Abdellah Bekalli,Président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), est catégorique: le CNP, fruit d'un long processus de consultations, se trouvera obligé d'apporter des éléments de réponses concrètes à plusieurs questions du secteur de la presse. L'enjeu principal consiste d'abord à combler un vide institutionnel, en raison de l'absence d'une instance centrale assurant une représentation institutionnelle des journalistes, des éditeurs et des professionnels du champ médiatique... Al Bayane : Quelles sont vos attentes par rapport au Conseil national de la Presse? Abdellah Bekalli : Il faut dire que les attentes sont multiples et énormes et ce, pour plusieurs raisons. L'enjeu principal consiste d'une part, à combler un vide institutionnel, en raison de l'absence d'une instance centrale assurant une représentation institutionnelle des journalistes, des éditeurs et des professionnels du champ médiatique d'une manière générale et d'autre part, à apporter des réponses à l'ensemble des problématiques que connait le champ médiatique national. Il ne faut pas oublier que cette institution est une revendication majeure du syndicat depuis plusieurs années. Ce mécanisme institutionnel pourra-t-il donc se substituer au ministère de tutelle? Evidemment, le département de tutelle ne dispose pas de moyens et d'attributions lui permettant de traiter l'ensemble des questions et pallier les défaillances entravant le développement de la scène médiatique nationale. Cet organisme institutionnel, fruit d'un long processus de consultations, se trouvera obligé d'apporter des éléments de réponses concrètes à plusieurs questions qui portent sur l'aspect déontologique de la profession ou les conflits du travail, la formation, l'élaboration des études entre autres. La réussite de cette institution est conditionnée par les moyens qui seront mis à sa disposition et l'engagement de tous les acteurs concernés. Estimez-vous que le CNP va contribuer à la régulation du champ journalistique? A mon avis, la régulation qui est un concept large, doit être entendu dans le sens de la réorganisation du secteur. C'est un point essentiel pour aller de l'avant et ce, loin de toute approche sécuritaire. Pour argumenter mes propos, je ferai allusion à une étude réalisée par le SNPM, indiquant que la majorité des personnes qui portent plainte contre les journalistes n'ont jamais demandé aux juges d'appliquer les peines privatives de liberté. Il se contentent d'un versement d'un dirham symbolique. Ainsi, je crois que le Conseil va, plus ou moins, libérer la justice d'une lourde charge de travail. D'ailleurs, le texte de loi dispose que le «Conseil exerce les missions de médiation et d'arbitrage, en ce qui concerne les litiges relevant du secteur de la presse et de l'édition». Comment allez-vous procéder au cas où un conflit se déclenchait entre un membre du CNP et l'entreprise pour laquelle il travaille? En principe, c'est le règlement intérieur du CNP qui devrait résoudre ce genre de question. Je ne pense pas que cela va poser problème. En fait, comme le montrent les expériences d'autres institutions étrangères, un membre en situation de litige avec sa propre entreprise serait dans l'obligation de suspendre momentanément ses activités et contraint de ne pas prendre part aux travaux de la commission de médiation et d'arbitrage, prévue à l'article 12 de loi. Déontologie oblige! Le CNP pourrait-il subvenir à ses besoins de fonctionnement en se contentant seulement des contributions des journaux, soit 1% des bénéfices et des aides de l'Etat? Il faut mobiliser les moyens financiers nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du CNP. Le financement du CNP devrait être intégré dans le budget de l'institution parlementaire. Ce mécanisme est indispensable pour assurer l'indépendance du Conseil et son autonomie par rapport au pouvoir exécutif et l'ensemble de institutions publiques comme c'est le cas, à titre d'exemple, en Belgique et au Canada.