La société de bourse du groupe Crédit du Maroc (CDM) a publié une note d'information relative à la valeur Maroc Telecom. A cette occasion, nous avons interviewé Kawtar Karbal, responsable du département Analyse & Recherche du groupe, pour nous livrer son avis sur les perspectives de Maroc Telecom et nous étayer sa recommandation sur le titre IAM. Al Bayane: Quelle analyse faites-vous du secteur des télécommunications au Maroc? Kawtar Karbal: Evoluant dans un secteur marqué par des changements technologiques importants, un environnement réglementaire endurci et une recrudescence de la concurrence, Maroc Telecom se trouve, en permanence, dans l'obligation d'alléger, autant que faire se peut, le poids de ces contraintes exogènes. A cet effet, l'opérateur historique est censé remodeler son business model face à une nouvelle transformation du secteur des télécommunications. L'objectif étant de maintenir la croissance des revenus et poursuivre la récolte des gains de parts de marché. Pour ce faire, Maroc Telecom devrait procéder à des investissements supplémentaires significatifs sans pour autant augmenter les prix afin de gagner en compétitivité. Ce procédé nécessite, par ricochet, une maîtrise optimale des coûts pour ne pas affecter la situation financière du groupe. Sur le plan national, le groupe devrait capitaliser sur la montée en force de l'usage de l'Internet mobile qui assurerait un retournement de la tendance baissière du revenu moyen par abonné et placerait l'évolution du chiffre d'affaires Mobile en territoire vert. Par ailleurs, l'opérateur historique devrait se préparer à la montée de la concurrence de Wana dans l'activité ADSL suite au dégroupage de la boucle locale. Quelles sont vos recommandations pour le titre? Sur la base d'un taux d'actualisation de 7,40%, la valorisation par la méthode DCF nous conduit à un prix théorique d'IAM de 154 DH par action, ce qui représente une décote de 7,9% compte tenu du cours actuel de l'action de 142 DH «le 09 janvier 2019». Ainsi, nous recommandons de renforcer le titre IAM dans les portefeuilles. Pouvez-vous nous indiquer les principales hypothèses de votre recommandation? Sur le plan national, au niveau du segment Mobile, nous prévoyons une appréciation annuelle moyenne du parc de +1,9% grâce, essentiellement, à la hausse de l'usage de la DATA; une diminution du poids du parc pré-payé de 90,3% en 2018 à 89,8% en 2022 ; et un renforcement du poids du parc post-payé de 9,7% en 2018 à 10,2% en 2022. Un segment jugé de haute valeur ajoutée. Aussi, la montée en force de l'Internet mobile 4G/5G est prévue à partir de 2022. Son poids dans le parc Mobile devrait se hisser à 95,9% en 2022 contre 60,7% en 2018. En plus, la stimulation des usages dans le mobile devrait mettre fin à la baisse du revenu moyen par abonné constatée depuis plusieurs années. Dans une optique conservatrice, nous estimons que l'ARPU devrait se stabiliser à 58,70 MAD/mois sur la période 2018-2022. Cette conjecture tient compte d'une contribution positive de la 4G (et prochainement la 5G) ainsi qu'un allègement de l'agressivité d'Orange et Inwi, car nous jugeons que ces deux opérateurs ont atteint un niveau de parts de marché assez confortable, à savoir 33,12% et 24,22% respectivement (à fin septembre 2018). Pour ce qui est des segments fixe/Internet, nous prévoyons une poursuite de la décroissance du chiffre d'affaires du segment Fixe entamée depuis 2016 avec une régression annuelle moyenne prévue pour les revenus par ligne de -5,0%. Toutefois, le nombre de lignes du Fixe devrait s'apprécier en moyenne de +3,3% par an; une décélération de la croissance des revenus de l'ADSL à +3,9% en raison de l'impact prévisionnel du dégroupage de la boucle et la sous-boucle locale; ainsi qu'une baisse annuelle moyenne du (CA/accès Haut débit) de -5,2% pour Maroc Telecom afin de se préparer à la compétitivité attendue de Wana. Sur le plan international, notre plan d'affaires tient compte de la montée en force des revenus provenant des pays africains. Ces derniers devraient s'inscrire, durant la période d'étude, en phase de croissance continue