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Les finances publiques sont une chose trop grave…«Rien n'est certain dans ce monde, à part la mort et les impôts» (Benjamin Franklin )
Publié dans Albayane le 27 - 03 - 2012

Les finances publiques, en rapport avec la réallocation des ressources et la sphère de la répartition en général, sont le plus souvent impliquées dans les bouleversements qui jalonnent l'histoire des peuples. La révolution française en est l'illustration. « 89 ne couronne pas un siècle pauvre, mais éclate au contraire à la fin d'un siècle riche, dans un pays riche (…)
Mais on aurait tort d'en déduire que tous les français sont également bénéficiaires du mouvement économique du siècle. C'est le contraire qui se produit. La hausse des prix agricoles et celle, plus forte encore, des fermages, avantage d'abord et par excellence la propriété foncière et la rente seigneuriale. » Et François Furet et Denis Richet d'ajouter : «Toute une pensée réformatrice du siècle rêve de l'impôt foncier unique, proportionnel au revenu. Mais le roi refuse de sacrifier «sa» noblesse. Ainsi la crise financière de l'Ancien régime prend sa dimension véritable : c'est la crise d'une société». (La révolution française- Pluriel).
Le Maroc du XIXème siècle a connu aussi une crise sociétale aigue associée à l'impôt et à l'endettement du pouvoir central. Mais, à la différence de la française qui a débouché sur la révolution de 1789, la marocaine a pris une nouvelle tournure en 1912 avec l'avènement de la colonisation et l'instauration du protectorat français. L'Etat, affaibli et complètement défaillant, n'inspirait plus confiance Les deux principales sources de son financement étaient devenues problématiques. La dette d'obédience étrangère hypothéquait l'avenir du pays qui voyait sa souveraineté se rétrécir de plus en plus et son indépendance mise en péril. De par les conditions contractuelles, les créanciers étrangers se chargeaient du recouvrement des droits de douane et privaient, ainsi, l'Autorité centrale d'une partie non négligeable de ses recettes fiscales stables tout en la pressant à s'endetter encore plus, S'agissant de l'impôt, il est devenu dans la mémoire collective marocaine, synonyme de répression et de violence. Le Pouvoir central, organisait régulièrement des méhallas pour persuader les tribus rebelles qui ne supportaient plus la pression fiscale à se conformer à ses exigences. Souvent, il lui arrivait de lâcher du lest pour que la source
fiscale ne tarisse pas. En effet, lorsqu'il ne se sentait pas en mesure de récupérer le manque à gagner et d'imposer en conséquence, ses conditions, il se contentait de l'allégeance des tribus qui lui tenaient tête et de leur engagement à continuer à s'acquitter d'un impôt moins contraignant. C'est ainsi que le Maroc a été divisé en deux zones : bled Siba d'un côté, qui jouissait d'une large autonomie et bled El Makhzen de l'autre, qui relevait de l'Autorité centrale. Avec le Protectorat, cette division sera abolie et remplacée par une autre qui consistait à distinguer le Maroc utile du Maroc inutile.
Dans les centres urbains qui relevaient de bled El Makhzen, nombreux étaient les contribuables potentiels constitués pour l'essentiel par des commerçants qui usaient de la protection des consulats des puissances étrangères pour se soustraire à leur devoir de citoyen. Ces protégés bénéficiaient d'une «exonération fiscale» de fait. Ce rapport à l'impôt a fortement marqué la mentalité marocaine. Jusqu'à aujourd'hui, la double nationalité, par exemple, est très recherchée par l'élite notamment. Les cinquante premières années de l'indépendance n'ont pas dissipé les craintes du Capital local, loin s'en faut. L'Etat n'hésite pas à recourir à des pratiques archaïques traumatisantes qu'on croyait révolues. C'est le cas du « tatrik »qui avait fait irruption dans la dernière décennie du siècle dernier sous le nom de « campagne d'assainissement ». El Makhzen a, ainsi, continué à entretenir un rapport violant à l'argent. L'impôt n'est pas perçu en tant qu'expression de citoyenneté et d'appartenance à une collectivité, mais plutôt en tant que moyen de pression et de répression. Face à cette violence, la fraude, l'évasion fiscale et la corruption se sont substituées au Siba et au phénomène des protégés. Plus de 60% des entreprises marocaines déclarent un déficit. Tout un pan de l'économie marocaine échappe à l'impôt soit légalement en bénéficiant des exonérations dans le cadre de l'incitation à l'investissement notamment ou suite à une décision politique (Agriculture), soit illégalement comme c'est le cas de l'informel. Se sont les maillons faibles qui supportent l'essentiel de la pression fiscale en l'occurrence les salariés, soumis au prélèvement à la source, et les consommateurs, obligés à s'acquitter de la TVA lors de l'achat d'un bien ou d'un service.
