Une expérience riche en enseignements Dès les premiers jours de l'épidémie du covid-19, les établissements hospitaliers publics se sont mobilisés pour faire face au nouveau coronavirus Covid-19. Dans un élan de solidarité, l'Hôpital privé Cheikh Khalifa de Casablanca a lui aussi tenu à être en première ligne. Il a de fait transformé une aile du premier étage de son bâtiment pour accueillir et soigner gracieusement les patients: toutes les classes sociales confondues. Retour sur une expérience riche en enseignements. Une synergie modèle Bien avant l'annonce du premier cas du nouveau coronavirus enregistré par le Maroc le 2 mars 2020, l'hôpital privé Cheikh Khalifa avait anticipé cela, en mettant en place tout un circuit patient, bien défini pour l'accueil et la prise en charge des cas suspects, à commencer par l'identification les unités d'hospitalisation où allaient être pris en charge ces patients. L'hôpital privé Cheikh Khalifa a transformé une aile de son bâtiment du 1er étage, afin d'accueillir des patients covid-19 moins graves. Parallèlement, une unité de soins intensifs et une autre de réanimation de 9 lits, ont été ouvertes pour prendre en charge les cas complexes. Le personnel a été formé aux différents gestes de sécurité pour prendre en charge les patients. Ce qui a permis ainsi de prêter mains fortes aux établissements hospitaliers publics. Par ces actions nobles, qui suscitent une admiration légitime, surtout quand on sait que les malades covid positifs sont soignés gracieusement, peu importe la classe sociale. Un effort de l'Université Mohammed VI des sciences de la santé, de l'Hôpital Cheikh Khlifa, et de la Fondation visant à s'inscrire dans l'engagement de tout le système de Santé national pour combattre cette pandémie. Une initiative louable, citoyenne notable. Il ne fait aucun doute que de telles décisions soient de nature à renforcer, à consolider les liens entre le secteur public et celui du privé. Il est clair que cette épidémie nous aura servi de leçon. Elle démontre si besoin que l'heure est plus que jamais à la collaboration. Mais pour se faire, il faut que les mentalités évoluent. Dans l'urgence, il n'y a plus de médecins du secteur public, ou du secteur privé. Tous ensemble, doivent être au service de la nation et des citoyens. Pour rapprocher un peu plus nos lecteurs de cette expérience appréciable de l'hôpital privé cheikh khalifa face aux covid-19 et la prise en charge gracieuse des patients atteints du Covid-19, nous avons rencontré le professeur Mohamed Miguel, anesthésiste réanimateur. ***** Al Bayane : Pouvez-vous nous expliquer comment l'hôpital privé cheikh khalifa s'est – il organisé face à cette pandémie liée au Covid-19? Professeur Mohamed Miguel : A instar des différentes structures sanitaires hospitalières de notre pays, l'hôpital Cheikh Khalifa a lui aussi anticipé pour être en mesure d'assurer dans de très bonnes conditions la prise en charge des malades atteints du coronavirus qui nécessitaient une surveillance médicale appropriée , mais aussi les cas graves en termes de soins intensifs d'urgence et de réanimation. Tout a été murement réfléchi dans les moindres détails, rien n'a été laissé au hasard. Pour mener à bien toutes les actions, un comité élargi spécialement dédié au covid a été créé. Celui-ci est présidé par le directeur médical de l' l'hôpital cheikh khalifa. Les membres qui composent ce comité représentent les différentes spécialités médicales dont des professeurs de réanimation, de pneumologie, de cardiologie, de médecine interne, de radiologie, de pédiatrie, de biologie, de psychiatrie, d'hygiène, de néphrologie, de chirurgie, d'informatique médicale ainsi que la responsable des soins infirmiers et celle de la communication. Quelles sont les procédures que vous avez mises en place pour les malades covid-19? L'hôpital a tracé un circuit Covid depuis le portail d'entrée, ainsi, une fois admis par la porte principale, tout patient se désinfecte les mains et une prise de la température est effectuée (thermoflash) avant d'être orienté vers le circuit préalablement tracé. Les patients bénéficient par la suite systématiquement, d'un bilan biologique, conformément aux recommandations de la commission médicale nationale, et d'un scanner thoracique. Après quoi, les malades sont guidés vers l'hôpital de jour de médecine, sous la responsabilité d'un Professeur interniste. Une fois que le diagnostic Covid-19 est retenu, le patient est acheminé au quartier Covid au premier étage, à travers un ascenseur dédié aux patients atteints du coronavirus. A ce stade, des décisions médicales sont prises, et c'est en fonction de l'état de santé du patient, que le choix de l'hospitalisation ou non, dans un service de soins normaux, ou il est surveillé par une équipe composée de professeur et d'infirmières peut se faire valoir et suivre un traitement adéquat. Ce service a une capacité litière de 46 lits, repartis sur des chambres spacieuses, bien aérées, avec toilettes et douches individuelles. Si l'état du malade suscite quelques inquiétudes, celui – ci est orienté vers l'unité de soins intensifs qui est composée de 14 chambres individuelles, sous la responsabilité de professeurs de cardiologie et de réanimation et ou travaillent des infirmières et infirmiers affrétés à ce service. Quand l'état du malade est en détresse