grâce, notamment, à un processus de mise à niveau des filiales acquises en 2015 via un programme important d'investissement, d'innovation de d'amélioration de la qualité de service. Toutefois, il y a lieu de distinguer trois catégories de filiales de Maroc Telecom en Afrique: Mauritel et Gabon Telecom, des leaders qui opèrent dans des marchés matures, ce qui nécessite une revue de leur modèle économique avec le développement de nouveaux créneaux à forte valeur ajoutée tels que le Mobile Money et la FTTH (Fiber To The Home); Sotelma et Onatel, des challengers qui évoluent dans des marchés en croissance et devraient profiter de la montée en force de la Data Mobile, supposée être un relais de croissance dans ces marchés. Enfin, les filiales acquises auprès du groupe Etisalat opèrent exclusivement sur le segment Mobile et demandent un effort d'investissement important afin de les aligner avec les filiales historiques et s'assurer d'un gain continu dans les parts de marché. Ainsi, le chiffre d'affaires international devrait s'apprécier, en moyenne, de +4,1% entre 2018 et 2022. A la lumière de vos hypothèses sur les filiales africaines, les acquisitions auprès du groupe Etisalat sont-elles négatives ou positives pour Maroc Telecom? Nous prévoyons une légère décélération de la hausse des revenus pour Moov Côte d'Ivoire après la décision de l'ARCEP d'interdire la différenciation tarifaire On-Net et Off-Net conjugué à un ralentissement prévu de la croissance du parc d'abonnés après le durcissement des exigences d'identification des utilisateurs. Pour Moov Benin, on note des perspectives de croissance positives du marché béninois avec un taux de pénétration de 87% seulement; un impact attendu de la nouvelle taxe de 10% sur le chiffre d'affaires brut sur les revenus Mobile; une décélération de la croissance de l'ARPU suite à la décision du régulateur de fixer de nouveaux prix ainsi que la baisse des terminaisons d'appel; une amélioration prévisible de la croissance du parc d'abonnés avec l'instauration de la portabilité; et une montée future de MTN qui désire améliorer la qualité de ses services via un programme d'investissement. Pour Moov Togo, nous prévoyons un fort potentiel de développement avec un taux de pénétration de 78% uniquement; une augmentation attendue du parc des abonnés Mobile de Moov Togo grâce au déploiement de la 4G; et une intensification de la concurrence de Togocel après sa fusion avec Togo Télécom et l'annonce de ses ambitions de développer la 4G et la fibre optique. Par ailleurs, nous tablons sur un accroissement prévisible du parc d'abonnés et des revenus après le lancement attendu de la 4G pour Moov Niger ainsi qu'un allégement de l'agressivité d'Orange après la notification du redressement fiscal de près de la moitié de son chiffre d'affaires. Enfin, Moov RCA devrait connaitre une baisse des terminaisons d'appel et un accroissement attendu des revenus et du parc grâce au lancement de la 3G dans un marché présentant un taux de pénétration de 26% seulement. Comment jugez-vous le niveau d'endettement d'IAM et sa politique de distribution des dividendes? L'exposition de Maroc Telecom à la dette se renforce avec l'acquisition des filiales du groupe Etisalat dont le coût d'acquisition s'élève à 474 millions d'euros. La dette nette du groupe Maroc Telecom passe de 13,04 milliards de DH au 31 décembre 2017 à 17,2 milliards de DH au 30 juin 2018 en raison de la distribution de 5, 93 milliards de DH de dividendes aux actionnaires des différentes entités du Groupe. Pour rappel, la dette nette à fin juin 2017 s'établissait à 16 958 millions de DH. En effet, Maroc Telecom opte, principalement, pour un endettement courtermiste qui représente 88% de la dette nette de 2017 contre 77% en 2015 et 68% en 2010. Malgré cela, Maroc Telecom reste une valeur à faible volatilité, jouissant d'une rentabilité économique et financière nettement confortable avec un D/Y qui reste attrayant malgré l'importance des investissements. Toutefois, la rentabilisation de ces investissements ne devrait pas être rapide en raison des contraintes réglementaires et technologiques.