«Le Maroc à la lumière des indices, rapports et classements mondiaux : Quels enseignements d'étape pour un développement national rénové»? C'est autour de cette question que des économistes ont débattu lors d'une journée d'étude organisée par la Fondation Ali Yata. Evidemment, cette grande thématique a amené les panelistes à s'arrêter sur les défaillances du modèle de développement du Maroc. Le consensus sur l'échec de l'actuel modèle est partagé. Pour l'économiste Driss Khrouz, les choix politiques et sociaux sont en inadéquation avec les choix économiques. «Le PIB et l'investissement public ont augmenté. Mais paradoxalement, le Maroc n'a pas suffisamment investi dans le social», a-t-il déploré. Il regrette que les différents plans sectoriels mis en place pour booster l'économie nationale n'aient pas permis au pays de s'inscrire dans un paradigme de développement. Le plan Emergence est une réussite, dit-il, mais il n'a pas favorisé la convergence. Pour Driss Khrouz, cette inadéquation entre les choix politiques et économiques pourrait s'expliquer par l'hétérogénéité des acteurs, l'absence de définition d'un agenda par les décideurs et plus globalement, le manque de synergies dans la mesure où les acteurs ont agi parallèlement et non pas en convergence. Ceci-étant, l'accroissement de l'investissement public et de la consommation intérieure n'ont pas permis de créer suffisamment d'emplois. Sur ce point, Driss Khrouz considère que l'économique marocaine, qu'il qualifie de statique, ne génère pas d'emplois en raison du bas niveau de la formation. Le politologue Abdelmoughit Tredano est du même avis. Pour lui, une formation de qualité est un ingrédient essentiel de la croissance. «Si nous n'avons pas un système éducatif performant, nous n'atteindrons pas le niveau de développement souhaité», affirme-t-il. Il s'agit là de «l'une des clés de réussite des quatre dragons d'Asie». Selon Tredano, la question de l'éducation reste politique. «Quel système veut-on ? Voulons-nous réellement une école performante à même de porter des projets de développement ?», s'est-il interrogé. La volonté politique a été fortement décriée par les intervenants qui estiment que les enjeux politiques immédiats ou de court terme priment sur les enjeux de long terme. Par conséquent, «la croissance marocaine n'est ni inclusive ni durable», pour reprendre l'affirmation de Driss Khrouz. A en croire les panelistes, le Maroc ne dispose pas réellement d'un modèle de développement. Pour eux, il ne s'agit que d'une expérience qui a montré ses limites. Mohamed Chiguer, président du Centre d'études et de recherches Aziz Belal (CERAB), a remis en question les fondements de la politique économique. «Les ratios sur lesquels se base la politique économique sont erronés puisque le PIB est sous-estimé. L'économie informelle et illégale n'est pas prise en considération. Par conséquent, les données sur la dette sont également fausses puisque le calcul est basé sur un PIB sous-estimé». Ceci-étant, les chiffres officiels «ne reflètent pas la réalité de l'économie marocaine», conclut Chiguer. Cela interroge aussi les intervenants sur le rôle de l'Etat. Driss Khrouz reproche à l'Etat d'hésiter entre une société administrée, un contrôle de fond, un libéralisme de façade et une économie dans laquelle il se donne l'image d'un Etat providence. Pour lui, le Maroc serait plus dans une situation d'Etat de contrôle avec des marges de manœuvre du politique très limitées. L'ambition des économies est celle d'une économie de marché, bénéficiant de synergies sectorielles et d'une plus forte implication des acteurs politiques. Cela implique une redistribution des pouvoirs avec l'adoption d'un agenda de développement.