Le système fiscal marocain est ainsi source d'injustice, de ressentiment et de mécontentement (je suppose que c'est le cas aussi des systèmes tunisien et égyptien).Les moins lotis soupçonnent l'Etat de partialité et lui reprochent son atermoiement et son hésitation à le réformer pour le rendre plus équitable. Paradoxalement, les riches enfoncent le clou. Ils contestent son instabilité (des réajustements sont introduits à chaque loi de finance) qui affecte la visibilité des investisseurs et le considèrent peu pertinent, d'une efficacité douteuse et le plus souvent contre productif. A force de suspecter l'Administration, le Capital local, devenu très méfiant, a développé un comportement marqué par une tendance à l'attentisme et à la recherche du gain rapide et facile,
Progressivement le pays s'est installé dans une «médiocratie» déconcertante. Dans ce contexte, la spéculation, la rente et «el hamza» ont fait perdre à la société marocaine sa tête et ont pris en otage l'économie nationale.
Le Programme d'Ajustement Structurel (PAS), mis en oeuvre dans les années 80 du siècle dernier sous les auspices du FMI, a constitué un autre tournant dans l'histoire du Maroc et dans celle des pays de la région notamment de la Tunisie et de l'Egypte.
Asphyxiés par un surendettement excessif, les Etats de cette région étaient sur le point de se déclarer en cessation de paiement à l'instar d'autres pays de l'Afrique subsaharienne et de l'Amérique du Sud. Sans l'intervention vigoureuse du «consensus de Washington» représenté par sa force de frappe le FMI, le système financier international, principal créancier de ces Etats, était menacé de l'écroulement sous l'effet d'une crise systémique. C'est ainsi que le Capital financier, qui a trouvé dans le reaganisme et le thatchérisme ses alliés stratégiques, s'est servi d'un organisme international aussi prestigieux que le FMI pour faire d'une pierre deux coups : s'assurer de la solvabilité de ses emprunteurs d'une part, et faire de sa pensée ultralibérale une pensée unique à travers les conditions exigées par cet organisme pour renflouer la trésorerie de ces derniers, d'autre part.
Les mesures drastiques imposées ont généré un coût socio-économique sans commune mesure avec le coût de la dette. La pauvreté a pris des dimensions inquiétantes et la classe moyenne a été purement et simplement laminée. Bref, la cohésion sociale a été touchée dans ce qui constitue son noyau dur à savoir le sentiment d'appartenance. L'école publique a été abandonnée, le secteur de la santé a été délaissé et l'infrastructure de base totalement ignorée. L'enclavement de la campagne s'est d'avantage renforcé et les villes se sont fortement ruralisées. Le développement a été banni comme concept du discours officiel. L'Etat, lui-même, a été sacrifié sur l'autel d'une soi-disant économie de marché. Son désengagement qui est, à vrai dire, une démission qui ne dit pas son nom, n'a pas eu pour effet un engagement du Privé en raison de la défaillance de ce dernier. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a. Le pays s'est trouvé du jour au lendemain abandonné à son sort.
Le Maroc a annoncé officiellement la fin du PAS en 1993 et ce, dix ans après son entrée en vigueur (la Tunisie et l'Egypte à des dates différentes).Le risque de solvabilité a été ainsi écarté, mais cette annonce ne signifie pas pour autant que l'Etat marocain est sorti de l'auberge et que le pays a retrouvé le chemin du développement, au contraire. La société marocaine de l'après PAS n'a rien de commun avec celle de l'avant PAS. Désenchanté, le marocain est désespéré, ne rêve plus et n'a plus confiance dans la politique .Une seule et unique idée le taraude : prendre le large en tentant «lahrik» ou en profitant de l'« immigration sélective » qui voit dans la fuite des cerveaux une aubaine. La diaspora marocaine compte aujourd'hui plus de 10% de la population totale.
