Après avoir été acculé par les Italiens, regroupés pour la plupart derrière le mouvement des «Sardines», à se ranger dans l'opposition, Matteo Salvini, le patron de la Ligue (extrême-droite), a vu, ce mercredi, son immunité levée par le Sénat après qu'un tribunal de Catane l'eut accusé, d'avoir fait preuve, l'été dernier, d'«abus de pouvoir» et de «séquestration de personnes» alors qu'il était encore ministre de l'Intérieur, en ordonnant le blocage pendant près d'une semaine de migrants qui se trouvaient à bord du «Gregoretti», un navire des gardes-côtes italiens, dans l'attente de leur accueil par d'autres Etats de l'UE. Pour rappel, le 25 juillet 2019, après que plus de 110 migrants avaient disparu dans un naufrage au large de la Libye, le «Gregoretti» qui avait pris à son bord quelques 140 migrants secourus par les garde-côtes italiens s'était vu refuser l'autorisation de les débarquer sur les côtes italiennes sur l'ordre de Matteo Salvini alors ministre de l'intérieur. Mais même si la suppression, par le Sénat, de la protection juridique dont bénéficiait Salvini en tant qu'ancien ministre est un feu vert ouvrant la voie à un procès pour «abus de pouvoir» et pour «séquestration de personnes» où ce dernier encourt jusqu'à quinze années de réclusion, le patron de la Ligue, qui ne l'entend pas de cette oreille, a lancé aux sénateurs : «Je n'irai pas dans cette salle de tribunal pour me défendre, j'irai pour revendiquer avec orgueil ce que j'ai fait» leur rappelant par là que c'était son «devoir», en tant que ministre de l'Intérieur, de défendre les frontières du pays. Usant d'ironie, il lancera même à l'assistance que ses « deux enfants ont le droit de savoir que, si leur papa était souvent loin de la maison, ce n'était pas pour séquestrer des personnes, mais pour défendre les frontières et la sécurité du pays» avant d'ajouter que «les adversaires doivent être battus dans les urnes, pas dans les tribunaux». Persuadé d'avoir oeuvré dans l'intérêt de la nation, ce renvoi en justice n'est, pour l'ancien ministre souverainiste de l'intérieur, qu'une étape dans sa stratégie de reconquête du pouvoir. Aussi entend-il impliquer le Premier ministre d'alors, Giuseppe Conte, en affirmant que le blocage en juillet 2019 du navire des garde-côtes italiens était une décision collective de son gouvernement. Or, chercher à faire endosser, au chef du gouvernement, la responsabilité de cette «séquestration» est une simple fuite en avant, car en juin 2019, soit un mois avant les faits, Salvini avait fait approuver un décret-loi renforçant ses pouvoirs où il était expressément stipulé que «le ministre de l'Intérieur peut limiter et interdire l'entrée, le transit ou l'arrêt des navires dans les eaux territoriales pour des motifs d'ordre et de sécurité publics». Pour sa défense, le patron de la «Ligue» rappellera qu'en août 2018, 177 migrants se trouvant à bord d'un autre navire des garde-côtes italiens, le «Diciotti», étaient restés confinés dans cette embarcation pendant plusieurs jours sur décision collégiale du gouvernement; ce qui, à l'époque, avait permis au Sénat de bloquer une demande de renvoi en justice contre Salvini. Mais, en tout état de cause, il semble que les ennuis de l'ancien ministre italien de l'intérieur n'aillent pas s'arrêter à la seule affaire du «Gregoretti, puisqu'une commission du Sénat sera appelée à statuer le 27 février prochain sur une autre demande de renvoi en justice le concernant et ayant trait au navire humanitaire «Open Arms» qui, à la mi-Août 2019, était resté bloqué durant plusieurs jours au large de l'île italienne de Lampedusa sur ordre de Matteo Salvini. Enfin, vu la lenteur de la justice italienne et les différentes possibilités de recours qui s'offrent à lui, Matteo Salvini devra attendre longtemps encore avant d'être fixé sur son sort. Quelles seront alors les suites immédiates de cette levée de l'immunité parlementaire du patron de l'extrême droite italienne ? Attendons pour voir…