Salaheddine Mezouar, qui a remporté les élections présidentielles de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) le 22 mai dernier,est-il à la bonne place ? Les avis divergent sur l'efficacité d'un homme connu beaucoup plus par sa casquette politique que celle d'un homme d'affaires.A-t-il été parachuté? De l'avis de Hamad Kessal, membre de la CGEM depuis 1995, la Confédérationa besoin d'un homme comme Mezouar compte tenu de sa bonne maitrise des rouages administratives et de la qualité de son carnet d'adresse. Pour lui, donner plus de visibilitéaux entrepreneurs et rétablir la confiance entre l'administration, l'entreprise et les citoyens sont les priorités. Abdelwahed Souhail, quantàlui estime quesi le nouveau président de la CGEM est un homme d'affaires, il dispose de toute la latitude de gérer l'organisation patronale. Néanmoins, Souhail s'interroge sur le degré de proximité ou d'éloignement et d'indépendance par rapport au pouvoir politique. Mohamed Chiguerconsidère pour sa part que l'élection de Mezouar entant que patron des patronsprête à la confusion entre le syndicat patronale et la classe politique. Abdelwahed Souhail, économiste, membre du BP du PPS «La CGEM a ses structures et ses statuts et continuera de jouer son rôle» La candidature de Mezouar à l'élection présidentielle de la CGEM a fait beaucoup de débat et de mélange de genre. Il a mené sa campagne et a été élu à la tête de la Confédération. La CGEM dispose déjà de ses structures et de ses statuts et continuera de jouer le rôle qui lui revient. Le problème qui se pose est de connaitre le degré de proximité ou d'éloignement et d'indépendance de la Confédération par rapport au pouvoir politique. Le nouveau présidentest un homme politique. S'il est aussi un businessman, il a toute la latitude de travailler dans un syndicat patronal. D'ailleurs, tous les hommes d'affaires font de la politique à travers les propositions soumises pour réviser le Code du travail, des propositions de lois ou des dispositions dans le cadre du projet de loi des finances et des prises de position dans certaines situations... Bref, il ne faut pas donner plus d'importance à l'élection de Mezouar à la tête de la CGEM. Cette dernière continuera de jouer son rôle ; chacun a son style. La présidente sortante, Meriem Bensalah,a fait du sien comme tous les autres présidents qui se sont succédés à la tête du patronat. On se rappelle du temps de Hajouji, de cette grande opération d'assainissement du patronat. Le mandat de Mezouar ne fait que commencer. Wait and see, on jugera sur pièce.
Hammad Kessal, membre de la CGEM et entrepreneur «Mezouar connait les rouages de l'administration» «C'est une bonne chose. Nous avions besoin de changer. La CGEM a besoin aujourd'hui d'un homme comme Mezouar». Hammad Kessalestime que le nouveau président du patronatconnait les rouages de l'administration parce qu'il était ministre à plusieurs reprises (industrie, finances, affaires étrangères). Il dispose d'un carnet d'adresses à l'international riche et peut donc jouer un rôle dans le rayonnement de la CGEM à l'étranger en termes d'attractivité des investissements et de recherche de nouvelles opportunités d'affaires. En plus, toute sa carrière est aujourd'hui dernière lui. C'est un challenge pour lui de réussir là où il ne l'a pas encore fait. «Je tiens ainsi à préciserque c'est juste du bénévolat et j'ai le sentiment qu'on donne à la CGEM une dimension plus que celle qu'elle mérite», précise-t-il. J'espère qu'avec lui, nous arriverons à départir à la confédération la même place que la Chambre française de commerce qui a le grand nombre d'adhérents. La CGEM doit retrouver la place qu'elle mérite dans l'échiquier économique et politique du pays. La confédération ne doit plus être considérée comme une boite à lettres qui sert à faire passer les revendications des entrepreneurs, mais une vraie force de propositions qui donne toute la chance à la PME/TPE. C'est la bataille à laquelle se heurte le nouveau président : celle de renforcer le rôle de la PME/TPE qui représente 90% du tissu industriel au sein de l'organisation patronale. S'il ne le fait pas, on sera obligé de créer la fédération de la PME/PMI, rétorque-t-il en substance. Le regain de confiance, la priorité des priorités Aujourd'hui, la priorité majeure pour Mezouar c'est le regain de confiance entre l'administration et l'entreprise. Il faut également la rétablir entre l'entreprise et le citoyen. C'est le mot d'ordre pour lutter contre la morosité et rétablir la confiance perdue. Cette affaire de boycott qui s'est déclenchée du jour au lendemainet dont on ne sait pas qui est derrière ce mouvement ni à qui sera le tour prochainement, a crispé le monde des affaires. Il faut donc rétablir cette confiance en premier lieu pour passer à d'autres actions. La CGEM est plein dedans dans la politique Pour Kessal, la casquette politique du nouveau président de la CGEM ne pose aucun problème. Il signale que tous les ex-patrons de la CGEM sont des hommes politiques. Tous les partis politiques sont représentés à la CGEM (USFP, Istiqlal, PPS...). D'ailleurs, il faut dire que dans le contexte actuel, il vaut mieux un homme qui n'a pas beaucoup d'engagement ni beaucoup d'affaires pour bien travailler. Le jour où la CGEM a décidé d'amener 8 parlementaires à la deuxième chambre, elle est plein dedans dans la politique. Je rappelle aussi que la deuxième vice-présidente de la chambre des conseillers est une représentante de la CGEM. Hassan Chami était proche de l'Istiqlal, Hajhouj de l'USFP et Alami du RNI...il faut juger les gens sur les actes et les résultats et non sur leurs appartenances politiques ou autres. On demande juste une meilleure visibilité et une reprise de confiance car la situation est loin d'être confortable, conclut-il.
Mohamed Chiguer : économiste «L'élection d'un homme politique va écorcher l'image de la CGEM» «Je me demande comment un homme politique peut présider une organisation patronale », s'interroge Chiguer. Si, Mezouar est déjà un entrepreneur et un capitaliste et aujourd'hui, à la tête de la CGEM le problème ne se pose pas. La confusion réside dans la situation contraire (ex chef de parti politique, ex ministre des finances et de la diplomatie étrangère) où la casquette politique l'emporte sur la casquette économique. Cette situation ne rend pas service à la CGEM dont l'image risque d'être écorchée du fait de la confusion entre le syndicat patronal et le dirigeant politique. Je n'ai rien contre lui. La question qui se pose est de savoir aujourd'hui quelle démocratie pour le syndicat patronal et quelle relation doit-il y avoir entre la confédération générale et l'administration et les autres départements ministériels ? D'ailleurs, je rappelle que c'est pour la première fois qu'un ministre et en même temps, un membre d'un parti politique soit élu à la tête de la CGEM au lendemain de la fin de son mandat au sein du gouvernement, à moins qu'il soit parachuté...