L'année qui s'est achevée a connu la première sortie spatiale féminine de l'Histoire lorsque, le 18 Octobre dernier, Jessica Meir et Cristina Koch avaient quitté la station spatiale internationale ISS et étaient restées, pendant sept heures, dans le vide cosmique afin de remplacer le système de recharge des batteries. Elles étaient guidées, pour cela et depuis le centre de contrôle de Houston, par Stéphanie Wilson, une autre femme spationaute alors que depuis la mise en place de l'ISS en 1998, aucune des 220 sorties effectuées dans l'espace ne l'avait été par deux femmes en même temps. A l'instar de leurs consoeurs saoudiennes une année auparavant, les iraniennes ont pu, elles aussi, en cette année 2019, accéder à un stade de football et ce, pour la première fois depuis le déclenchement de la Révolution islamique quarante ans auparavant. Motif ? Après que la brigade des mœurs des gardiens de la Révolution islamique, l'ait «attrapée» bravant l'interdit en se déguisant en homme pour tenter d'accéder à un stade de football, Sahar Khodayari, craignant une condamnation à une très longue période d'emprisonnement, s'était immolée par le feu. Mais sa mort avait fait tellement de bruit, hors des frontières de la république des mollahs, que la FIFA en était venue à menacer l'Iran de sanctions s'il continuait à interdire aux femmes d'assister aux matchs de football. Aussi, le 10 Octobre dernier, 4.000 iraniennes ont pu assister librement au match de football qui avait opposé leur pays au Cambodge au titre des éliminatoires pour le Mondial 2022 ; ce qui constitue, incontestablement, un grand pas sur le chemin des libertés et des droits des femmes dans la république islamique. En Arabie Saoudite, où l'islam wahhabite rigoriste ne s'était jamais privé de maintenir les femmes au stade d'éternelles mineures, les saoudiennes ont arraché une bien grande victoire en cette année 2019 puisqu'elles peuvent, désormais, voyager sans la permission d'un tuteur. Mais il n'y a pas eu que çà car en 2019, les femmes ont pu, également, arracher d'autres conquêtes dans bien d'autres domaines. Et si, en 2019, Esther Duflo est devenue la première femme française détentrice du prix Nobel d'Economie, il ne faudrait pas passer sous silence d'autres faits d'égale importance pour le mouvement féministe ; à savoir, que l'Académie française a, finalement, adopté la féminisation des noms de métiers ou encore qu'une greffe d'utérus a bel et bien été réalisée pour la première fois en France. Au Royaume-Uni, l'«upskirting» qui consiste à prendre des photos sous les jupes des femmes sans leur accord, ayant été assimilé à du harcèlement, a fini par être officiellement interdit et en Finlande, Sanna Marin, est devenue, il y a quelques jours à peine et à l'âge de 34 ans, la plus jeune Première ministre au monde. Dans le domaine de la recherche scientifique, l'Académie Norvégienne des Sciences et des Lettres a décerné, en 2019, à l'américaine Karen Uhlenbeck, professeure émérite de mathématiques à l'université du Texas à Austin, le prix Abel «pour ses travaux pionniers dans le domaine des équations aux dérivées partielles d'origine géométrique, de la théorie de jauge et des systèmes intégrables et pour l'impact fondamental de ses résultats sur l'analyse, la géométrie et la physique mathématique». Dans un tout autre registre mais toujours au bénéfice des femmes, l'interdiction de l'avortement a été reconnue comme étant contraire à la Constitution de la Corée du Sud alors qu'en Australie l'Interruption Volontaire de Grossesse est, désormais, légale. Et si la capitale britannique abrite, depuis cette année, le premier musée au monde entièrement consacré au vagin, la ville de Berlin a décidé de faire, désormais, du 8 Mars, la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une journée fériée. Voilà, en gros, quelques unes des avancées faites par les femmes durant cette année 2019 dans diverses parties du monde mais qu'en est-il chez nous alors qu'à quelques heures de l'année 2020, la violence fondée sur le genre est toujours présente dès lors qu'en se sentant menacé dans leur domination par la seule présence des femmes dans l'espace public, nombreux sont encore les marocains qui répondent à cette menace par l'insulte, le viol et par bien d'autres moyens encore plus «sophistiqués». Ainsi, au Maroc et comme l'avait dit, au Washington Post, en 2017, Khadija Ryadi, l'ancienne présidente de l'Association Marocaine des Droits de l'Homme (AMDH) «tout ce qui concerne les droits des femmes est lié à la religion» si bien qu'il est très difficile d'instaurer de réels changements. Cette difficulté avait, d'ailleurs, été confirmé par l'enquête du Haut Commissariat au Plan qui avait révélé que 87% des marocains des deux sexes, interrogés sur la perspective d'une réforme de l'héritage, s'étaient fermement opposés à une quelconque forme d'égalité en ce domaine la trouvant même blasphématoire dès lors que la loi y afférente trouve sa source dans le Coran. Ainsi, quand Simone de Beauvoir avait rappelé aux femmes de rester «vigilantes» car leurs droits «ne sont jamais acquis» et «qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse» pour que ceux-ci soient remis en question et que Fatima Mernissi avait tenu, de son côté, à préciser que « si les droits des femmes sont un problème pour certains hommes musulmans modernes, ce n'est ni à cause du Coran ni à cause du prophète et, encore moins, de la tradition islamique (mais) tout simplement parce que ces droits sont en conflit avec les intérêts d'une élite masculine », elles ne s'étaient pas trompés. Autant dire, pour terminer, que, pour que les marocaines soient les «égales» de leurs compères mâles sur le plan juridique, le chemin semble encore bien long et parsemé d'embûches car même le droit – supposé les protéger – sert, parfois, d'outil d'oppression. Il en va, ainsi, de l'article 454 du Code Pénal qui, en punissant d'«emprisonnement» l'interruption volontaire de grossesse, pousserait quotidiennement quelques 600 à 800 femmes à se faire avorter clandestinement et à courir, ainsi, le risque de mourir dans d'atroces conditions. Jusqu'à quand durera cette méprise? Attendons, pour voir…