Après six mois d'investigations, Agnès Calamard, experte des droits de l'Homme et rapporteuse spéciale des Nations-Unies, estimant avoir réuni suffisamment de preuves de l'implication de l'Etat saoudien dans la mort, le 2 Octobre dernier, de Jamal Khashoggi, le correspondant saoudien du Washington Post dans les locaux du Consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul, a réclamé, ce mercredi, l'ouverture d'une enquête visant à déterminer avec précision la responsabilité du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane dans cette macabre affaire. Pour rappel, si les autorités saoudiennes avaient, dans un premier temps, nié le meurtre du journaliste, elles avaient, par la suite, avancé plusieurs versions aussi contradictoires les unes que les autres avant de reconnaître que Jamal Khashoggi a été tué au cours d'une opération non autorisée par le pouvoir. Or, en considérant qu'en Arabie Saoudite la quasi-totalité du pouvoir est détenue par le Prince héritier Mohamed Ben Salmane sans l'accord duquel rien ne peut se faire et que Jamal Khashoggi qui critiquait avec virulence sa main mise sur le pays «était lui-même pleinement conscient de ses pouvoirs et le craignait», la C.I.A. reste pleinement convaincue non seulement de son implication dans cet assassinat mais qu'il en a même été le principal commanditaire. Les recherches effectuées ayant mis à jour des «preuves crédibles» concernant la responsabilité individuelle de hauts responsables saoudiens et n'excluant pas celle du prince héritier dans l'assassinat du journaliste saoudien, l'experte onusienne réclame l'ouverture d'une «enquête supplémentaire». Dans son rapport, Agnès Calamard, qui a eu accès à un enregistrement audio des services secrets turcs, révèle, avec force détails, ce qui s'est passé dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul et cite les noms et les fonctions des membres d'une «équipe de 15 saoudiens» ayant été chargés de l'exécution de cette sinistre opération. Bien qu'ayant appelé à la poursuite des sanctions imposées par les Etats-Unis et d'autres pays contre 17 saoudiens pour leur participation à l'assassinat de Jamal Khashoggi, l'experte onusienne a estimé qu'elles «ne prennent pas en compte la question de la responsabilité de la chaîne de commandement» et qu'elles devraient s'appliquer, également, «au prince héritier et à ses biens personnels à l'étranger». L'experte onusienne met, par ailleurs, en garde contre «l'importance disproportionnée accordée à l'identification de l'auteur du crime» car elle imputerait l'entière responsabilité de cet odieux assassinat à ses « auteurs physiques» et en écarterait, du même coup, son commanditaire. En conséquence, la rapporteuse spéciale des Nations-Unies appelle le Secrétaire Général Antonio, Guterres à «ouvrir une enquête pénale de suivi sur l'assassinat de M. Khassoggi afin de constituer des dossiers solides sur chacun des auteurs présumés». En considérant, en outre, que, dans la procédure lancée devant la justice saoudienne, l'accusation avait innocenté le Prince héritier Mohamed Ben Salmane, mis en cause plus de 20 personnes et réclamé la peine de mort pour cinq d'entre elles, Agnès Callamard, arguant que cette procédure n'a pas «respecté les normes internationales» a réclamé sa suspension et demandé au FBI de diligenter une nouvelle enquête sur l'assassinat du correspondant saoudien du «Washington Post». Mais si la Turquie a immédiatement «appuyé avec force» les recommandations du rapport présenté par Agnès Callamard, le numéro deux de la diplomatie saoudienne considère que ce document reste «sans fondement» car en ayant été rédigé par un expert indépendant de l'ONU, il ne s'exprime pas au nom des Nations-Unies alors que, de son côté, le chef de la diplomatie saoudienne Adel Al-Jubeir a déclaré, sur Twitter, que le rapport présenté par la rapporteuse spéciale des Nations-Unies «contient des contradictions et des allégations sans fondement ; ce qui met en doute sa crédibilité», ne contient «rien de neuf» et «répète ce qui a été dit et ce qui a été colporté par les médias». Que dire pour terminer sinon qu'après avoir fait couler beaucoup de sang, l'assassinat de Jamal Khashoggi n'en finira pas de faire couler beaucoup d'encre encore; alors attendons pour voir…