respiratoire, nécessitant d'être intubé et ventilé, il est hospitalisé en réanimation, qui est composée de 9 chambres isolées sous la responsabilité de professeurs réanimateurs. L'espace au premier étage a été spécialement conçu et entièrement équipé pour la pandémie. Une salle opératoire au sein du bloc central est réservée également aux patients Covid. Ceci dit, nous avons continué à assurer nos autres missions de soins pour les malades non covid, comme les cas de chirurgie, d'obstétrique, d'hématologie et de pédiatrie. Toutes les mesures de sécurité et de prévention ont été mises en place, et grâce à l'engagement de nos pharmaciens, chaque site est équipé du matériel nécessaire pour la protection du personnel soignant: solutions hydro-alcooliques, masques FFP2, gants, sur-chaussures, casaques, lunettes de protection, des visières Combien de malades ont pu bénéficier de la prise en charge à l'hôpital cheikh khalifa? Comme je vous l'ai expliqué l'hôpital cheikh khalifa a anticipé bien avant que le Maroc n'enregistre les premiers cas de coronavirus dont le nombre était de 7 au 13 Mars 2020. Pour notre part, les premières hospitalisations ont eu lieu le 14 mars 2020. Le nombre total des patients ayant séjourné à l'hôpital cheikh khalifa était de 151 cas. La prise en charge était totalement gratuite, aucun malade covid n'a payé quoique ce soit. Les patients ont pu bénéficier de l'hospitalisation en chambre individuelle. Tous les médicaments prescrits, les examens de radiologie et le scanner, et les différents bilans biologiques, ainsi que le suivi immunologique après la sortie de l'hôpital. Un suivi quotidien rigoureux a été instauré. Ce qui a permis l'organisation de staff régulier du comité covid présidé par le Directeur médical. Ces staffs ont lieu chaque matin à 9 heures y compris les dimanches. Lors de réunions, le corps médical discutait de nouvelles admissions, des conduites thérapeutiques, des soucis lors des gardes, de logistique… Tous les membres sont informés à de nouvelles données grâce à la vaillance des responsables de la cellule informatique. Le travail en équipe a donné ses fruits grâce a une organisation parfaite, une bonne planification et des objectifs clairs. Une approche qui a nécessité l'implication de toutes les catégories et spécialités confondues, dans la prise en charge des patients. Il s'agit des personnels telles que : – Administratif : directeur médical, responsable des soins infirmiers, superviseurs et infirmiers chefs. -Médical : professeurs, spécialistes, résidents, internes et étudiants. – Paramédical : anesthésistes, infirmiers polyvalents, kinésithérapeutes, aides-soignants et brancardiers. – Pharmacie : Docteurs et techniciens. – Personnel de la cuisine, de nettoyage, de lingerie… Des listes de gardes résidentielles de 24 heures ont été établies à cet effet au niveau de chaque site. Qu'en est – il du protocole thérapeutique contre la Covid-19, et en quoi consiste la prise en charge? Tous les patients ont bénéficié du Protocole national de la prise en charge à base d'hydroxychloroquine + azythromicine avec l'apport de vitamines C, D, du sulfate de zinc et de la prévention de la thrombose. Avec en sus pour les formes graves : la corticothérapie, l'aspirine, les antiviraux et les anticorps monoclonaux qui sont très onéreux. Des protocoles nationaux élaborés par nos sociétés savantes d'anesthésie réanimation et des médecines d'urgence sont affichées et appliqués pour les malades. Les patients des unités de soins intensifs ont un apport d'oxygène par lunettes ou masques, avec un monitorage instrumental et un personnel plus attentif. Les malades de la réanimation sont des patients très lourds imposant une charge de travail importante. Ils ont un syndrome inflammatoire majeur, avec hypoxie, insuffisance rénale dans la majeure partie des cas. Ils nécessitent une surveillance rapprochée, car totalement dépendants. Ils sont intubés, sous respiration artificielle ou sous oxygène à haute concentration, avec plusieurs tuyaux, plusieurs machines (seringues électriques, alimentation, hémodialyse…) A J9, J10: chaque patient bien portant n'ayant pas de signes inflammatoires cliniques ou biologiques bénéficie d'un prélèvement PCR. Le résultat va dicter l'attitude à suivre et le moment opportun de la sortie vers l'hôtel. Durant leur confinement à l'hôtel, les patients sont nourris et bénéficient des prélèvements PCR jusqu'à leur guérison qui dicte leur sortie et leur confinement à domicile. A partir de la quatrième semaine, tous les patients sont convoqués dans notre hôpital pour une étude immunologique pour juger de la guérison définitive en se basant sur la présence des Immunoglobulines G (IgG). Le 30 mai, l'hôpital cheikh khalifa est déclaré un hôpital non covid, car le dernier patient est sorti le 29 mai. Je saisis l'occasion qui m'est offerte par le journal Al Bayane pour rendre un très grand hommage à l'ensemble des professionnels de santé, médecins, infirmières, techniciens, auxiliaires, administratif, qui n'ont de cesse de ménager aucun effort pour sauver de nombreuses vies. Je tiens aussi à rendre un hommage à tous les autres intervenants non médicaux, qui nous ont rendu la tâche facile pour faire face à cette pandémie. Je cite entre autres : les autorités locales, les policiers, les gardiens, les livreurs de marchandises, les chauffeurs…