Rapport du CNDH sur «Les protestations d'Al Hoceima» Les travaux d'investigation menés pendant plusieurs mois, de collecte d'informations, de recoupement de témoignages, d'analyse de rapports et de visites des familles et des détenus ont permis au Conseil national des droits de l'homme d'établir un rapport sur «les protestations d'Al Hoceima» (octobre 2016 – octobre 2017), «objectif et sans parti pris», a indiqué dimanche soir la présidente du CNDH, Amina Bouyache. Lors d'un point de presse donné, dimanche soir, juste après la clôture des travaux de la deuxième Assemblée générale du Conseil, tenus pendant trois jours, la présidente du CNDH, accompagnée du secrétaire général du Conseil Mounir Bensaleh, a indiqué qu'il s'agit d'un travail qui vise à présenter de manière transparente, objective et chronologique les faits. Pour le CNDH, il importe de «couper court avec les Fake News, les discours de la haine et de la violence» et toutes les autres fausses allégations par lesquels l'opinion publique nationale a été bernée jusqu'ici, a-t-elle ajouté. Outre les protestations d'Al Hoceima, le CNDH aborde dans son rapport ce qui s'est passé à Jerada et le projet du nouveau modèle de développement en cours d'élaboration, a-t-elle fait savoir. Le rapport revient sur les violations des droits et libertés et présente 63 conclusions et 32 recommandations, tout en appelant à la révision de la procédure pénale et à la protection des libertés d'expression et de rassemblement. La lecture que le Conseil fait des faits commis lors des protestations d'Al Hoceima est entreprise «conformément aux normes internationales des droits humains», a-t-elle noté, précisant que le rapport du CNDH considère que certaines notions utilisées dans le cas d'espèce sont imprécises. C'est ainsi que le rapport ne retient que la notion de « protestations d'Al Hoceima » qui corresponde le mieux à ce qui s'est passé. Il ne s'agit pas d'«événements d'Al Hoceima» et encore moins de «Hirak ou Harak du Rif» ou de «manifestations», mais tout simplement de « protestations d'Al Hoceima » pour être précis, car c'est la ville où les protestations ont eu lieu et non pas dans toute la région du Rif, un espace plus grand et plus vaste, a-t-elle affirmé. La lecture chronologique des faits a permis au CNDH de distinguer une première étape de protestations pacifiques (octobre 2016 – mars 2017) et une deuxième plus violente marquée par des jets de pierre contre les forces de l'ordre, lors de leurs interventions pour disperser les protestataires. A ce propos, le rapport fait état de la réaction tardive des autorités après six mois de protestation, qui ont invité les protestataires à discuter de leurs revendications à caractère social et économique, présentées en un seul bloc et qui devenaient de plus en plus nombreuses à mesure que les protestations continuaient. Lors de la troisième période de ces protestations, les réactions des protestataires étaient devenus beaucoup plus violentes contre les forces de l'ordre en mettant le feu par exemple dans les locaux des forces de l'ordre, en attisant la violence à Sid Al Abed, près de l'hôpital Mohamed V, à Boujibar, à Hay Afra et à Dar Messaoud où un policier a été amené à tirer en haut et en bas des balles de sommation, sans oublier la plage de Chabadya. C'est la période au cours de laquelle feu Imad Laatabi a été touché par ricochet à Dar Messaoud par une balle de sommation, qui lui a couté la vie et Nacer Zefzafi a commis un acte inadmissible du point de vue des droits humains en intervenant au cours de la prière du vendredi dans une mosquée pour empêcher l'Imam de terminer son prêche et appeler à la violence. D'un point de vue des droits humains, le CNDH considère que cet acte porte atteinte à la liberté de culte et de croyance, sachant que Zafzafi est libre de critiquer non pas à l'intérieur de la mosquée mais ailleurs. Aux yeux du droit humanitaire, les lieux de culte ont un statut particulier dont le respect par tous doit être assuré par l'Etat. S'il avait exprimé son point de vue ailleurs, le CNDH aurait considéré qu'il était libre de le faire. Mais aller jusqu'à empêcher l'Imam de faire son prêche et de prendre la parole à sa place c'est commettre un acte qui porte atteinte à la liberté de culte et de croyance. Une série d'actes de violences, d'affrontements et de résistances aux forces de l'ordre ont été ensuite commis lors de son arrestation. Discours de haine et de violence Pour ce qui est des allégations de torture et de traitements inhumaines et cruels subies, avancées par des détenus, elles ont été toutes prises au sérieux par le Conseil national des droits de l'homme, qui a tenu à s'assurer de leur véracité cas par cas. Des médecins légistes du CNDH se sont rendus chez les détenus, les ont examinés et établi leurs comptes rendus. Des équipes du CNDH les ont visités dans leurs lieux de détention pour vérifier leurs allégations et se faire une idée précise sur leurs conditions de détention et de traitement. Rien de tout ça n'est vrai, a affirmé Bouayache, selon laquelle les détenus n'ont subi ni tortures, ni isolement abusif ou cachot, ni pratiques inhumaines dégradantes ou cruelles. Ce ne sont que des Fake News et de la désinformation et il est temps d'y mettre fin pour ne plus abuser l'opinion publique nationale avec l'aide de sites électroniques et tweets, alimentés pour la plupart de l'extérieur (Belgique, Hollande, Allemagne surtout), a souligné la présidente du CNDH. Quant à la militarisation de la région que ces sites ont voulu utiliser, il s'est avéré que cette décision exceptionnelle prise dans le temps par les autorités militaires et qui concernait aussi d'autres régions du pays, avait été abrogée en 1959. Le rapport indique de même que les procès verbaux de police ont été mis de coté par les différentes cours, lors des procès des détenus des protestations d'Al Hoceima et que les droits de la défense ont été respectés. Les témoins des deux parties ont été entendus, a-t-elle dit, ajoutant que le CNDH considère que les jugements rendus à l'endroit des prévenus, condamnés ou acquittés, sont fondés sur des bases juridiques. Aux termes de son rapport de quelque 400 pages dont celui des protestations d'Al Hoceima, le CNDH a décidé, a-t-elle ajouté, de créer une unité de préservation de la mémoire chargée de la promotion de l'histoire marocaine, d'œuvrer pour la mise sur pied d'un programme conjoint avec l'office national de la formation professionnelle visant à faciliter aux détenus libérés de renforcer leurs capacités professionnelles et d'enseignement et de contribuer aux initiatives et actions de lutte contre les discours de la haine et de la violence pour protéger les acquis du pays en matière des droits humains.