Saisie par l'opposition, la Cour Suprême du Kenya avait invalidé le 1er Septembre dernier les résultats des élections présidentielles qui s'étaient tenues le 8 Août et qui avaient conféré la victoire au président sortant Uhuru Kenyatta par 54,27% des suffrages exprimés contre 44,74% pour son rival Raila Odinga. Dés l'annonce des résultats, le 11 Août, des émeutes avaient éclaté principalement dans les bidonvilles de Nairobi et dans certaines localités de l'Ouest du pays. Violemment réprimées par la police ces échauffourées se soldèrent par la mort d'au moins 21 personnes dont un bébé et une fillette de neuf ans ; un niveau de violence bien inférieur, néanmoins, à celui enregistré lors des élections de 2007/2008 qui avaient fait plus de 1.100 morts. Contestant devant la Cour Suprême du pays les résultats de l'élection du 8 Août, les avocats de l'opposition avaient apporté des preuves attestant que le processus de compilation et de vérification des résultats avait été marqué par des erreurs et par des incohérences «délibérées» dont le but évident était de favoriser le président sortant et de nuire au candidat de l'opposition. S'étant donc rangée du côté de l'opposition, la Cour Suprême du Kenya qui avait alors ordonné la tenue d'une nouvelle élection présidentielle dans un délai maximum de soixante jours a fixé cette nouvelle consultation au 26 Octobre. Or, ce 10 Octobre, un nouveau coup de théâtre a pris de court aussi bien l'opinion publique kényane que la communauté internationale : le candidat de l'opposition Raila Odinga a annoncé son retrait de l'élection présidentielle après avoir été convaincu «que l'élection prévue le 26 Octobre sera pire que la précédente». Mais pourquoi donc un tel revirement alors que tout paraissait aller pour le mieux et que la démocratie dans ce pays d'Afrique semblait être en train de gagner des points ? Pour l'invalidation du scrutin du 8 Août dernier les avocats de l'opposition avaient dénoncé sa gestion par la Commission électorale (IEBC) et demandé, en conséquence, une profonde réforme de cette instance ainsi que l'éviction de plusieurs de ses membres. Or, constatant qu'il n'en fut rien, le leader de l'opposition, Raila Odinga qui, en se retirant du scrutin du 26 Octobre laisse seul dans la course un président sortant qui, à ce titre, pourrait être désigné «vainqueur de fait» déclara : «Nous sommes arrivés à la conclusion que l'IEBC n'a pas l'intention d'entreprendre les changements au niveau de ses opérations et de son personnel pour garantir que les «illégalités et irrégularités» qui ont conduit à l'invalidation du scrutin du 8 Août ne se reproduisent pas». Lui emboitant le pas, l'un de ses bras droits, le sénateur James Orengo a appelé à des manifestations dès le lendemain avec pour mot d'ordre : «Pas de réforme, pas d'élections !» alors que le Président sortant, en meeting à Voi pour trois jours, a déclaré que ce scrutin allait se dérouler avec ou sans la coalition de l'opposition. Ainsi, le Kénya qui, jusqu'au mois dernier s'était démarqué d'une grande partie de ses voisins africains et avait donné de lui l'image d'une Nation ayant emprunté la voie de la démocratisation semble, à présent, être sur le point de rebrousser chemin. Espérons qu'il n'en sera rien et que le 26 Octobre prochain, les Kényans accompliront leur devoir civique dans la sérénité pour le plus grand bien du pays, de l'Afrique et du monde.