Le procès du directeur de publication du quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum, Taoufik Bouachrine, semble parti pour durer. Après trois audiences, les avocats des deux parties n'ont pas encore débuté les plaidoiries. Quoique le démarrage effectif du procès n'ait pas encore eu lieu, le dossier n'a pas manqué de livrer quelques uns de ses secrets. Par exemple, une présumée victime a mandaté l'avocat de l'accusé pour la défendre! Lors de la dernière audience en date, celle du jeudi 29 mars, il a fallu attendre la fin de la séance, qui a duré plus de 5 heures, pour que le juge appelle enfin l'accusé à la barre pour vérifier son identité et lui présentera l'acte d'accusation. Cette étape préliminaire a été retardée de plusieurs heures à cause des mésententes entre les avocats autour des questions de forme. Tout d'abord, un débat de plus de deux heures sur la conformité d'un certificat médical, ensuite un débat de plus d'une heure à propos de la date de report du dossier… Les avocats se sont mis à décider à la place du juge! Ceux des plaignantes et témoins ont fait des pieds et des mains pour éviter une audience au cours de la semaine prochaine (du lundi 2 au vendredi 6avril), prétextant des engagements professionnels se rapportant à la corporation, notamment des conférences internationales. Le juge semblait avoir du mal à les départager. Le temps s'écoulait inexorablement et l'audience butait devant cette entrave d'ordre professionnelle. Ce qui a poussé le bâtonnier Abdellatif Bouachrine, à arbitrer entre ses confrères, proposant la date du 12 avril. Ce qui a été rejeté par le juge. Devant cette impasse, le juge Bouchaib Farih a décidé sur demande de la défense de l'accusé, pour des raisons de santé de reporter le procès au jeudi 5 avril. Après avoir procédé à la lecture de la liste des plaignantes et témoins qui devront comparaître lors de la prochaine audience, à la surprise générale, la «présumée victime» Amal Houari n'y figurait pas. Etonnée, l'avocate des parties civiles, Me Amina Talbi, a interpellé la Cour. «Monsieur le juge, on aimerait bien savoir pourquoi Amal Houari ne figure pas sur la liste des parties civiles devant se présenter devant vous lors de la prochaine audience», s'est elle exclamée avant que le bâtonnier Me Mohammed Ziane ne s'emporte : «celui qui va réévoquer le nom de Amal Houari dans ce procès fera l'objet d'une poursuite judiciaire. Elle m'a mandaté personnellement pour défendre ses droits», provoquant l'ire des avocats des parties civiles. A propos de la non citation de ladite «présumée victime», Me Amina Talbi nous a confié qu' « il s'agit d'une aberration». «J'ai alerté le tribunal parce qu'il faut mettre les témoins sur un même pied d'égalité. Elles doivent toutes se présenter devant le tribunal car leurs déclarations ont été rapportées dans un procès verbal officiel». «Dans le cadre de sa re-convocation, le tribunal dispose de toutes les prérogatives pour le faire. Et je crois que l'un des avocats des plaignantes a déjà payé 500 Dhs de droits d'enregistrement pour la présenter en tant que partie civile, ce qui signifie l'existence d'un mandat ad litem», a-t-elle déclaré. Interrogé à ce propos, le bâtonnier Me Ziane a affirmé qu'Amal Houari «n'a jamais mandaté quelqu'un pour la défendre, parce qu'elle n'a jamais eu de relation avec cet homme (Taoufik Bouachrine)». Ziane a assuré dans ce sens qu'«il a envoyé un courrier au procureur général pour lui signifier que la «présumée victime» a retiré sa plainte». «Elle n'a jamais constitué, de sa propre initiative, quelqu'un pour porter plainte en son nom contre Bouachrine», a-t-il soutenu. Bien que les avocats des deux parties affichaient leur volonté de débuter le procès devant les micros des sites web, deux chefs de file des équipes de défense des deux parties nous ont confié sous couvert d'anonymat qu'ils ne veulent pas se précipiter et préfèrent laisser la partie adverse faire des faux pas. Retarder le démarrage effectif du procès fait donc partie de la stratégie de défense des deux parties, et augure d'un enlisement de ce procès qui tient en haleine l'opinion publique!