La saison scolaire touche à sa fin, après les derniers examens de ce long parcours. Sous le mot d'ordre national «Ensemble pour l'école de la réussite», le plan d'urgence qui s'étend de 2009 à 2012, prôné par le département de tutelle pour combler les retards de la charte nationale de l'éducation et de la formation dont les échéanciers prennent fin en 2010, entre en vigueur à l'entame de la saison scolaire en cours. Il est également bien connu que l'Etat a débloqué un budget additionnel pour financer ce programme palliatif en termes de mise à niveau des infrastructures scolaires, de dotation en équipements didactiques, de renforcement des bourses d'internats et de cantines, de soutien social au niveau des cartables et uniformes, de mise en place de réseaux de transport scolaire…Des fonds supplémentaires sont alors alloués en vue de réactiver la machine du système scolaire qui constitue, en fait, l'une des priorités nodales des projets de développement de notre pays. Cet effort non négligeable permettra, sans doute, d'atténuer les effets de la misère qui accompagne, depuis longtemps ce secteur, toujours au stade de l'expectative. Cependant, suffit-il, dans les circonstances actuelles, d'injecter quelques dizaines de millions de dirhams dans les cellules fondamentales du corps scolaire pour espérer le décollage effectif de notre enseignement ? Il est vrai que, compte tenu des diagnostics alarmants du conseil supérieur de l'enseignement, les résolutions dégagées ont particulièrement mis l'accent sur les pénuries budgétaires qui entravent foncièrement la vie scolaire sous ses divers angles. Les panacées urgentes sont donc allées droit vers la résorption des carences matérielles par le truchement de budgets sectoriels. Pour ce faire, il a été décidé de mettre en place dans chaque établissement scolaire des structures associatives dans le but notamment de réussir l'opération de «un million de cartables», à travers le royaume et, partant, d'assurer la réussite totale de la première génération du plan d'urgence, à partir de l'année d'entrée au primaire, en favorisant la scolarité des bas âges et évitant le décrochage scolaire par la suite. On ne peut alors que louer la promptitude et la sagacité de toutes ces mesures qui ont fait l'objet de longues et larges consultations au niveau des constituantes de la famille de l'éducation et de la formation. Toutefois, il faut bien dire que nombre de dysfonctionnements persistent encore dans la vie scolaire quotidienne. On citera dans ce sens la problématique du directeur de l'établissement scolaire primaire qui se consacre à des tâches aussi bien multiples que rudes. Ce directeur, en particulier quand il se retrouve avec plus de 1000 élèves dans son établissement souffre le calvaire, à lui seul: il est en même temps responsable de l'école, balayeur, gardien, jardinier...Toutes ces tâches tombent comme des fardeaux sur le directeur qui, en plus, est appelé à utiliser ses propres moyens (son véhicule, ses poches...) pour faire des va-et-vient à des dizaines de kilomètres afin de se rendre à la délégation préfectorale ou autres et transporter la paperasse administrative, mais aussi des colis parfois lourds et délicats. Toute cette mission dépasse de loin les capacités et les prérogatives du directeur, moyennant une modique indemnité ne dépassant pas 1200 DH. Certes, le ministère de tutelle a prévu ce que l'on appelle des directeurs adjoints, mais malheureusement, ce poste s'ajoute à la profession initiale et reste sujet à beaucoup d'amalgames peu clairs. On ne comprendra pas pourquoi le département de l'éducation nationale s'acharne à faire endurer aux directeurs du primaire du martyr, alors qu'il ne cesse de prétendre s'atteler à promouvoir «l'administration éducative» et porter un intérêt particulier aux élèves de bas âges. Le directeur du primaire reste, en fait, le maillon faible de toute la chaîne scolaire qu'il faudrait renforcer et dynamiser dans les brefs délais. On ne peut alors espérer le décollage de tout le système de l'enseignement sans revoir en profondeur le statut et la position du directeur du primaire, en relevant ses indemnités selon les effectifs à charge, en le dotant de toute la logistique nécessaire, des ressources humaines administratives suffisantes et des conditions infrastructurelles idoines. En effet, les réformes préconisées depuis l'amorce de cette dernière décennie consacrée à la charte ont démontré, outre les déphasages enregistrés entre les réalités et les ambitions, leurs limites en termes d'intégration effective des apprentissages dans le système développemental de la nation. Autrement dit, à côté des déficiences cumulées au niveau de la sécrétion des valeurs chez les apprenants en position conflictuelle par rapport à la société, les contenus curriculaires pour de meilleures adaptations aux profondes mutations sociétales aspirant au projet démocratique et moderniste ne répondent guère à ces changements opérants. On tentait de précipiter les meilleurs taux de scolarisation parmi les enfants, particulièrement en milieu rural, dans un souci, certes, de lutter contre l'illettrisme, mais sans tenir compte des enjeux décisifs des qualités assignées et des adaptations aux exigences de l'emploi. Les dysfonctionnements ne tardaient pas de révéler encore une fois le désintérêt dont souffre l'enseignement technique, en tant que fer de lance dans un pays comme le nôtre résolument tourné vers l'essor des réseaux économiques, la profusion des disparités criantes entre les apprenants dont l'ascension pyramidale est défaillante, la croissance des déperditions scolaires, la dégradation du niveau d'assimilation et la détérioration de la vie scolaire face à ces faillites et les situations d'embrouillement dans lesquelles se débat le corps enseignant dont les mouvements de protestation, légitimes du reste, perturbent et affectent pareillement le déroulement des cours. Au regard de toutes ces irrégularités, il est loisible d'avancer qu'il ne s'agit pas seulement de résumer la misère de l'enseignement en terme budgétaire, mais, aussi et surtout, en terme de choix et d'orientations politiques susceptibles de proscrire les inégalités, de produire des générations fortement armées capables de relever les défis de notre nation émergeante, de valoriser la recherche scientifique et l'enseignement technique…Il est bien clair que l'argent ne fait pas le moine.