De nuit comme de jour, le visiteur de certains quartiers casablancais est happé par un spectacle insolite. Des citoyens qui s'adonnent aux graffitis, ce n'est point de la délinquance urbaine comme c'est le cas dans d'autres métropoles comme Los Angeles. Ce sont, pour Casablanca, de simples citoyens qui ont choisi de s'exprimer sur les murs pour faire porter leurs doléances à qui de droit. Les inscriptions indélébiles sur les murs de quartiers de la capitale économique portent encore les stigmates des années de mal vie et de difficultés au quotidien. Les nuits ramadanesques ne sont pas de tout repos ces jours-ci pour les responsables locaux mobilisés avec leurs équipes techniques, déployant des moyens et des efforts colossaux afin de faire disparaître tant bien que mal ces inscriptions qui accusent. Des quartiers comme celui de Bachkou, Sidi Moumen, Hay mohammadi, El Fida Derb Soltane, l'ancienne médina sont le terrain de prédilection de ces contestataires nouvelle vague. Le but ultime de ces auteurs de graffitis est de porter haut et fort leurs doléances afin de décrier les injustices dont ils sont l'objet et de revendiquer des solutions à leurs problèmes qui tardent à venir. Ce sont ces quartiers qui vivent, selon certains observateurs, des situations de tension subséquentes à la mise en œuvre de plan de restructuration de certains quartiers. Ce sont généralement des projets qui comportent des contenus valorisants en termes de modernisation et de rationalisation de l'aménagement de l'espace urbain. Mais dans la plupart des cas, la prise en charge des effets induits au plan social fait défaut. Ce qui est remarquable dans ce qui se passe à Casa donne l'impression que le phénomène d'Al Hoceima, où des citoyens ont réussi à faire parvenir à la connaissance de SM le Roi Mohammed VI et de manière directe l'essentiel de leurs doléances, est en train de faire école. Nous avons encore présent à l'esprit la vigueur avec laquelle le souverain a réagi à l'encontre des situations de gabegie, de trafic d'influence et de marginalisation des requêtes des citoyens. Il est évident que le cas d'Al Hoceima figurera en bonne place dans les annales de la gouvernance locale. A Casablanca, effet d'entrainement oblige, toute visite de SM le Roi est l'occasion idoine pour les citoyens des quartiers dits difficiles de monter au créneau (c'est le cas de le dire) et d'espérer bénéficier de la Haute sollicitude royale. Ce phénomène comporte, par ailleurs, une signification qui ne peut que nous laisser perplexe. Faut-il à chaque complication de gestion d'un dossier faire l'impasse des échelons inférieurs et intermédiaires de la gouvernance locale pour s'adresser directement au chef de l'Etat avant de voir venir la solution qu'il faut ? En tous les cas, c'est un phénomène qui interpelle à plus d'un titre. Mais en attendant de trouver des éléments de réponse à cette problématique, notons au passage que le contenu et les formes de la contestation changent. Les graffitis grandeur nature est la « new wave » de la contestation bien de chez nous.