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Quid de l'offre de soins à Casablanca ?
Publié dans Albayane le 23 - 02 - 2016

Soulever la question de l'offre de soins au niveau de la région de Casablanca-Settat, eu égard au nouveau découpage administratif, c'est rappeler si besoin est, que cette offre est destinée à répondre aux besoins d'une population qui avoisine 7 millions d'habitants. A l'évidence, ce n'est pas une mince affaire surtout que les besoins en matière de soins de la population connaissent une courbe exponentielle, que les moyens sont limités et que les coûts de la santé sont de plus en plus chers.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites concernant l'offre de soins de santé au niveau des différentes régions de notre pays. L'offre de soins est un sujet qui ne laisse pas indifférent. On serait tenté de dire tant mieux, car après tout, il s'agit de la santé de chacun. Quand la maladie nous rattrape, on souhaite tous être pris en charge correctement, bien soigné dans des structures adaptées par des professionnels de santé compétents. Pour ce faire, il n'y a pas 36 solutions. Il faut disposer de moyens qui soient à même de répondre efficacement en tous lieux, tous moments et circonstances aux besoins de santé de notre population.
S'agissant de la région de CasablancaSettat, il est évident que la demande de soins de santé est énorme, une demande sans cesse en augmentation tant au niveau des établissements de soins de santé de base qu'au niveau des établissements hospitaliers. Chaque patient est un cas à part. Il doit en toute bonne logique bénéficier d'une prise en charge globale. Les professionnels de santé doivent répondre aux besoins de santé tout en veillant à assurer des soins de qualité.
Pour répondre à tous ces besoins et conformément aux dispositions de la nouvelle constitution qui érige la santé au rang de droit fondamental de l'homme, mais aussi dans un souci d'équité, d'accessibilité, d'efficience, de participation et de solidarité qui sont des valeurs nobles auxquels le département de la santé accorde un très grand intérêt afin de démocratiser l'accès aux soins et aux médicaments, toutes les dispositions sont prises au niveau de la région de CasablancaSettat. Ces dispositions sont à la fois d'ordre humain, matériel et financier et vise à assurer une offre de soins plus équitable à l'ensemble de la population de cette région.
Il est évident que des dysfonctionnements existent, que ceux-ci influent négativement sur l'offre de soins. C'est le cas de la disparité des effectifs, notamment entre le milieu urbain, péri – urbain et le rural. La région de Casablanca compte 4.410.034 habitants. Elle se caractérise par la faiblesse des ressources humaines. On compte 1255 médecins (3514 habitants / médecin). Idem pour le personnel para – médical tous grades et profils confondus qui sont au nombre de 1654 (2.666 habitants/Infirmier). 50 % de médecins sont âgés entre 41 et 50 ans. La moitié des infirmiers de la région sont âgés de 50 à 59 ans.
Le déficit en ressources humaines s'explique, notamment, par le départ à la retraite de grands contingents d'infirmiers, les retraites anticipées, le faible taux de recrutements, la mauvaise répartition des ressources existantes.
Afin de pallier ces insuffisances, une régulation de l'offre de soins régionale s'impose. Celle-ci passe par une répartition homogène des ressources humaines, matérielles et financières sur la base de référentiels et de critères clairs, la formalisation des filières de soins ainsi que la mutualisation des ressources par la prise en considération du potentiel du secteur privé et du secteur privé non lucratif. Le partenariat public-privé n'est pas en reste, d'autant plus qu'il a fait ses preuves en matière d'achat de service de dialyse. Au niveau de la région, le secteur privé prend 550 patients en charge. De grands investissements sont aujourd'hui consentis pour rehausser et développer le niveau sanitaire de la région de Casablanca.
De nombreux chantiers voient le jour. D'autres sont au stade de projet pour doter cette grande région (7 millions d'habitants) d'une infrastructure sanitaire moderne.
Al Bayane : Comment se présente l'offre de soins au niveau de la région de Casablanca ?
Rachid Moulki : Tout d'abord, je tiens à présenter l'offre de soins au niveau de la région de Casablanca qu'il faut tout d'abord rappeler, est très développée. Elle comprend des établissements publics et privés. Le secteur public comprend 9 hôpitaux provinciaux, un hôpital régional, un CHU avec ses trois hôpitaux et 145 centres de santé qui constituent la base de la pyramide de l'offre de soins. Il y a 10 centres de diagnostic et de traitement des maladies respiratoires, 5 centres de référence de santé reproductive, 3 laboratoires d'épidémiologie et d'hygiène du milieu. Il y a 3 scanners, 7 mammographes et 3 écho doppler.
