Toutes les régions marocaines au climat désertique souffrent de deux contraintes imposées par mère nature. Si Zagora a bien pu gagner sa lutte contre la première, la désertification, et freiner son avancement, sa bataille pour la conservation et la juste répartition des ressources hydriques est toujours d'actualité. Cet objectif est retardé par un intrus qui a trouvé son chemin dans les terres arables de Zagora : la pastèque. Reportage sur les lieux d'une contrée où il est difficile de faire entendre la voix de la raison à ceux aveuglés par l'appât du gain. Bien que la rareté de l'eau soit une donnée inhérente au quotidien des régions désertiques du Royaume, les citoyens les plus pessimistes de Zagora ne présageaient pas qu'ils allaient devoir payer de l'argent pour s'approvisionner en eau potable. Dans le souci de découvrir qui a bien pu faire basculer cet équilibre fragile, nous nous sommes déplacés dans cette ville, avons rencontré sa population et avons essayé de réunir le maximum d'informations pour pouvoir déceler là où le bât blesse. De leurs dires, leurs témoignages, un suspect ressort en force. Il est défendu par la communauté des agriculteurs, mais n'est certainement pas désinculpé par la population locale. Tout est né de l'idée peu atypique, voire saugrenue, d'un agriculteur local qui pensait que planter un fruit qui consomme 10 m3 d'eau par jour et par plante (oui, aucune erreur typographique là-dessus) allait multiplier ses gains. En 2013, il y procède et récolte une somme satisfaisante. Le regard moqueur de ses congénères se dissipe et fait place à l'appât du gain. Comme à l'habitude de tout business qui a prouvé son rendement, le monde l'a copié. La seule nappe phréatique potable de la région s'est devenue l'objet de toutes les convoitises. Mais qu'en est-il de l'état d'approvisionnement en eau potable actuellement ? Heureusement, la population y a accès. Le 25 octobre dernier, en récupérant le souffle dans un café local après un long voyage, nous passons commande. Sans rien exiger, le serveur dépose une bouteille d'eau potable d'un litre et demi sur la table. Intrigués, notre premier réflexe fut de lui poser la question autour de l'accessibilité à cette denrée, présumée rarissime si l'on croit le déferlement de news qui noient le Maroc depuis un temps déjà. Le premier fil d'Ariane livré par notre hôte est que l'eau potable est bel et bien disponible moyennant 1 dirham pour les 5 litres, prix facturé par ses livreurs en triporteurs, en attendant que la crise passe. Dans les robinets, l'eau est présente. Elle contient cependant une concentration de sel qui peut atteindre les 10 grammes par litre. Quoique non potable, elle sert les ménages dans leurs besognes quotidiennes. A l'heure actuelle et grâce aux efforts conjoints du Secrétariat d'Etat chargé de l'Eau et de l'ONEP et aux forages auxquels ils ont procédé, l'état hydrique de la région n'est plus aussi critique comme on peut le penser. La station de dessalement d'eau de la ville, chantier que nous avons pu visiter, devra être opérationnelle l'année prochaine et contribuera activement à la résolution du problème. Zagora est bien sûr une région à l'économie agricole, mais cela ne pourrait se faire aux dépends de la satisfaction des besoins de sa population en eau potable. Tous s'accordent pour dire que leurs terres donnent vie à des denrées qui consomment une quantité raisonnable d'eau, et que la pastèque, cette goutte d'eau qui a fait déborder le vase, conditionne dangereusement l'autosuffisance hydrique de Zagora.