«Bachkou», l'un des célèbres bidonvilles de la capitale économique du pays, continue de faire parler de lui. Non pas en raison de l'opération de recasement de la population de ce vieux quartier, prévue dans le cadre du programme villes sans bidonvilles, mais à cause des irrégularités qui auraient entaché la procédure. Les habitants, victimes de ces irrégularités, ont choisi/attendu l'arrivée du Souverain à Casablanca pour protester. Ils l'ont fait bien avant et à plusieurs reprises et de différentes manières. Durant toute la semaine dernière, ils ont porté leurs doléances et protestations sur les murs de la zone, notamment tout au long du Boulevard Mekka, en s'adonnant aux graffitis. Les habitants «ornent» les murs la nuit, les services de sécurité effacent les «tableaux» tôt le matin. Un jeu de cache-cache entre les deux parties. Lundi, plusieurs dizaines d'habitants de ce célèbre bidonville qui agonise aujourd'hui ont observé un sit-in sur place. Les banderoles brandies à l'occasion et ornées des portraits du Souverain véhiculaient des messages on ne peut plus clairs. Les habitants s'adressaient au Souverain lui demandant «d'intervenir pour les sauver de la tyrannie des responsables locaux». C'est l'effet du «séisme d'Al Hoceima» ayant secoué l'administration territoriale de la perle bleue de la Méditerranée dernièrement. Mais c'est aussi et surtout le comportement de certains responsables lors du recensement des habitants ayant droit de bénéficier d'un toit décent. Le nombre des habitants de ce bidonville, dont l'apparition remonte aux années 50, était de l'ordre de 30.000 selon le plan de recasement de 2007. Mais, selon plusieurs habitants, des «non-résidents» et d'autres n'ayant acquis que «l'adresse» à «Bachkou» ont pu bénéficier des lots de terrain au moment où ceux qui ont vivoté, des années durant, dans de lugubres baraques sur les lieux sont condamnés aujourd'hui à accepter des superficies étroites pour deux ou trois familles composées ou être mis à la rue. Des jugements d'évacuation des lieux ont été rendus par les tribunaux de la ville. Leur exécution n'est qu'une affaire de quelques jours. Sauf dans le cas où une enquête est ouverte pour tirer l'affaire au clair. C'est ce que demandent d'ailleurs les 400 familles qui demeurent encore sur place. L'opération de recasement des habitants de ce bidonville, rappelle-t-on, consiste à offrir à chaque deux familles une parcelle de 70m2 au quartier Rahma dans la commune de Dar Bouaâzza. Chaque famille devra verser 15.000 dirhams. Sur chaque parcelle de 70m2 sera bâti un immeuble en copropriété de trois étages avec un rez-de-chaussée. Les familles ont droit à faire appel à une tierce personne pour leur financer la construction, et ce en contrepartie d'un appartement ou un magasin. La formule a pu régler le problème des familles indigentes, mais a ouvert grandement la porte à la spéculation. Pour la petite histoire, le vieux bidonville «Bachkou» était constitué au début des années cinquante de deux derbs, Al Gara et El Fassi. Quelques années plus tard, le bidonville a été baptisé «Bachkou». Et ce, en déformant, selon des vieux du bidonville, le nom de Basco, l'un des anciens propriétaires juifs du terrain.