Nestlé a assigné en contrefaçon son concurrent Sara Lee (Maison du café). D'après les informations du Figaro, le distributeur Casino serait aussi visé par la plainte. Dix semaines après l'arrivée dans les rayons d'hypermarchés de son premier concurrent, Nespresso passe à l'offensive… judiciaire. Nestlé, leader mondial de l'agroalimentaire et propriétaire de Nespresso, a assigné vendredi devant le tribunal de grande instance de Paris l'américain Sara Lee, qui commercialise en France des dosettes de café utilisables dans les machines Nespresso sous la marque L'Or (Maison du café). Selon nos informations, Casino est également visé par cette assignation, en tant que distributeur des capsules L'Or. En revanche, ni Carrefour, ni Leclerc, ni Auchan, qui les vendent également, n'ont reçu de papier bleu. Nestlé a visiblement tenu à ménager ses principaux clients dans l'Hexagone. En fait, le groupe suisse s'attaque à Casino car ce dernier commercialise, en plus des dosettes L'Or, ses propres capsules à sa marque, elles aussi compatibles avec les machines Nespresso. Disponibles depuis moins d'un mois, elles ont été conçues par ECC, une société fondée par un ex-patron de Nespresso, qui assure avoir trouvé un moyen de contourner les brevets déposés par le groupe suisse. La meilleure publicité que Nestlé pourrait nous faire serait de nous traîner en justice», répète Jean-Paul Gaillard, le patron d'ECC. Ce dernier devra encore patienter pour savoir s'il bénéficiera d'un tel coup de pouce de son ex-employeur. 1700 brevets déposés Les experts de Nestlé (ingénieurs, mécaniciens, juristes), qui ont mis dix semaines pour mener leurs analyses techniques des capsules de L'Or, n'ont pas encore terminé l'examen de celles de Casino. «Cette assignation est un habile coup de billard à trois bandes,estime un avocat.Casino devra préparer sa défense pour L'Or, tout en évitant d'avoir à se contredire dans une éventuelle affaire ultérieure.» Nestlé a lui pris le risque d'une (mauvaise) publicité pour défendre sa marque et ses marges. «Nous acceptons la compétition loyale,explique le groupe, mais nous prendrons toutes les mesures appropriées pour défendre nos droits de propriété intellectuelle.» Avec Nespresso, ses machines à café conçues sur mesure pour n'accepter (en théorie) que les capsules maison et son café vendu en exclusivité dans un réseau de distribution lui appartenant, Nestlé possède une pépite qui a réalisé l'an passé un chiffre d'affaires de 1,94 milliard d'euros (en hausse de 22 %) et dont la rentabilité, tenue secrète, est proche des niveaux enregistrés dans l'industrie du luxe. Les 1 700 brevets Nespresso concernent à la fois les dosettes, les machines, et le mécanisme qui assure le lien entre les deux. L'assignation de Sara Lee porterait sur ces deux derniers points, et non sur les dosettes elles-mêmes. Alors que celles de Nespresso, en aluminium, sont entièrement hermétiques, celles de L'Or, en plastique, sont déjà trouées. Le débat d'experts s'annonce délicat. En attendant les résultats de la procédure, qui pourrait prendre 12 à 18 mois (sauf si un accord était trouvé auparavant), Nespresso assure ne pas avoir noté de ralentissement de son taux de croissance depuis l'arrivée de ses nouveaux concurrents. Sara Lee vendrait ainsi entre 1,1 et 1,5 million de capsules de café… soit dix à vingt fois moins que Nescafé.