Alors que les algériens attendaient, depuis plus de trois semaines, que le vieux Bouteflika renonce à déposer sa candidature pour un cinquième mandat c'est-à dire qu'il quitte la scène politique une fois pour toutes, voilà qu'il propose un renoncement qui n'en est pas un car en choisissant de repousser, à une date ultérieure, la tenue des prochaines élections présidentielles, le vieux président, mort ou vif, n'a fait que prolonger d'autant son quatrième mandat. Erreur fatale car le message, en date de ce lundi et attribué au président, a été vécu par les algériens comme étant la goutte de trop. En effet, ce n'est pas uniquement le vieux chef d'Etat que la rue algérienne voulait voir partir mais tout le système qu'il incarne et qui lui a permis, grâce au soutien de l'armée, de rester aux commandes du pays durant vingt ans pendant que son clan s'est livré à une prédation éhontée des richesses pétrolières de l'Algérie. Aussi, quand un accident vasculaire cérébral a eu raison de lui, c'est toute son équipe – famille, parents et alliés, civils et militaires – qui s'est mise à diriger le pays par procuration. Et le peuple, dans tout çà ? Oublié des années durant, certes, mais plus pour longtemps car, depuis ce 22 Février, les algériens ont pris la décision de «prendre les choses en main» notamment après que Bouteflika – fait inimaginable avant les manifestations – ait renoncé à ce cinquième mandat ; ce qui a été vécu par ceux-ci comme étant une grande victoire. Et c'en est une, en effet… Ainsi, après avoir été longtemps divisée par le jeu du pouvoir, cette Algérie de culture plurielle a donc spontanément décidé de se rassembler autour d'un même mot d'ordre sans aucune distinction de langue ou de région et de se lever comme un seul homme pour se libérer de ce virus qui, après avoir trahi les idéaux de la révolution de 1954 et ses valeurs démocratiques, évincé ces combattants de la première heure que furent Krim Belgacem, Khider et bien d'autres, muselé toute opposition, imposé des choix contraires à la rationalité économique et fragmenté le pays, se succède à lui-même en reproduisant le même système depuis l'indépendance. Convaincus que le changement souhaité ne leur sera pas servi sur un plateau d'argent par un clan Bouteflika qui n'est pas prêt à se dessaisir du pouvoir mais que les fissures qui commencent à apparaître dans le système comme la fronde inattendue des magistrats ou encore les nombreuses défections qui ont touché des organisations réputées proches du pouvoir sont autant de signes annonciateurs d'une désobéissance civile de grande ampleur, la jeunesse algérienne qui a investi, en masse, les réseaux sociaux appelle au maintien de la dynamique de contestation après la prière de ce vendredi 15 mars pour dénoncer la «politique de manipulation» exercée par le régime. Soutenus par un grand nombre d'opposants et d'activistes, les internautes lancent les mots d'ordre ci-après :«Soyons 40 millions d'Algériens ce vendredi pour leur dire : dégagez», «non à une transition conduite par le même clan», «oui au départ, non au report», «rien n'est acquis, le combat continue»… En considérant, enfin, qu'à l'heure qu'il est, ni le pouvoir ni les manifestants n'ont dit leur dernier, il semble que le bras-de-fer qui se profile à l'horizon soit là pour durer. Espérons que les algériens, qui ont fait montre jusqu'à présent d'un civisme exemplaire, ne vont pas revivre la décennie sombre de la guerre civile et attendons pour voir…