L'élite aux commandes qui aurait dû mettre à la disposition du citoyen marocain le fil d'Ariane pour le faire sortir du labyrinthe du désespoir a préféré insulter l'avenir en lui tournant le dos. La récurrence des émeutes qui ont éclaté ici et là au cours des trente dernières années et qui ont été le prélude au « printemps arabe » ne l'ont pas inquiété outre mesure. Forte du soutien étranger dont elle est inféodée, cette élite ne lésinait pas sur les moyens pour domestiquer les contestataires potentiels et rendre docile son opposition. Elle s'est ingéniée pour faire basculer la société dans l'abîme de l'atavisme et des valeurs rétrogrades. A l'image de la mauvaise monnaie qui chasse la bonne, le vice a rendu la vertu caduque. Parallèlement, cette élite faisait le plus souvent fi des droits de l'homme en usant d'une manière démesurée de la répression pour mater les manifestations et étouffer toute aspiration au rétablissement de la dignité humaine.
Par ailleurs, la fin du PAS ne s'est pas traduite par la reconquête de la souveraineté nationale. Certes, les Etats de la région disposent d'un peu plus de marge de manoeuvre, mais ils ne sont pas maîtres de leur destin contrairement à la Malaisie, par exemple, qui a claqué la porte au nez du FMI lors de la crise du Sud-est asiatique de la fin du siècle dernier.
Ces pays n'ont pas tiré les leçons qui s'imposent d'une expérience aussi douloureuse que celle du PAS pour changer de cap et mettre en oeuvre une politique alternative qui renforce la souveraineté nationale, réconcilie l'élite avec son peuple et réhabilite l'Etat. Il n'y a pas un seul pays, parmi ceux qui ont fait appel au FMI, qui fait partie aujourd'hui du peloton des émergeants. Le Mexique, l'Argentine, l'Indonésie et j'en passe continuent à traîner les séquelles de l'intervention du FMI et à souffrir des « dégâts collatéraux » de ses recommandations. Le « printemps arabe » ne peut l'être effectivement que s'il arrive à faire fleurir le patriotisme économique, à éclore le bourgeon du génie national et à faire souffler une brise de confiance.
Pour le moment, rien n'indique que la Tunisie, l'Egypte, et à fortiori, le Maroc s'acheminent vers la construction d'un modèle du terroir. Or, sans cette construction, la dignité restera un vain mot. La démocratie n'a aucune chance de prendre dans le cadre des politiques en vigueur dans les trois pays qui sont en fait une duplication d'une seule et unique politique, celle d'inspiration ultralibérale que commercialise le FMI. Ces politiques sont celles qui ont prévalu pendant la mise en application du PAS avec quelques réajustements destinés à atténuer les effets de ce programme sur le social.
On continue à ériger la démarche comptable en dogme et à faire de la maîtrise des équilibres macro-économiques à des niveaux arbitraires une fin en soi. Une telle politique budgétaire est de nature à aggraver la fracture sociale, à fragiliser l'équilibre social et à saper, dans ses fondements, l'équilibre sociétal.
Il va sans dire que le social n'est pas aussi déterminant que le sociétal. Un déséquilibre social peut au pire générer des émeutes, mais lorsqu'il est accouplé à un déséquilibre sociétal, il finit par donner naissance à des révolutions. La Tunisie et l'Egypte des trente dernières années en sont l'illustration. Paradoxalement, l'orthodoxie budgétaire, telle qu'elle est définie par le FMI, peut mettre l'Etat à l'abri d'une faillite présupposée, mais elle expose le régime politique et l'ordre social dominant à l'implosion. L'orthodoxie budgétaire feint ignorer l'équilibre sociétal, car il ne sert pas ses visées idéologiques et ne s'inscrit pas dans la logique des marchés financiers qui tiennent à la solvabilité des Etats emprunteurs. Il est donc difficile de manier l'orthodoxie budgétaire sans mettre en danger l'équilibre sociétal. En ce sens que la recherche, coûte que coûte, des équilibres macroéconomiques, dans une économie de sous-emploi, peut être accompagnée d'une aggravation du déséquilibre sociétal, garant de la stabilité politique et de la confiance. Cette éventualité est d'autant plus probable que l'équilibre sociétal ne fait l'objet d'aucune surveillance. Le comble est qu'il est ignoré par le PNUD qui ne s'intéresse qu'à l'équilibre social à travers l'IDH. Il est donc important d'intégrer l'équilibre sociétal en tant que principal indicateur de l'état d'une société donnée et de réfléchir à la manière de le quantifier. Cet équilibre est intimement lié à la dignité humaine dans ses différentes facettes économique, sociale, politique et culturelle.