Le secteur privé est constitué de plus de 85 cliniques. C'est une offre qui est très étoffée et qui contribue à la satisfaction des besoins de santé de la population Casablancaise.
La capacité litière spécialisée est de 168 lits pour la psychiatrie. On compte au total 20 lits de réanimation, 48 lits de traumatologie, 20 lits de néonatalogie niveau 1 et 2, 24 lits de cardiologie, 20 lits de phtisiologie et 293 générateurs d'hémodialyse qui assurent la prise en charge de 896 malades.
Ce sont 550 malades qui sont pris en charge grâce au partenariat public – privé.
Dans le cadre de la restructuration de l'offre de soins au niveau de la région de Casablanca, il y a l'opportunité de la promulgation du décret de la carte sanitaire. Ce décret se compose de la carte sanitaire et du schéma de l'offre de soins. Celui-ci va nous permettre de nous projeter dans le futur et plus exactement dans les cinq ans à venir. En d'autres termes, nous allons avoir une meilleure visibilité concernant l'extension de l'offre de soins pour répondre aux besoins de la population Casablancaise et ce, d'autant plus que cette région s'est considérablement élargie.
Quelle la population desservie ?
Pour l'année 2014, en ce qui concerne la région de Casablanca, nous avons desservi une population de 4.410.000 habitants, mais comme vous le savez, sur le plan administratif, le nouveau découpage englobe en plus des 11 provinces et préfectures, 5 nouvelles provinces, ce qui fait qu'au total, ce sont 16 préfectures et provinces qui totalisent une population estimée à 7 millions d'habitants. Il est utile de rappeler ici que la population qui vit en milieu rural a, en plus d'autres besoins de santé que ceux rencontrés en milieu urbain, d'autres défis de santé auxquels nous allons être confrontés, plus particulièrement dans les régions de Settat, El Jadida et Sidi Bennour.
Dans le cadre du schéma régional de l'offre de soins, on prévoit un centre de santé de 1er niveau et de 2e niveau. Cela rentre dans le cadre de la démocratisation de l'accès aux soins. Il a été décidé que chaque préfecture aura deux ou trois circonscriptions sanitaires.
Une circonscription sanitaire égale à un arrondissement, une municipalité. Donc pour les préfectures qui sont organisées en arrondissements, tous les soins de santé primaires doivent être assurés, notamment les soins curatifs usuels, les soins pour la femme et l'enfant, le suivi des maladies chroniques.
Pour le 2e niveau, les prestations de soins sont plus étoffées. Il y a les soins d'urgence de proximité surtout pour les populations loin des centres hospitaliers. Il y a aussi les bilans des maladies chroniques, la prise en charge des malades et leur suivi.
Comment se présente le bilan des activités pour 2015 ?
Pour l'année 2015, nous avons enregistré 900.000 passages aux urgences. Avec le CHU Ibn Rochd, nous avons dépassé un million de patients, c'est-à-dire le 1/5 des passages aux urgences à l'échelle nationale. Que signifie ce chiffre ? Il veut dire qu'il y a une énorme pression sur nos structures de soins.
Les admissions au niveau des hôpitaux sont de 124.414 en légère hausse par rapport à 2014 (+ 2,47 %).
Les admissions en hôpital du jour s'élèvent à 57.437 (+ 2, 94 %).
Les consultations spécialisées externes sont au nombre de 408.602 (+2,47 %).
Les interventions chirurgicales majeures sont de 18.100 ( + 1, 96 % ). Les accouchements sont fixés à 39.607, dont 3189 au niveau des maisons d'accouchements de Bouskoura ( 920 ) – Ain Harrouda ( 648 ) – Sidi Maarouf ( 430 ) - Tit Mellil ( 611 ) - Mediouna ( 419 ) et Lahraouiyine 161 ).
Les césariennes sont au nombre de 7.021 (+ 7,22 %). Les malades hémodialysés au niveau des hôpitaux s'élève à 378 (+8,31 %), le nombre de consultations médicales curatives à 3.250.994, les malades pris en charge dans le cadre de la psychiatrie ambulatoire à 52 .836. Au total, le dépistage du cancer du sein a été effectué sur 163.200 femmes, le dépistage cancer du col de l'utérus sur 36.127 femmes. Les malades diabétiques pris en charge sont de 92.164, les malades hypertendus, de 69.752 et ceux pris en charge dans le cade de l'opération Karama, de 110.
