S'achemine-t-on réellement vers une application ferme du principe de la reddition des comptes, tel que stipulé dans la Constitution marocaine? Tout laisse à croire qu'on s'apprête à s'y mettre pour de bon. Le dessaisissement de l'argentier du pays serait, à coup sûr, une mesure révélatrice de cette rigueur tant attendue. De même, dans la foulée de ce congédiement qui suscite un fort ébranlement dans la vie politique nationale, de hauts commis de l'Etat seraient déjà mis sur des sièges éjectables. Les pouvoirs publics, lassés et irrités par des tics en vrac dans la gestion des affaires publiques, à différents registres, semblent lancer le pavé dans la mare. D'autre part, les institutions coercitives qui, jusqu'ici, se la coulaient douce du fait de la complaisance ambiante, mettent la main à la pâte. En fait, aussi bien à la cour des comptes qu'aux divers services de rédhibition, les rapports fusent à des cadences accélérées pour épingler tel ou tel haut responsable de l'Administration ou encore de la Représentativité. La conjugaison des efforts de tous ces établissements de contrôle est en passe de démanteler, preuves à l'appui, le verrou des dépravations suspicieuses qui empestent les postes clés de l'exercice des fonctions. Nul n'est épargné dans ces opérations d'assainissement de grande envergure, à croire les coups d'épée de Damoclès tendus sur les cous des contrevenants. Des suspects présumés de la horde estampillée « intouchable », s'attendent vraisemblablement, à des limogeages, voire des poursuites judiciaires, conformément aux dispositions de la loi en vigueur. Toutefois, on craint fort bien que tout ce remue-ménage ne soit qu'un coup d'épée dans l'eau, ou encore « un bouillonnement dans un bol de farine » comme dirait l'adage de bien de chez nous. On se demandera sur la véracité et le jusqu'au-boutisme de cette lessive administrative et représentative dont la souillure pue de toute part. Ce n'est pas, en fait, les exemples qui manquent dans cette désillusion dont le peuple marocain a désormais l'habitude, au point de soustraire tout crédit à ce genre de manifestations démystificatrices, dans les rouages de l'Etat. Dès qu'on tombe sur un gros bonnet, on arrête Ipsos facto le procès pour aller voir d'ailleurs, pour une accointance proche de la haute sphère. Finalement, les vrais barons des affaires sulfureuses poursuivent leurs méfaits, dans l'impunité la plus totale. Certes, plusieurs hauts fonctionnaires sont dans le collimateur, notamment des responsables en service ou mis à la retraite. La dilapidation des deniers publics et le détournement de fonds dont ils sont responsables ne sont plus un secret pour personne. D'autres sont délibérément accusés de mauvaise gouvernance ayant occasionnés des déperditions budgétaires colossales. Devrait-t-on procéder à un revers de main par rapport à toutes ces escroqueries d'argent du peuple qui s'élèvent à des milliards de dirhams ? Il est paradoxal et inadmissible qu'un pays émergent comme le nôtre qui prétend plaider les valeurs de l'Etat du Droit et des Institutions, se permet encore d'outrepasser ses propres textes constitutionnels pour les beaux yeux des scélérats véreux et des malfrats mafieux, de quelque rang qu'ils soient!