 1447 de l'Hégire correspond au samedi 22 novembre    GenZ212 : Le rappeur Hamza Raid condamné à un mois de prison avec sursis    Maroc-Allemagne : vers un partenariat stratégique autour du patrimoine culturel et muséal    Patrimoine culturel coopératif : le Maroc parmi les pionniers mondiaux    Paroles d'Egalité : rap et slam pour des espaces numériques sans violence    Inflation : Hausse de l'IPC de 0,1% en octobre (HCP)    AG de l'INTERPOL à Marrakech, une reconnaissance internationale de la contribution du Maroc à la sécurité mondiale (Président)    Art contemporain : À Casablanca, une exposition met en lumière des artistes émergents    RDC: 89 civils tués par les rebelles ADF en une semaine dans l'Est    Mr. ID dévoile ASKI, une immersion artistique au cœur des musiques du Sud marocain    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



la psychanalyse au Maroc
Entretien avec Jalil Bennani : « On ne doit pas juger une psychanalyse sur le coût et la durée, mais sur sa finalité »
Publié dans L'opinion le 09 - 03 - 2013

Psychiatre et psychanalyste exerçant à Rabat, Jalil Bennani, auteur de plusieurs ouvrages dont « La Psychanalyse au pays des saints » a, depuis 1985, grâce à plusieurs associations, contribué à développer l'intérêt autour de la pratique de la psychanalyse au Maroc. Il a bien voulu répondre à nos questions en marge de la présentation de son nouvel ouvrage « Un psy dans la cité ». Entretien :
L'Opinion : La pratique quotidienne de la psychanalyse n'est-elle pas élitiste à plus forte raison au Maroc étant donné qu'elle est déterminée par le facteur coût et aussi la durée qui peut s'étendre sur des années?
Jalil Bennani : La pratique psychanalytique s'adresse toujours à une minorité, quel que soit le pays où elle s'exerce. Cette minorité est représentée par les personnes qui sont les plus motivées pour faire un travail sur elles-mêmes et qui en ont les moyens, naturellement. Par moyens, il faut entendre non seulement les moyens matériels mais aussi le temps et la possibilité de se consacrer à elles-mêmes de manière régulière. Ces considérations concernent ce que l'on nomme « la cure type » avec un rythme défini et l'usage du divan. Mais il y a aussi les psychothérapies qui se fondent sur la psychanalyse – et que l'on appelle « psychothérapies d'inspiration psychanalytique » - qui peuvent concerner un plus grand nombre de patients car elles visent d'abord à soulager le patient, et, de ce fait, elles sont souvent brèves et à durée variable : quelques semaines à quelques mois. La cure psychanalytique, quant à elle, va au-delà du symptôme et s'adresse aux mécanismes inconscients en vue d'une recherche approfondie des refoulements, des conflits et des désirs à l'œuvre dans le psychisme.
L'Opinion : Peut-on savoir en moyenne la durée d'une analyse et à quel moment l'écoute psychanalytique peut s'avérer un dictame aux souffrances?
Jalil Bennani : -Une cure psychanalytique dure en moyenne de trois à six ans, parfois davantage. Cela peut sembler long, mais le travail psychanalytique n'empêche pas les patients d'évoluer dans leur vie, de faire des projets et de sentir les changements qui s'opèrent en eux au fur et à mesure que leur travail avance et qu'ils parviennent à dépasser certaines inhibitions, à mieux se repérer dans leurs choix et à réaliser leurs aspirations profondes. Lorsque c'est le cas, la durée importe peu. Le moment au cours duquel une souffrance peut être soulagée, un conflit résolu, un symptôme disparaître peut survenir dès les premières séances ou les premières semaines. Cela dépend de plusieurs facteurs : l'importance des troubles bien sûr, mais aussi l'implication de chacun. Chaque cas est singulier et certaines personnes avancent rapidement dans leur cure, tandis que d'autres nécessitent du temps et présentent davantage de résistances, c'est à dire d'obstacles inconscients à la résolution de leurs symptômes. On ne doit pas juger une psychanalyse sur le coût et la durée mais sur sa finalité. La comparaison avec les thérapies brèves ou les traitements par médicaments ne peut se situer sur le même plan. La guérison survient « de surcroît », c'est à dire au sein d'un travail de remise en question profonde dans laquelle la part thérapeutique représente un élément au sein d'un tout. On peut dire que la pratique psychanalytique est une pratique de la subjectivité qui travaille avec une objectivité car elle possède sa technique et ses concepts.