Que pouvez – vous nous dire au sujet des territoires sanitaires ?
Aujourd'hui, la donne a changé afin d'être efficaces, mieux organisés et répondre de manière cohérente et efficiente aux besoins de santé de notre population. Nous allons procéder à la création de 4 territoires sanitaires au niveau de Casablanca.
Le premier territoire sera composé d'Anfa et Hay hassani –Nouaceur.
Le 2e territoire est composé d' Al Fida – Ain Chock , le 3e de Ben M'sick – Moulay Rachid – Mediouna et le 4e de Hay Mohammadi – Bernoussi.
Nous allons édifier des pôles de référence, d'excellence en matière de réanimation et nous envisageons de doubler la capacité actuelle pour la porter à 40 lits. Un grand intérêt est accordé aux services des urgences, à l'acquisition de nouveaux scanners. On aura un scanner à l'hôpital de Mohammedia.
Les besoins en hémodialyse vont également être renouvelés.
Pour l'optimisation des soins, de nouveaux appareils écho doppler, écho cœur seront affectés aux hôpitaux dans le cadre du programme de développement du grand Casablanca initié par Sa majesté le Roi qui a assisté à la séance de signature. Nous allons bénéficier d'une enveloppe de 500 millions de DH pour la réalisation des différents projets. 50 % proviennent du ministère de la santé et 50 % des autres acteurs.
Dans ce programme figure l'extension de l'hôpital Hay Hassani qui draine une population importante.
Il y aussi d'autres axes tels que la construction d'un nouvel hôpital à Mohammedia qui connait un essor démographique avec plus de 400.000 habitants. Dans le même sillage, il y aura la construction de 8 centres de santé au niveau de la ville de Zenata. Dans le cadre des recasements des bidonvilles, la ville de Rahma connaitra l'édification de nombreuses structures sanitaires conformément aux instructions de Sa majesté le roi Mohamed VI.
Et dans le même ordre d'idée, nous ne cachons pas notre grande fierté concernant le projet inauguré par Sa Majesté le Roi Mohamed VI au niveau du CHU Ibn Rochd pour la création du service des urgences de l'ophtalmologie et ORL, le projet de la nouvelle maternité du CHU et de la néonatologie.
Qu'en est-il des ressources humaines ?
S'agissant des ressources humaines au niveau de la région de Casablanca (hors CHU), il y a au total 1255 médecins, soit 1 médecin pour 3514 habitants. Les infirmiers sont au nombre de 1654, soit 1 infirmier pour 2666 habitants.
Au niveau du réseau des soins de santé primaires, il y a 487 médecins et 456 infirmiers.
Les médecins qui travaillent au niveau des différents services d'urgences (hors CHU) sont au nombre de 67alors que les infirmiers sont au nombre de 73.
Vous me posez la question de savoir si les ressources humaines sont en nombre suffisant ? Je vous réponds tout de suite que non. C'est un véritable problème. Bien plus, c'est même une grande contrainte pour le ministère de la santé. Il faut chercher des solutions innovantes et avec nos partenaires nous avons posé cette problématique. Il ne s'agit pas de penser toujours à la création de structures et dans ce sens, nos partenaires nous ont bien écoutés. On a senti qu'il y a un réel engagement dans ce sens afin de trouver des solutions adaptées au problème des ressources humaines et plus particulièrement celui des infirmiers. Par ailleurs, on est en discussion avec le ministère pour avoir le maximum de ressources pour la région de Casablanca qui, faut-il le rappeler, représente 20 % de la population Marocaine et il est légitime de lui octroyer 20 % des ressources. Nous savons que ce n'est pas évident, que ce n'est pas aisé, mais il y a de grands espoirs pour que toutes ces créations et tous ces projets voient le jour dans d'excellentes conditions.
Le RAMED fait couler beaucoup d'encre. Quelle lecture faite-vous aujourd'hui concernant ce projet social ?
Vous faites bien de me poser cette question, car elle me donne l'opportunité de parler à cœur ouvert sur ce sujet. Tout d'abord, il faut savoir que les patients détenteurs de la carte RAMED constituent 90 % des usagers de nos hôpitaux au niveau de la région de Casablanca.
Il faut également savoir que tous ces malades bénéficient gratuitement de toutes les prestations de soins de santé. C'est notamment le cas pour les hospitalisations, les différents et multiples bilans biologiques, les différents examens radiologiques dont les scanners, les échographies.
