Les émissions et les articles de presse traitant de crimes font de l'audience. Or, «le traitement médiatique des affaires judiciaires et l'obligation de respecter de la présomption d'innocence par les médias n'est pas respectée», de l'avis des participants à une journée d'étude organisée par la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) sur ce thème évocateur. Le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, Mustapha Ramid, rapporte de «graves violations» de la présomption d'innocence. Pourtant, «ce principe constitue la colonne vertébrale du système judiciaire, au regard des conventions internationales, des dispositions constitutionnelles et du Code de la procédure pénale». A l'origine de ces violations, «le chevauchement entre le droit à la liberté d'expression et le droit à la présomption d'innocence», a-t-il déploré. Le ministre pointe la complicité de certains services officiels qui violent le secret de l'instruction. Il avait d'ailleurs adressé une circulaire aux parquets pour ouvrir des enquêtes sur toute divulgation des éléments d'enquête. A l'époque, il était au département de la Justice. Aujourd'hui, il reconnait qu'il n'y a pas eu le courage d'enquêter sur ces violations du principe de présomption d'innocence. Les médias endossent aussi une part de responsabilité. Le nouveau ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, puise dans le Code de la presse, notamment son Article 75, pour rappeler que toute publication est interdite lorsque les procédures judiciaires sont en cours. En effet, «cette disposition interdit de rendre compte, sans l'autorisation du tribunal concerné, de tout procès en diffamation ou injures ainsi que des débats de procès relatifs au statut personnel, notamment ceux en déclaration de paternité et en divorce», a rappelé Aujjar. Rappelons aussi que la publication des débats de procès d'enfants ou les procès où sont impliqués des mineurs est également interdite lorsque l'identification des enfants est possible. Visiblement, cette interdiction constitue le dernier souci des médias. Mustapha Ramid se rappelle du cas d'une chaine de télévision publique qui avait diffusé une émission permettant facilement l'identification des enfants, alors que son département l'avait interdite. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres. Pour faire face à ces violations, la HACA compte actualiser sa recommandation relative à la couverture des procédures judiciaires. Pour sa présidente, Amina Lemrini El Ouahabi, la révision de cette recommandation est indispensable pour accompagner l'évolution du paysage médiatique et répondre aux nouvelles dispositions constitutionnelles, notamment l'Article 23, qui garantit le principe de présomption d'innocence. La recommandation de la HACA remonte en fait à 2005. «Sa révision est déjà en cours», a indiqué la patronne de la HACA, qui a également fait savoir qu'une commission consacrée à la présomption d'annonce a été créée au sein de son institution. Reste à réviser les cahiers des charges pour responsabiliser davantage les médias. La présidente de la HACA n'écarte pas une réforme de ces cahiers des charges à la lumière de la loi 66-16, qui modifie et complète la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle.