Si les peintures murales d'Asilah, qui accompagnent chaque année le Moussem culturel de cette belle ville côtière à la renommée internationale, sont devenus une tradition, la singularité de chaque édition et de chaque fresque leur confèrent un attrait particulier, et à la cité une personnalité renouvelée, sans pour autant altérer son âme de ville d'art et d'accueil. À la veille de la 41e édition, qui s'ouvre le 21 juin et se poursuit jusqu'au 12 juillet, ce sont une quinzaine d'artistes du Maroc et de France qui s'attellent, chacun dans son style reflétant une école d'art, à la tâche d'embellissement des ruelles d'Asilah. Abderrahim Hamza, un caligraphiste originaire de Marrakech, qui se revendique d'un art nouveau mariant calligraphie et graffiti, se fait «une immense joie et un grand honneur» de participer au Moussem d'Asilah, voyant un bon augure dans la coïncidence de sa participation à la 41e édition du Moussem avec son propre anniversaire. Pour cet artiste autodidacte, c'était «un rêve, et le rêve de beaucoup d'artistes, de prendre part à cette manifestation culturelle, qui a gagné une notoriété internationale indéniable». Une fois le rêve exaucé, Abderrahim compte faire de sa fresque, dans la rue Ibn Khaldoun, un tableau de calligraphie qui interpelle sur l'universalité de l'art. «Je me concentre plutôt sur le côté artistique que sur le message littéraire de la toile». Un passage à l'Inde l'année dernière avait inspiré le jeune artiste qui juxtapose des alphabets de différentes langues dans un ensemble multiculturel qui célèbre la co-existence et la tolérance. Après s'être spécialisé dans la calligraphie arabe, cet économiste de formation, que rien ne prédestinait à l'art sauf une passion d'enfance, a aussitôt choisi de se démarquer des autres calligraphes «qui enrichissent la scène marocaine». «Je me suis donc tourné vers l'art plastique et surtout l'abstrait en usant de mes connaissances en calligraphie». C'est ce qu'on appelle l'art moderne, qui donne plus de liberté à l'artiste, l'amenant à apprivoiser la lettre, qu'elle soit arabe, latine, amazighe, indienne, hébreu, grecque ou autre. À rue Sidi Taieb, Sandrine Lorenzo, une Française spécialiste des techniques traditionnelles, qui avait suivi une formation en trompe-l'œil, s'affaire, éponge à la main, à terminer son portrait complexe d'une femme berbère. «C'est un hommage que je fait à la culture marocaine», se réjouit-elle. Cette fréjusienne (sud-est de la France) qui travaille sur le patrimoine méditerranéen, notamment sur la restauration de fresques, se déclare ravie de travailler pour la première fois sur le patrimoine marocain, une culture qu'elle dit chérir, et qu'elle entend explorer de plus près lors de ce festival. Quelques ruelles plus loin, face à la mosquée Ibn Abbad, son compatriote Stéphane Oner, Cosmos de son nom d'artiste, travaille sur des formes géométriques qu'il façonne avec l'abstraction et l'écriture. «Je viens du graffiti, avec un travail de graff et de tag que j'incorpore à l'abstrait par rapport à l'action painting», révèle ce jeune français qui s'inspire de l'école américaine, Jackson Pollock en particulier. Ce mural, qui représente une répétition du mot Cosmos «comme une sorte de leitmotiv», vise à «retransmette toute l'énergie positive que je voudrais dégager», nous affirme l'artiste qui se dit, par ailleurs, «très heureux de participer à ce festival». Cosmos, qui avait débuté sa carrière dans le graffiti et les tags «dans le métro en 1987 avec d'autres tagueurs», a plus tard redirigé son travail vers l'art pour devenir l'un des grands artistes du street art , un créneau qui ne cesse d'attirer artistes et publics.