L'Opinion : Quels changements ont été enregistrés dans les catégories de patients qui visitent votre cabinet et aussi dans le degré de suivi de la cure?
Jalil Bennani : Une liberté de parole s'est de plus en plus affirmée chez les patients, tout au long de plus de trente années de pratique psychanalytique, psychothérapique et psychiatrique au Maroc. La demande de soins est indissociable d'une demande d'écoute. L'expression d'une parole individuelle a accompagné les mutations sociales qu'a connues notre société. Une levée des tabous, vis-à-vis de l'entourage, une mutation des valeurs traditionnelles, une remise en question de l'autorité patriarcale, des changements importants au niveau de la structure familiale, ont pu s'exprimer à travers des angoisses, des inhibitions, des frayeurs et même certaines dépressions, avant d'être verbalisées et de pouvoir être rattachées à une histoire individuelle avec ses difficultés et ses impasses.
L'Opinion : Est-ce qu'on peut parler d'une appropriation de l'héritage occidental de la psychanalyse par les praticiens marocains pour un contexte marocain particulier de par la culture et la spécificité socioéconomique ?
Jalil Bennani : Personnellement, je considère cette réappropriation de l'héritage colonial comme faisant partie intégrante de notre patrimoine culturel. Pour que cette réappropriation ne soit pas une simple importation, il faut que cet héritage soit « déconstruit », pour reprendre une expression du philosophe Jacques Derrida. On peut alors intégrer ce passé dans notre culture et nous enrichir des apports venus « d'ailleurs ». A ce sujet, le bilinguisme et même le plurilinguisme, constituent au Maroc une richesse considérable et une ouverture sur les échanges internationaux. S'agissant des aspects socio-économiques, la psychanalyse appartient aujourd'hui à la culture, puisqu'elle ouvre des horizons de pensée et s'articule, dans son discours, à d'autres sciences humaines telles que la philosophie, la sociologie, la linguistique, l'anthropologie... On ne mesure malheureusement pas à quel point la culture représente un levier et un enjeu économiques.
L'Opinion : Quel est l'état actuel de la pratique psychanalytique, juridiquement parlant, au Maroc? Autrement dit, quelle protection de la profession dans une discipline où les praticiens confirmés ne doivent pas être légion et quelle garantie pour le patient ?
Jalil Bennani : La psychanalyse au Maroc est encore jeune, très jeune. Il y a certes davantage de psychanalystes marocains qu'aux lendemains de l'indépendance, mais ils demeurent rares et groupés principalement dans l'axe Casa-Rabat.
S'agissant de la question juridique, il n'y a aucun cadre réglementé. Ce qui met chacun face à son éthique et sa conscience lorsqu'il n'appartient pas à une école de formation des psychanalystes. Les dérapages et dérives ne sont malheureusement pas exclus. La question de la réglementation par l'Etat a fait et continue de le faire, l'objet de nombreux débats, souvent très vifs, en Europe. Réglementer suppose un législateur qui se prononce sur l'aptitude à exercer ce métier et qui autorise le futur praticien. Or, les écoles, dont certaines ont une longue tradition, sont plus à même de reconnaître les qualités et les compétences requises par leurs membres pour devenir psychanalystes. Vous soulevez là une question très complexe qui renvoie à la formation et à la reconnaissance des psychanalystes.
L'Opinion : Le projet du livre comme dialogue entre un enseignant et un psychanalyste, est-ce un hasard ou un choix ?
Jalil Bennani : C'est un cheminement. Nous n'avions pas du tout l'intention d'écrire un livre. Nous avions un dialogue bilingue, de l'arabe au français, sur des questions diverses visant surtout à un échange bilingue et interdisciplinaire. Vint alors l'organisation d'un important colloque qui s'est tenu à Rabat sur la psychanalyse dans le monde arabe et islamique. Nous en avions rendu compte dans un dialogue que nous avions publié sur internet. Vu l'audience que ce texte avait reçue, nous avons poursuivi le dialogue sur différentes questions ayant trait à la langue, la culture, la sexualité, le religieux... Lorsque ce travail fut assez avancé, il nous a semblé utile de le livrer au public à travers cette publication. On constate qu'aujourd'hui un public très divers, pas nécessairement appartenant à nos professions, peut être intéressé par les choses de l'esprit à travers leurs effets dans divers secteurs tels que l'éducation, l'enseignement, les croyances, l'art, la littérature... Le champ médiatique lui-même a montré un grand intérêt pour ces questions. Il était donc naturel que tout cela soit restitué au public. De nouveaux débats peuvent alors s'ouvrir.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.