Quelles implications du «Pacte mondial pour la migration» sur les associations qui seront chargées de sa mise en œuvre ? Pour Fatimaezzahra Fassali, chargée de communication de l'association Rim Espoir et développement, qui œuvre, entre autres, en faveur des populations migrantes au Maroc, ce nouveau cadre « donnera encore plus de marge aux associations pour aider et défendre les droits des migrants ». Elle appelle de ce fait les autorités à faire preuve d'équité dans l'octroi des financements aux associations et la société civile à travailler de manière solidaire. Al Bayane : Quel bilan faites-vous de la politique migratoire du Maroc, après 5 ans de mise en œuvre? Fatimaezzahra Fassali : En cinq ans, on peut noter une nette amélioration du sort du migrant au Maroc. Les choses ne sont plus comme avant. D'ailleurs, l'opération de régularisation a été l'occasion d'améliorer la situation administrative et légale de plusieurs femmes et enfants qui sont les catégories les plus vulnérables. Cette régularisation a permis en outre à de nombreux migrants de pouvoir prétendre au marché du travail. L'association Rim Espoir et développement a dans ce cadre signé des conventions de partenariat dans le domaine de la formation professionnelle au profit des migrants, pour leur intégration dans les entreprises. Il y'a eu plusieurs autres évolutions, notamment au niveau de l'arsenal juridique. Une stratégie sur l'asile et l'immigration et la traite est mise en œuvre. On attend ce qu'il en sera pour la loi 02-03. Que pensez-vous du rôle du Maroc en matière de gestion migratoire, sachant qu'il est en charge de la question au niveau du continent africain? Aujourd'hui, il faudrait que le Maroc soit un bon pays d'accueil, puisqu'il n'est plus aujourd'hui uniquement un pays de transit ou qui exporte des migrants vers l'Europe. Il est un pays d'accueil pour de nombreux migrants. Je crois qu'il a fait d'énormes efforts. En adoptant la politique migratoire, on se disait que le Maroc sera coincé par la suite quelque part, puisqu'il va gérer une nouvelle situation aussi bien politique, économique que social. Mais grâce au travail entre les associations, le ministère des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration, des progrès ont été réalisés. Le ministère peut compter sur la société civile pour faire le travail sur le terrain. Et nous, nous transmettons au ministère les difficultés enregistrées, pour qu'il travaille à la mise en œuvre de lois, de programmes afin de bien installer une bonne gouvernance du contexte de la migration. Quelle est votre évaluation du Pacte mondial sur les migrations qui sera adopté les 10 et 11 décembre prochains à Marrakech? Malgré le retrait de quelques Etats de ce Pacte, moi je suis optimiste. Je pense que ne serait-ce qu'une idée peut amorcer d'autres. Même si le texte ne fait pas l'unanimité, je crois qu'il va apporter des droits aux migrants. Le Pacte va rassurer ce nouvel arrivé et qui a choisi de rester au Maroc par gré ou par la force des choses et leur donner plus de sens de stabilité et un soutien moral puisque leur situation aura une norme mondiale. Nous sommes en communication avec les migrants ; il suffit juste de leur parler positivement, pour qu'ils se sentent rassurés. Je crois que le Pacte va également contribuer à rendre les associations encore plus fortes dans leur travail. Elles auront encore plus de marge pour aider et défendre les droits des migrants. Dans toute politique, il y'a des lacunes. Peut être avec ce pacte, on ne va pas tout réussir dès le début, mais avec le temps, ça viendra. A mon avis, la question majeure est celle de savoir à quel degré les pays signataires vont s'impliquer pour venir en aide à ceux qui aident les migrants pour atténuer leurs souffrances. D'après le Pacte mondial sur la migration, ce sont les associations, les syndicats… qui seront chargés de sa mise en œuvre. Que pensez-vous des associations œuvrant dans le domaine de la migration au Maroc dont on a l'impression qu'elles avancent en ordre dispersé, et pourtant elles disent défendre une même cause? Nous ne pouvons pas travailler seuls. Ce n'est qu'ensemble qu'on peut réussir à défendre les droits des migrants. Telle association peut œuvrer dans le domaine du droit et la justice. Si elle rencontre des migrants qui ont des besoins de formation, elle peut les diriger vers une autre association qui œuvre dans le domaine de l'éducation. Elles doivent se souder. Les associations qui œuvrent pour la promotion des droits des migrants au Maroc sont confrontées à un autre défi, celui du financement des projets. On assiste à une inégalité à ce niveau. Certaines associations sont financées tandis que d'autres ne le sont pas. C'est un véritable problème. Faute de financement, face à des cas extrême de maladies, nous nous sentons limités pour aider les migrants. Parfois, nous présentons des projets et on obtient le tiers du financement. Comment pourra-t-on atteindre les objectifs du projet, avec un tel financement ? Généralement, nous faisons de grands lots de produits de première nécessité pour les migrants afin de les soulager et leur permettre de se concentrer sur autre chose, comme chercher un travail. Avec ces coupes de financement, on reste limité dans de pareils projets. Même au niveau du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) et de l'organisation internationale pour les migrations (OIM), on envisage qu'un budget soit donné à une association qui va coordonner tout le travail, ce qui est une discrimination vis-à-vis des autres associations.