Il en est de même pour les accouchements par voie basse, les césariennes, les interventions chirurgicales, les prothèses, la réanimation et les médicaments....
Il y a quelques difficultés surtout en matière de respect de la filière des soins. Les citoyens contournent cette filière alors que le RAMED a mis des gardes fous pour que le patient soit traité en premier lieu au niveau de la structure sanitaire la mieux adaptée. Vous savez que les soins engendrent des coûts énormes et si on ne respecte pas la filière de soins, c'est tout le système de soins qui en pâtit. Nombreux sont les citoyens qui s'adressent directement au 3e niveau pour des soins qui demandent une prise en charge au 1 er niveau. Cela pose réellement un problème. Par ailleurs, il y a le recouvrement des coûts par les hôpitaux qui pose aussi problème. On facture de nombreuses prestations mais les entrées d'argent ne suivent pas. Cette année, le gouvernement a octroyé un milliard de DH pour combler ce déficit. A cette occasion, nous allons bénéficier d'une part importante de cet argent qui nous permettra de renouveler les équipements de certains hôpitaux. Nous sommes très optimistes et nous avons une grande confiance dans nos partenaires, notamment les collectivités locales, mais aussi un partenaire de taille à savoir la fondation Lalla Salma de lutte contre le cancer qui nous apporte une aide précieuse.
Dans ce sens, il y a lieu de rappeler que la fondation Lalla Salma de lutte contre le cancer a construit des structures de santé. Aujourd'hui, au niveau de la région de Casablanca, nous sommes à 4 centres de dépistage. D'autres centres vont voir le jour. On a signé récemment une convention avec la Wilaya de Casablanca , l'INDH et bien entendu avec la fondation pour étendre davantage ces centres de référence de la santé reproductive qui ont un impact positif en matière de dépistage du cancer à un stade précoce. A un stade tardif, le taux de mortalité est élevé et les coûts de prise en charge des patients deviennent exorbitants.
Il faut rappeler que le CHU a bénéficié d'un appui de la part de la fondation Lalla Salma pour la création d'un centre régional d'oncologie. Nous travaillons en étroite collaboration pour assurer la prise en charge des femmes. Cette année par exemple, nous avons dépassé et de loin, nos objectifs en matière de dépistage du cancer du sein.
Plus de 100 femmes ont été dépistées porteuses du cancer du sein. Elles ont bénéficié d'une prise en charge spécialisée. Malheureusement, le cancer pèse lourd sur les épaules du ministère de la santé, car chaque année, ce sont plus de 32.000 nouveaux cas de cancers qui sont répertoriés dans le registre national du cancer.
Autre problème prioritaire, c'est celui de la santé mentale. Nous avons vécu l'opération Karama que nous avons accompagnée. La région de Casablanca a rapatrié de Bouya Omar et pris en charge 100 malades au niveau des différentes structures de la région (Tit Mellil - hôpital Bouafi - ) et on a créé un service intégré de 30 lits à Ben M'sik
Autre priorité du ministère de la santé, qui est aussi notre priorité, c'est l'insuffisance rénale chronique. Dans le cadre de l'achat de service, nous prenons en charge 550 malades. C'est un budget de 47 millions de DH qui rentre dans le cadre du partenariat public – privé. La lutte contre la tuberculose est un autre chantier prioritaire qui pose problème et auquel nous faisons face avec l'aide du fonds mondial.
Tout cela est fort appréciable, mais qu'en est-il des dysfonctionnements ?
Certes tout n'est pas rose. Il y a des dysfonctionnements auxquels nous faisons face grâce à l'appui constant du ministère de la santé, à la bienveillance du ministre de la santé qui suit de très près tous les chantiers afin d'offrir des soins de qualité à la population de la région de Casablanca.
Actuellement, nous entreprenons un travail minutieux pour corriger les iniquités de la répartition intra – régionale de l'infrastructure de base.
Il y a encore un déficit dans l'offre de soins de base et d'appui et Réseau des établissements médico-sociaux (REMS). On note également un déficit au niveau des consultations spécialisées dans certains hôpitaux provinciaux, la vétusté de certaines structures de soin. En outre, le centre hospitalier régional a une capacité litière limitée. La répartition équitable des ressources humaines pose aussi un problème. C'est un lourd héritage que nous gérons du mieux que nous pouvons.


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