On ne le répètera jamais assez, le déficit budgétaire et l'endettement ne sont pas un mal en soi .Ils peuvent être bons comme ils peuvent être mauvais à l'image du cholestérol. C'est donc la nature du déficit et l'affectation de la dette qui doivent retenir l'attention et faire l'objet d'une surveillance accrue. La dette, en plus, constitue l'épée de Damoclès lorsqu'elle est d'obédience externe. C'est pourquoi il faut compter en premier lieu sur ses propres moyens. Le Japon en est l'exemple. En effet, malgré un surendettement excessif (plus de 200% du PIB) il n'est pas aussi menacé que l'Italie. La nocivité de la dette externe provient donc et de sa mauvaise affectation et de son origine. Il semble que les Etats qui s'accrochent à l'orthodoxie budgétaires n'ont pas pris conscience de cette réalité et continuent à jouer avec le feu. C'est pourquoi les finances publiques est une chose trop grave pour la confier aux fonctionnaires qui, disciplinés comme ils le sont, tiennent à l'orthodoxie budgétaire le plus souvent avec excès de zèle.
La gravité des finances publiques se vérifie avec la crise de la dette qui sévit actuellement dans les pays de l'hémisphère nord. La Grèce est aujourd'hui au bord de la faillite. La défaillance de son système fiscal et la fragilité de ses fondamentaux, l'ont amené à se rabattre sur la solution de facilité qui consiste à recourir, d'une manière systématique, à l'endettement. Cette option s'est heurtée à la contrainte que représentent les conditions de convergence imposées dans le cadre l'Union européenne. Pour les détourner, elle a procédé au maquillage de ses comptes lors de son passage à l'Euro avec l'aide de la banque américaine Goldman Sachs. Les fonctionnaires grecs ont, ainsi, induit en erreur, avec la bénédiction des politiques, la Commission européenne pour accéder le plus rapidement possible à l'Union Européenne, mais ils ne semblaient pas conscients de la gravité de leur acte et du danger qu'ils faisaient courir au peuple qui devrait, infini, payer les pots cassés. Les finances publiques acquièrent de la transparence pour anticiper les dérapages et en faire un levier de la démocratie.
L'endettement ne permet pas seulement de couvrir les besoins en rapport avec la capacité de remboursement, mais offre aussi la possibilité de vivre au dessus de ses moyens, tentation qui finit par mettre celui qui en est victime à genoux. Les Etats-Unis en sont l'illustration. Les citoyens américains qui ont succombé à cette tentation l'ont payé chère avec la crise des subprimes de même que l'Etat fédéral qui leur a emboîté le pas. Il est aujourd'hui fortement interpellé par la dégradation de sa note d'un cran par standard & poor's, dégradation qui a été attendue depuis le mois d'Avril suite à la décision de cette agence de notation de mettre en surveillance négative l'Oncle Sam et qui est intervenue après le bras de fer entre les démocrates et les libéraux au sujet de l'élévation du plafond de la dette qui dépasse actuellement les 14000 milliards de dollars. Les deux parties ont une conception des finances publiques diamétralement opposée. Autant les démocrates sont épris de justice sociale et d'équité fiscale, autant les libéraux sont animés par le «chacun pour soi». Ils sont farouchement opposés à l'augmentation des impôts comme à l'amélioration des dépenses sociales. En Revanche, ils sont plus conciliants quant il s'agit des dépenses militaires. D'ailleurs lorsqu'ils ont invité l'Administration d'Obama à opérer des coupes budgétaires et à diminuer, en conséquence, les dépenses sur les trois prochaines années, ils ne visaient nullement le budget consacré au Pentagone. Cette conception a contribué au creusement du déficit et à l'aggravation de l'endettement de l'Etat fédéral lorsque ses détenteurs étaient au pouvoir. L'Administration Bush junior avait procédé à une réduction des impôts au moment où ses expéditions militaires généraient des dépenses supplémentaires.
La crise de la dette des pays occidentaux est révélatrice de la profondeur de la crise de 2008 ; elle en est, d'ailleurs, le prolongement. L'Italie, l'Espagne, le Portugal, et l'Irlande, sans oublier la France, logent dans la même enseigne et risquent fort de rejoindre la Grèce. Seront-ils en mesure de résister et d'éviter le pire qui se pointe à l'horizon ? La situation est critique et l'enjeu est de taille puisqu'il y va de l'avenir de la zone euro.
