Malheureux, Mohamed Naciri doit l'être. En tant que ministre de la Justice qui se démène pour faire avancer la réforme pour laquelle il a été appelé. Les effets de manche, il en connaît, lui qui a marqué la chronique judiciaire du pays. Mais la Realpolitik, bien de chez nous, rend risible certaines postures (voire plutôt impostures) qu'adoptent des représentants de la nation qui veulent à tout prix faire tonner la voix de l'opposition. Et le PJD joue à merveille cette distribution des rôles au sein du Parlement en tentant de minorer la portée des réformes de la Justice en se braquant, bien sûr, sur le peu de suivi accordé aux rapports de la Cour des comptes. Ceux qui chargent lampe au clair l'Exécutif choisissent le terrain de la Justice où un réel branle-bas s'opère et où les résistances s'orchestrent pour limiter l'élan de moralisation que l'ancien bâtonnier voudrait voir marquer de ses vertus le secteur névralgique de la Justice. Le PJD qui emprunte ainsi la piste déjà inaugurée par le PAM pour en découdre avec l'Istiqlal ne fait pas dans le suivisme aveugle. Mai tente plutôt de faire pression sur le ministre de la Justice dont dépendent les instances qui traitent le lourd dossier du terrorisme. La meccano du PJD est connue : toutes les munitions doivent être utilisées pour peu que l'on amène la Justice à revoir le dossier Belliraj. Et pourtant, Me Naciri a donné des assurances quant à la nature équitable du procès dans lequel sont poursuivis des politiques de la mouvance islamiste. Mais qu'à cela ne tienne ! Le rapport de la Cour des comptes est tombé, il faut que les rouages de la Justice se mobilisent pour apporter tout l'éclairage sur le monde obscur de la gabegie qui défraye la chronique. Sur le plan de la légitimité morale de l'action, nul ne saurait contester une telle approche. Car le peuple est en droit de voir que l'Etat ne badine pas avec ceux qui se permettent de se jouer des deniers publics comme au casino. Mais de là à faire d'un dossier problématique qui nécessite une réelle prise en charge, celle qui doit aboutir aux sanctions, un moyen de pression sur un ministre, cela relève d'une seule chose, innommable en politique, le chantage ! En vieux routier de la politique et des enjeux liés aux affaires soumis aux fourches caudines de la loi, le ministre de la Justice qui était attendu au Parlement n'aura pas cherché à griller la politesse aux élus. En diplomate, il a répondu clairement aux interrogations légitimes sur la suite à donner au rapport de la Cour des comptes. «La cour dispose d'un pouvoir judiciaire lui permettant d'assurer la restitution des biens publics dilapidés et d'infliger les amendes aux auteurs de leur détournement». Tel est le ressort sur lequel s'est articulée la plaidoirie de Me Naciri. Un test oral réussi, en somme, par un ministre dont le franc parler dont il fait preuve lors de ses tournées régionales a fini par désarmer ses pires adversaires. Dès lors, la balle est dans le camp d'Ahmed Midaoui qui préside une instance appelée, en vertu de la loi, à assurer le contrôle supérieur de l'exécution des Lois de finances. Et il faut croire que bien des dossiers problématiques transiteront par les instances judiciaires compétentes pour être traités. Pénalement s'entend. De là à dire que l'Exécutif ferme les yeux sur les points noirs, c'est aller vite en besogne… Mais que voulez-vous, quand le populisme nous tient…