Prenant tout le monde de court et notamment ses adversaires politiques auxquels il ne laisse, désormais, que deux mois pour se préparer et profitant donc de l'affaiblissement de l'opposition mais aussi de la victoire ses troupes à Afrine en Syrie, le Président Turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré ce mercredi que les élections législatives et présidentielles se tiendront le 24 Juin prochain et non pas le 3 Novembre 2019 comme initialement convenu alors même qu'il avait, à plusieurs reprises, démenti les «rumeurs» d'élections anticipés. Ces élections se dérouleront donc à un moment où les rapports sont tendus entre la Turquie et l'Occident du fait des purges massives qui ont été lancées par Erdogan après le putch avorté de Juillet 2016 et après que le Parlement ait voté pour la septième fois consécutive l'extension de l'état d'urgence qui avait fait suite à cette tentative de coup d'Etat. C'est dire que le président turc s'est empressé de couper l'herbe sous les pieds de ses rivaux et notamment sous ceux de sa plus importante adversaire politique Meral Aksener, la «dame de fer», dissidente du Parti d'Action Nationaliste (MHP) qui s'est portée candidate aux élections présidentielles et qui, d'après plusieurs sondages, avait de très fortes chances de l'empêcher de recueillir les 51% de voix requis pour une réélection au premier tour. Et si le Chef de l'Etat Turc justifie sa décision de rapprocher la date des élections par la situation dans la Syrie voisine alors qu'Ankara mène une offensive contre les milices kurdes force est de reconnaitre, par ailleurs et comme l'a souligné Jana Jabbour, spécialiste de la Turquie au CERI/Sciences Po, qu'Erdogan entend ainsi «capitaliser sur le sentiment nationaliste de la population». Il convient de préciser, également, que ce double scrutin présidentiel et législatif sera notamment marqué par l'entrée en vigueur des mesures renforçant les prérogatives présidentielles adoptées lors du référendum constitutionnel d'Avril 2017, prévoyant notamment la disparition de la fonction de Premier ministre et conférant à Erdogan la possibilité de briguer deux nouveaux mandats présidentiels de cinq années chacun. Mais si les partis de l'opposition reconnaissent qu'ils ne s'attendaient pas à la tenue d'élections aussi rapidement, Kemal Kiliçdaroglu, le chef du CHP, a déclaré, néanmoins, être «prêts» à relever le défi et même à remporter le scrutin alors que le HDP de Pervin Buldan a, pour sa part, «promis de répéter la surprise causée par son parti lors des législatives de Juin 2015». Enfin, Meral Aksener, la présidente du Bon Parti (Iyi parti), une formation dissidente du parti nationaliste MHP, allié au Chef de l'Etat, longtemps donnée comme étant la seule capable de «tenir tête «à Erdogan et qui reste, pour le moment, la seule candidate face au président sortant pourrait être la grande perdante de ces élections puisque, faute de temps, son parti crée en Octobre dernier n'a, désormais, que très peu de chances de rester dans la course si bien que Recep Tayyip Erdogan apparait, pour l'heure, comme étant le grand favori de ces élections même s'il reste vrai, néanmoins, qu'il ne s'agit point là d'un «pari gagné d'avance». Alors, attendons pour voir...