Ce dimanche, au terme d'une campagne électorale «digitale et antipolitique», Volodymyr Zelensky, un comédien et humoriste juif qui dit ne pas être «un politicien mais un type normal qui est juste venu pour détruire le système» a détrôné le Président ukrainien Petro Porochenko. Bien qu'étant néophyte en politique, le nouveau président n'est, cependant, pas un inconnu du grand public ukrainien dès lors que, dans la très populaire série télévisée «Le Serviteur du peuple», il avait joué le rôle d'un professeur, ardent défenseur des «petites gens» et pourfendeur des élites corrompus, devenu président de la république. Cette série télévisée lui a tellement donné le goût du pouvoir et l'envie de sauter le pas en passant de la fiction à la réalité, qu'il n'a pas hésité à déposer sa candidature pour les élections présidentielles. Une excellente initiative, à vrai dire, puisque, dès le premier tour, celui-ci était arrivé en tête avec 30,4% des voix devançant largement le président sortant Petro Porochenko, classé second avec un score de 17,8% parvenant, ainsi, à éliminer, sans coup férir, l'ex-première ministre Ioulia Timochenko qui n'avait pas attiré plus de 14% des votants. Mais comment se fait-il donc que le président Porochenko se soit fait supplanter par un «vulgaire» comédien, un candidat atypique et, de surcroît, novice en politique alors même qu'il a, à son actif, le rapprochement de l'Ukraine avec les pays occidentaux, le redressement de l'armée et voire même le lancement d'importantes réformes économiques? La seule explication qui vient à l'esprit est que l'ancien président ukrainien aurait été victime d'un vote-sanction de la part de ses compatriotes qui lui auraient reproché son incapacité à enrayer la corruption endémique qui gangrène toujours l'Ukraine et qui avait été la raison essentielle du soulèvement du Maïdan qui lui avait servi de tremplin et permis d'accéder au pouvoir cinq années auparavant. Iryna Solonenko, spécialiste de l'Ukraine au sein de la Société allemande de politique étrangère (Deutschen Gesellschaft für Auswärtige Politik) estime que «voter Zelensky a été un vote de protestation (car) ses partisans en avaient eu assez des vieilles élites qui trempent encore probablement dans des affaires de corruption». Elle ajoutera que «rien que pour cela, de nombreux ukrainiens ont été prêts à lui donner un chèque en blanc». Ce serait donc pour cette raison qu'au premier tour et malgré un programme plutôt «flou», Volodymyr Zelensky est, tout de même, parvenu à recueillir la majorité des suffrages exprimés alors même que sa seule expérience du pouvoir il l'avait vécue au cours de la fameuse série télévisée. Lorsqu'en Janvier dernier des représentants de l'UE l'avaient questionné sur son programme politique, Zelensky les avait renvoyé vers ses conseillers et avait demandé à ses partisans de lui envoyer des propositions via les réseaux sociaux. C'est à la suite de cela que, dans le programme qu'il avait rendu public quelques temps plus tard, il s'est dit favorable «à un recours accru au référendum» et entend soumettre au vote populaire l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Il compte également construire de nouvelles voies terrestres aux normes européennes. En outre, dans le cadre de la lutte contre la corruption qui gangrène l'Ukraine, il menace d'exclure de la fonction publique toute personne condamnée pour des faits de corruption. Mais si, en définitive, le programme présenté par Zelensky ne diffère pas outre-mesure de ceux présentés par ses concurrents, attendons pour voir…