L'étendu et la profondeur de cette crise ne se prêtent pas à la mesure. Néanmoins, une chose est sûre, l'Occident est dans de beaux draps. Il s'est empêtré dans une situation dont l'issue est incertaine. A en croire des observateurs avertis, l'Occident a entamé la phase de son déclin. L'étau s'est renfermé sur lui depuis qu'il a laissé le Capital financier prendre le dessus. Sa marge de manoeuvre s'est ainsi rétrécie et ne porte plus que sur le rythme/vitesse de ce déclin. Le dollar en tant que monnaie internationale et la puissance militaire américaine en sont des ralentisseurs alors que le surendettement et la désindustrialisation en sont les accélérateurs (cf. notre ouvrage : «la crise de 2008 : pour qui sonne le glas ?- fin 2010). L'Euro peut être un accélérateur comme il peut être un ralentisseur, tout dépend de l'Allemagne et d'une moindre mesure de la France.
L'Allemagne est dans une situation ambiguë. D'un côté, elle est le premier pays qui a le plus tiré profit de l'avènement de l'Euro en boostant ses exportations qui constituent la base de son modèle économique. En plus, ses banques sont impliquées dans l'endettement de ses partenaires de la zone euro. De l'autre, en se portant garant, dans le cadre d'une éventuelle mutualisation de la dette des pays membres de la zone euro, elle risque d'obérer son financement et de heurter son opinion publique qui a payé le prix de l'unification sans que le reste de l'Europe ne soit venue à son aide. En plus, une telle attitude sera difficilement comprise de la part d'un pays qui s'est imposé une discipline budgétaire. En effet, l'Allemagne s'est dotée depuis 1949 d'une "règle d'or" pour éviter tout dérapage budgétaire. Cette règle, inscrite dans sa loi fondamentale (équivalent de sa Constitution), concerne "les recettes et les dépenses (qui) doivent s'équilibrer"(article 110 de ladite loi) et précise que "le produit des emprunts (souscrits par le pays) ne doit pas dépasser le montant des crédits d'investissements inscrits au budget"(l'article 115). Toutefois il "ne peut être dérogé à cette règle que pour lutter contre une perturbation de l'équilibre économique global"1. A noter que le Bundesrat allemand a adopté, le 12 juin 2009, une loi constitutionnelle de "frein à l'endettement" qui complète l'article 115 en interdisant au gouvernement de voter un budget en déficit et ce, à partir de 2016. En pratique, l'Etat fédéral ne pourra souscrire des emprunts qu'à hauteur de 0,35 % du PIB, soit 8 milliards d'euros. D'ici 2016, l'Allemagne doit s'atteler à réduire son déficit de 10 milliards d'euros par an. Actuellement, ce déficit est de 2,89 %. Quant à sa dette, elle atteint 81,28 % de son PIB. Il me semble qu'il serait difficile pour l'Allemagne de laisser tomber ses partenaires de la zone euro, du moins d'une manière brutale, car une telle position condamnerait l'Euro à l'implosion, placerait l'Union européenne dans une mauvaise posture et provoquerait un tsunami boursier sans précédent. L'Union Europe n'a aujourd'hui de choix que d'entamer sa mutation pour s'ériger en fédération car, une monnaie unique à elle seule ne peut jouer pleinement son rôle de lien social que si elle est adossée à une seule et unique politique budgétaire. C'est dire l'importance des finances publiques qui, en somme, est une chose trop grave. CHIGUER – 14/8/2011 13 Ramadan 1432
1 L'Allemagne a dérogé une dizaine de fois depuis 1970 à cette règle générale, et s'est endettée, à l'instar de la majeure partie des pays développés. Comme le notait l'Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) dans une étude économique du pays en 2008, "le mécanisme budgétaire actuel inscrit dans la Constitution allemande, qui obéit à une approche de la règle d'or, stipule que le déficit ne devrait pas dépasser les dépenses d'investissement dans une année donnée, mais il ne s'est pas avéré efficace. Il n'a empêché ni la hausse du niveau d'endettement ni la mise en oeuvre de mesures proconjoncturelles."
* Economiste, professeur universitaire


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