Mention passable pour le Maroc ! En matière de promotion des droits de l'enfant, le royaume doit mieux faire ! Les résultats de la 2e analyse de la Situation des Enfants au Maroc (SITAN) menée par l'Organisation nationale des droits de l'enfant (ONDE), en collaboration avec l'UNICEF et l'Organisation nationale des droits de l'Homme (ONDH) et présentés vendredi dernier à Marrakech dans le cadre du 16e congrès national des droits de l'enfant, ne sont pas satisfaisants sur toute la ligne. Si en trente ans de mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), le royaume a excellé au niveau législatif et institutionnel, en matière de concrétisation effective de la protection de l'enfant marocain, la situation reste préoccupante et nécessite plus d'efforts. Des enfants dans la rue, addicts aux drogues, mariés précocement, forcés de travailler pour survivre…D'autres, obligés de quitter les bancs de l'école en raison de la pauvreté, de l'éloignement des établissements scolaires ou encore violentés physiquement ou sexuellement… De telles situations, on en compte encore des milliers au Maroc, trente ans après que le pays ait ratifié la CIDE. En dépit des efforts menés au cours des trois dernières décennies pour instaurer le principe du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, les enfants continuent d'être la proie d'un environnement non protecteur. Le SITAN 2019 révèle à cet effet, que si des progrès tangibles ont été enregistrés en matière de protection des enfants, grâce à la création de centres d'écoute, d'une plateforme de surveillance et de suivi des cas de violence en milieu scolaire (Marsad), du lancement du programme «villes sans enfants en situation de rue», du programme «Yakada» contre le travail des petites bonnes, les phénomènes qui exposent les enfants aux abus et exploitations n'ont pour autant pas été éliminés. Ainsi, en trente ans de mise en application de la CIDE, nombreux sont encore les enfants qui n'arrivent pas à être enregistrés à l'état civil (3,1%). Il s'agit, notamment de ceux nés hors-mariage. Une situation discriminatoire qui persiste, malgré la promulgation en 2002 de la loi relative à l'état civil qui consacre le droit à un nom et rend obligatoire la déclaration des naissances ! En outre, il apparait que le pourcentage des enfants victimes de violence physique s'est accru entre 2010 et 2018, passant de 30,6% à 39,6%. On note toutefois une modeste baisse en termes de violences sexuelles, avec un taux de 30,82% en 2010 contre 27,9% en 2018. Le travail des enfants reste l'un des phénomènes que le Maroc a encore du mal à éradiquer. S'il est vrai que la tranche des enfants de 7-14 ans est de moins en moins forcée à travailler (26,5% en 2011 contre 17,4% en 2014), le travail des enfants continue de toucher de plus en plus la tranche 15-17 ans. Ainsi, entre 2011 et 2015, le phénomène est allé galopant, atteignant 82,6% en 2015 contre 73,5%, quatre années plus tôt. Une situation très préoccupante renforcée par le phénomène du mariage des enfants. En effet, le nombre d'enfants mariés est encore très élevé et inquiète à plus d'un titre. En 2018, le Maroc a enregistré 31.931 cas contre 29.847 cas en 2007. Cette absence de protection des enfants est soutenue davantage par l'inégalité de chances entre les enfants. Ainsi, la pauvreté multidimensionnelle affecte davantage les enfants en milieu rural qu'en milieu urbain. En 2014, elle était de 22% en milieu rural contre 2,4% en milieu urbain. Sans oublier, depuis quelques années, le défi de la prise en charge des enfants issus de la migration dont le nombre s'accroit considérablement. Travail exemplaire sur le plan législatif! De 1990, date de ratification du Maroc de la CIDE, à 2019, le Maroc a renforcé son arsenal juridique, législatif et institutionnel en matière de promotion des droits des enfants. Ainsi, la constitution de 2011 a accordé une place prioritaire aux droits de l'enfant, notamment à travers les articles 31 et 34 qui garantissent l'accès égal de tous les enfants, dont ceux en situation de handicap, aux services sociaux de base. Au niveau législatif, ce sont plus de 240 articles touchant différents aspects des droits de l'enfant qui ont été adoptés ou reformés. Pour appuyer les différentes mesures prises au niveau législatif, plusieurs institutions nationales et indépendantes ont été mises en place, entre autres l'ONDE en 1995, la Fondation Mohammed VI pour la solidarité, l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) en 1999, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS)… Plusieurs politiques publiques et programmes et plans nationaux ont été également élaborés pour traduire en actions concrètes les textes législatifs. Il s'agit entre autres de la Politique publique intégrée de la protection de l'enfance au Maroc (PPIPEM) pour la période 2015-2025 dont l'objectifest de prendre en compte le caractère «multidimensionnel» et «transversal» de la protection de l'enfance, en favorisant une nouvelle approche intégrée et systémique et une gestion axée sur les résultats. Cette politique n'a pas toujours été mise en œuvre, en raison notamment de l'insuffisance de ressources financières. Dans le cadre du Pacte national pour l'enfant pour la période 2021-2030, qui a été présenté samedi dernier, plus de ressources devraient être alloués au PPIPEM pour sa mise en œuvre effective. D'autres mesures devraient être également adoptéesdans le cadre de ce nouveau pacte pour relever les défis qui persistent en matière de protection des droits des enfants au Maroc.