L'Australie a porté jeudi pour la première fois une femme à la tête du gouvernement, Julia Gillard, après l'éviction surprise au sein du parti travailliste de Kevin Rudd dont la popularité s'était récemment délitée. Julia Gillard, une ancienne avocate de 48 ans à l'accent australien bien marqué, a remporté les voix des parlementaires travaillistes rassemblés pour désigner un successeur à Kevin Rudd. Julia Gillard, qui assumait depuis 2007 les fonctions de vice-Premier ministre, a prêté serment jeudi lors d'une cérémonie organisée quelques heures seulement après ce «putsch» au sein du parti travailliste, dont Kevin Rudd avait récemment abandonné la direction. «J'ai demandé à mes collègues d'apporter un changement en termes de leadership, car je crois qu'un bon gouvernement était en train de s'égarer», a-t-elle dit. «Je n'allais pas demeurer les bras croisés». «Je me sens très honorée», a-t-elle déclaré à la presse à sa sortie du Parlement à Canberra. Elle a toutefois admis qu'elle n'avait «pas été élue par le peuple australien» et qu'elle demanderait «dans les prochains mois au gouverneur général de convoquer des élections de façon à ce que les Australiens puissent exercer leur droit originel et choisir leur Premier ministre». Ce coup de théâtre au sein du parti travailliste a pris tout le monde de court, experts compris. «La vitesse des changements opérés est hallucinante», a admis la politologue Elizabeth van Acker. «Hier à la même heure, rien n'augurait d'un tel scénario». Le ministre des Finances Wayne Swan, qui jouit d'une forte popularité pour son rôle durant la crise financière mondiale, deviendra vice-Premier ministre. Surnom : «Harry Potter» Elu en 2007, Kevin Rudd avait mis un terme à plus d'une décennie de pouvoir du conservateur John Howard. Cet ancien diplomate au visage poupin, surnommé «Harry Potter» à l'intérieur de son propre parti, avait alors permis à son camp de remonter des abîmes. Et sa popularité restait forte il y a quelques mois encore. Mais sa cote a pâti de récents choix politiques des travaillistes: l'abandon du plan carbone alors que Canberra se voulait en pointe du combat contre le réchauffement climatique et le projet controversé de taxe sur les superprofits des groupes miniers. Jeudi, Julia Gillard justement a pris le contrepied de son prédécesseur en annonçant la réactivation du plan carbone. Kevin Rudd, 52 ans, est devenu le premier chef de gouvernement australien à être évincé depuis 19 ans. Son prédécesseur, Bob Hawke, avait été écarté en 1991. «J'ai été élu par le peuple australien comme Premier ministre de ce pays (...) et j'ai vraiment fait de mon mieux», a-t-il déclaré, manifestement très ému, au cours d'une conférence de presse d'adieu aux côtés de sa famille. Néanmoins la première présidente femme de l'Australie été la cible d'attaques de l'opposition sur sa gestion d'une enveloppe de 16 milliards de dollars australiens (11,38 milliards d'euros) consacrée à la réfection et à la rénovation des infrastructures scolaires dans le cadre des mesures de soutien à l'économie. Mais ces attaques n'ont pas écorné la popularité de cette femme, qui participait également au «kitchen cabinet» de Kevin Rudd, un cabinet restreint à quatre où se prenaient les décisions stratégiques depuis la victoire des travaillistes en novembre 2007. Considérée de longue date comme l'héritière de Rudd, elle a longtemps assuré qu'elle ne tenterait pas de le déloger de la tête du parti.