Plus de trois mois après que, dans un mouvement de contestation inédit, les libanais aient décidé de descendre dans la rue pour dénoncer la mauvaise gestion économique du pays, la capitale s'est transformée, ce samedi, en un véritable champ de bataille lorsqu'en voulant se diriger vers le Parlement, les émeutiers en ont été empêchés par les forces de l'ordre et que les échauffourées qui s'en sont suivi -les plus violentes depuis le déclenchement de la révolte- ont laissé apparaître un spectacle de guérilla urbaine que n'ont pas manqué de diffuser, en boucle, les télévisions du monde entier. Ainsi, ce samedi, à 19 h, la capitale Beyrouth, recouverte d'un épais nuage formé par les gaz lacrymogènes provenant des bombes utilisées par les Forces de Sécurité Intérieure (FSI) mais également par la fumée qui se dégageaient des bennes à ordures auxquelles les émeutiers avaient mis le feu, avait l'air d'un véritable champ de bataille. Mais pourquoi donc un tel déferlement de violence? Ployant sous le poids d'une grave crise économique et n'en pouvant plus du mutisme que leur oppose un pouvoir politique sourd à leurs revendications, les libanais réclament, depuis plus de trois mois, la formation d'un gouvernement composé de technocrates et de personnalités indépendantes du sérail politique traditionnel. Fustigeant une classe politique jugée incompétente et corrompue et reprochant, aux banques, leur connivence avec le régime au vu des restrictions draconiennes qu'elles avaient imposées aux retraits, les libanais ont donc poussé le Premier ministre Rafic Hariri à la démission en Octobre dernier et réclamé la formation d'un nouveau gouvernement formé de technocrates et de personnalités indépendantes des partis politiques traditionnels. Mais si, pour calmer la colère de la rue, un nouveau Premier ministre avait été désigné le 19 décembre dernier, force est de reconnaître, toutefois, que les divergences sur le partage des portefeuilles ont fait traîner les négociations attisant, par-là, l'exaspération d'une population outrée par le fait que les partis politiques «continuent de se disputer les parts (du gâteau) au sein du gouvernement sans se soucier du peuple». Et si, selon un bilan provisoire donné par la Croix Rouge libanaise, au moins 220 personnes auraient été blessées ce samedi, les ONG ‘Amnesty International' et «Human Rights Watch» déplorent, pour leur part, les «arrestations arbitraires (et le) niveau inacceptable des violences» exercées à l'égard des manifestants. D'un autre côté, et dans des communiqués publiés sur Twitter, les Forces de Sécurité Intérieure (FSI) ont regretté les actes «violents» perpétrés par certains protestataires et appelé les «manifestants pacifiques à quitter les lieux urgemment pour leur propre sécurité» alors que Michel Aoun, le président de la République, après avoir fait appel à des renforts de police et à des unités militaires pour «mater la rébellion», a demandé aux ministres de la Défense et de l'Intérieur, de «garantir la sécurité des manifestants pacifiques, d'empêcher les actes de vandalisme et de préserver les biens publics et privés». Dimanche matin, les bilans compilés de la Croix Rouge libanaise et de la Défense civile ont évoqué le nombre de 377 blessés lors des affrontements de la veille car, en plus des grenades lacrymogènes, les forces de l'ordre avaient eu également recours à des balles en caoutchouc. C'est dire que, pour une seule journée, le bilan reste extrêmement lourd. De quoi donc demain sera-t-il fait au Pays du Cèdre, un pays qui a suffisamment souffert, des années durant, des affres de la guerre civile ? Attendons, pour voir…